Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 4 mai 2018, M. et Mme A...demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 22 février 2018 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier faute pour le tribunal d'avoir expliqué en quoi les justifications apportées pour démontrer l'existence et le caractère professionnel de ces dépenses ne pouvaient être retenues, et ne précisait pas en quoi les éléments apportés ne démontraient pas l'existence d'une double taxation ;
- les sommes réintégrées dans leurs bases imposables, destinées à couvrir des frais inhérents à la fonction ou à l'emploi et effectivement utilisées conformément à leur objet, étaient affranchies de l'impôt en application du 1° de l'article 81 du code général des impôts ;
- les allocations forfaitaires pour frais professionnels sont présumées utilisées conformément à leur objet à concurrence des montants prévus par la règlementation sociale conformément à l'instruction du 6 février 2004 référencée 5F-1-04 ;
- les sommes réintégrées dans leurs bases imposables ont pour partie été déclarées dans la catégorie des traitements et salaires et déjà été imposées à ce titre ;
- ces sommes correspondaient à des remboursements de frais de déplacement, qui auraient dû être imposées dans la catégorie des traitements et salaires ;
- la majoration de 40 % n'est pas motivée ;
- la majoration de 40 % n'est pas fondée dès lors que l'administration ne justifie pas, par la seule référence à l'importance des rectifications, du caractère délibéré des manquements qui leur sont reprochés ;
- les termes de l'instruction référencée 13-N-1-07 du 19 février 2008 imposent à l'administration fiscale d'apporter la preuve selon laquelle l'infraction a été commise sciemment, ce qu'elle ne fait pas.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut à un non-lieu à statuer partiel et au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A...ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté par M. et Mme A... a été enregistré le 3 décembre 2018 mais n'a pas été communiqué en application de l'article R.611-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 4 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 21 décembre 2018 en application de l'article R.613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue de la vérification de comptabilité de la SARL SN BAT, l'administration a constaté que des chèques, correspondant à des sommes apparaissant en comptabilité comme étant des règlements de factures, avaient été établis à l'ordre de M. A..., père du gérant de cette société, embauché en qualité de maçon, et encaissés par ce dernier sur son compte bancaire personnel. L'administration fiscale a regardé ces sommes, s'élevant à 63 616,90 euros au titre de l'année 2009, comme des revenus distribués provenant de la SARL SN BAT et les a imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 22 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis à raison de cette appréciation, et des pénalités correspondantes.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 27 septembre 2018, postérieure à l'introduction de la requête, la directrice régionale des finances publiques de Bourgogne Franche-Comté a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 2 871 euros, des cotisations supplémentaires de contributions sociales réclamées au titre de l'année 2009 à M. et Mme A.... Les conclusions de la requête de M. et Mme A... relatives à ces impositions et pénalités sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
4. Il résulte de la lecture du jugement que le tribunal administratif de Grenoble a expressément répondu aux moyens contenus dans la requête des requérants. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de ce que les sommes correspondaient à des remboursements de frais de déplacement, qui auraient dû être imposées dans la catégorie des traitements et salaires, ainsi qu'au moyen tiré de ce que les sommes réintégrées dans les bases imposables auraient pour partie été déclarées dans la catégorie des traitements et salaires et déjà été imposées à ce titre. Par suite, M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. D'une part, aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. (...) ". Aux termes de l'article 81 du même code : " Sont affranchis de l'impôt : 1° Les allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi et effectivement utilisées conformément à leur objet (...) ". Les contribuables salariés qui entendent bénéficier de ces dispositions à raison de sommes que leur a versées leur employeur doivent être en mesure de justifier que ces sommes ont couvert des frais qu'ils ont réellement exposés, ainsi que l'exigeaient leurs fonctions au sein de l'entreprise, dans l'intérêt de cette dernière.
