Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2015, M. A... D...et Mme B... C... épouseD..., représentés par Me Letellier, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du préfet de la Drôme du 6 octobre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour dans les trente jours suivant la notification du présent arrêt, sous astreinte définitive de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et de leur délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
M. et Mme D...soutiennent que :
Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :
- le jugement est irrégulier car il motive le refus du bénéfice des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par le fait qu'ils sont en bonne santé alors que ces dispositions s'appliquent à leur enfant de par le renvoi à l'article L. 313-11 11° par l'article L. 311-12 du même code ;
- leur enfant E...D..., qui présente des séquelles d'une méningite néonatale, remplit les conditions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne peut bénéficier dans son pays d'origine des injections de toxine botulique dont il a besoin ni d'un traitement adapté à son polyhandicap ; le fait que, dans son avis, le médecin-inspecteur de l'agence régionale de santé ait mentionné qu'il ne peut pas voyager sans traitement démontre que les traitements chimiques et médicaux qui lui sont prodigués lui sont indispensables ;
- les décisions en cause méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
- l'obligation de quitter le territoire méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2015, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 11 mars 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 6 avril 2016, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,
- et les observations de Me Letellier, représentant M. et MmeD... ;
1. Considérant que M. et MmeD..., ressortissants albanais, respectivement nés le 6 décembre 1976 et le 1er juin 1985, sont, selon leurs déclarations, entrés en France le 11 janvier 2013, en compagnie de leurs trois enfants mineurs ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées le 27 décembre 2013 par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 2 septembre 2014 ; que, par deux arrêtés en date du 6 octobre 2014, le préfet de la Drôme leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de leur renvoi ; que M. et Mme D...relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le jugement attaqué explicite les motifs pour lesquels, l'enfant E...D...ne remplissant pas les conditions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ses parents ne sont pas fondés à soutenir qu'ils pouvaient bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du même code ; que, dès lors, ce jugement est régulièrement motivé ; que la circonstance que les premiers juges se soient au surplus prononcés sur la situation de M. et Mme D... au regard du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est sans incidence sur la régularité du jugement en cause ;
Sur la légalité des décision portant refus de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l'un des parents étranger de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313 sous réserve qu'il justifie résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;
4. Considérant que, par un avis émis le 8 juillet 2014, le médecin inspecteur de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de l'enfant E...D...nécessitait une prise en charge médicale de longue durée, dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existe un traitement approprié à son état de santé en Albanie, pays vers lequel il peut voyager sans risque avec son traitement ; que le préfet de la Drôme, qui n'est pas lié par cet avis, a refusé à M. et Mme D...une autorisation provisoire de séjour au motif que leur enfant ne remplit pas les conditions du 11° de l'article L. 313- 11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, suite à une méningite néonatale, l'enfant E...D...souffre d'un handicap moteur majeur et de séquelles neurologiques ; qu'il fait l'objet d'une prise en charge pluridisciplinaire et d'un traitement pour l'épilepsie ; que, M. et Mme D...font valoir qu'il n'existe pas en Albanie de structure adaptée pour la prise en charge du polyhandicap de leur enfant et que ce dernier ne pourrait y bénéficier des injections de toxine botulique qui lui sont faites en France ; que, toutefois, les pièces produites au dossier ne suffisent pas à établir que, contrairement à l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, un défaut de prise en charge médicale du jeune E...D...présenterait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Albanie ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que, leur enfant remplissant les conditions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les décisions qu'ils contestent méconnaissent les dispositions de l'article L. 311-12 du même code :
6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
7. Considérant que si les requérants produisent une attestation du ministère de l'enseignement albanais dont il résulte qu'il n'existerait pas d'école spécialisée dans la région de Tropoja, il n'est pas établi qu'il n'existerait pas des structures d'enseignement adaptées aux personnes handicapées en Albanie ; que, dès lors, M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que les décisions litigieuses méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ; que M. et Mme D...s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, ils entraient dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (... ) " ;
10. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux-ci-dessus mentionnés au point 5, M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français méconnaissent le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme B...C...épouse D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
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N° 15LY03248
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