6. D'autre part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. ".
7. En premier lieu, M. et Mme A... ont perçu de la SARL SN BAT la somme de 63 616,90 euros au titre de l'année 2009, par douze chèques établis à l'ordre de M. A.... Pour démontrer que ces sommes ont la nature d'allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents aux fonctions de M. A..., ils produisent un tableau mentionnant, pour chaque mois de l'année 2009, un montant de frais engagés en détaillant un nombre de kilomètres parcourus, ainsi que des frais de péage, d'hôtel et de restaurant. Le montant cumulé des sommes présentées dans ce tableau s'élève à 45 614,68 euros alors que les versements perçus par M. A... de la SARL SN BAT s'élèvent à 63 616,90 euros. Aucune pièce justificative permettant d'attester de la réalité ou du caractère professionnel des frais engagés n'est produite. Enfin, les deux tiers des sommes en cause avaient déjà été perçus par M. A... à la date du 31 août 2009, à laquelle il a été recruté par la société. Par suite, les appelants ne sauraient être regardés comme ayant justifié, par la seule production d'un tableau établi par leurs soins et dépourvu de toute justification, que les versements consentis par la SARL SN BAT à M. A... ont couvert des frais réellement exposé par ce dernier, ainsi que l'exigeaient ses fonctions au sein de l'entreprise, dans l'intérêt de cette dernière. Ils ne peuvent, par suite, invoquer le bénéfice des dispositions du 1° de l'article 81 du code général des impôts.
8. En deuxième lieu, dès lors que les versements en cause ne peuvent être regardés comme correspondant à des allocations forfaitaires pour frais professionnels, les appelants ne sont pas fondés à se prévaloir d'une instruction administrative selon laquelle les allocations forfaitaires pour frais professionnels sont présumées utilisées conformément à leur objet à concurrence des montants prévus par la règlementation sociale.
9. En troisième lieu, il résulte également de ce qui précède que les sommes en cause, qui n'avaient pas le caractère de remboursements de frais et n'avaient pas été explicitement comptabilisées comme telles, ont été imposées à bon droit dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions précitées, et que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir qu'elles relevaient de la catégorie des traitements et salaires.
10. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du bulletin de salaire du mois de décembre 2009 de M. A..., que son revenu net imposable de l'année 2009, au sein de la SARL SN BAT, s'élève à 3 825,40 euros, et qu'il a déclaré la somme de 4 931 euros au titre de ses traitements et salaires de l'année 2009. Les sommes réintégrées dans les bases imposables de M. A... lui ont été versées par la SARL SN BAT sous couvert de factures fictives et non pas, contrairement à ce que soutient le requérant, dans le cadre de remboursements de frais de déplacement. Par ailleurs, les appelants, seuls en mesure de le faire, n'apportent aucun élément permettant de démontrer que la différence de 1 105,60 euros entre le montant apparaissant sur le bulletin de salaire du mois de décembre 2009 de M. A... et le montant des traitements et salaires de l'intéressé déclaré au titre de l'année 2009, correspondrait, pour partie, aux sommes qui lui ont été versées par la SARL SN BAT à travers la comptabilisation de factures fictives. Ainsi le moyen tiré de ce qu'une partie des sommes réintégrées dans leurs bases imposables aurait déjà été imposée au titre des traitements et salaires déclarés doit être écarté.
Sur les pénalités :
11. M. A... reprend en appel le moyen présenté devant le tribunal, tiré de ce que la majoration de 40 % n'est pas motivée, moyen auquel le tribunal a suffisamment répondu. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal, d'écarter ce moyen.
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ", et aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ". Il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir un tel manquement, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.
13. Pour établir le manquement délibéré de M. A... à ses obligations déclaratives, le vérificateur a indiqué dans la proposition de rectification qu'il a adressée à M. A... que l'application des pénalités pour manquement délibéré, sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, se justifiait du fait de l'importance des sommes versées par la SARL SN BAT à l'intéressé et non déclarées par ce dernier, au regard des revenus d'activité des épouxA.... Par ailleurs, eu égard au fait que ces sommes ont été versées par chèques réguliers sur leur compte bancaire, et à l'absence totale de déclaration des sommes litigieuses, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve de l'intention du contribuable d'éluder l'impôt. Par suite, M. et Mme A... ne sont pas fondés à contester l'application qui leur a été faite de cette majoration.
14. La documentation administrative 13-N-1-07 du 19 février 2007 ne comporte pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle appliquée ci-dessus. M. et Mme A... ne sont, dès lors, pas fondés à l'invoquer en se prévalant de la garantie prévue par les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, et des pénalités correspondantes.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. et Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : A concurrence de la somme de 2 871 euros, en droits et pénalités, en ce qui concerne les cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles M. et Mme B... A... ont été assujettis au titre de l'année 2009, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 février 2019.
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N° 18LY01661
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