Par une requête enregistrée le 17 avril 2015, la SARL Leplan-Vermeersch, représentée par Me C...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 19 février 2015 ;
2°) de lui accorder la décharge de l'imposition contestée et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de rejet de sa réclamation contentieuse est entachée d'incompétence du signataire en méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 en l'absence des mentions des nom, prénoms et qualité du signataire et du directeur des finances publiques de la Drôme et est privée de base légale, la délégation de signature n'étant pas annexée ;
- la décision est insuffisamment motivée en fait et en droit en violation de l'article 1er de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la décision est entachée d'erreur dans l'appréciation par l'administration des faits soumis à son appréciation ;
- eu égard à leur destination commerciale, les locaux, loués par une société commerciale, entrent dans le champ d'application de l'article 261 D 4° b du code général des impôts excluant l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre expose qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 25 septembre 2015, la SARL Leplan-Vermeersch conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.
Elle soutient, en outre, que :
- un contrat de location à usage commercial a été conclu avec une société commerciale qui utilise le local à des fins commerciales ; la vocation commerciale de ce local est incontestable ; l'administration ne pouvait s'en tenir à des documents déclaratifs qui ne détermine pas la destination du bien ; aux termes du bail régularisé entre les parties le 1er janvier 2010 il est stipulé que " les locaux loués seront principalement destinés à l'usage commercial de Vino 26-Idaf " ; que cette société héberge dans ce local ses clients, essentiellement étrangers, qui y bénéficient de prestations d'accueil et de confort identiques à des établissements d'hébergement à caractère hôtelier, les prestations d'hébergement étant assurées par le bailleur ;
- elle démontre sa bonne foi par la production d'un contrat de bail et la régularisation des loyers TTC.
Par un mémoire, enregistré le 25 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics persiste dans ses écritures.
Le ministre expose, en outre, que :
- le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque en fait ;
- par les documents qu'elle produit, la SARL Leplan-Vermeersch ne démontre pas la réalité de la fourniture de prestations para-hôtelières dont elle se prévaut au titre de la période en litige.
Par un mémoire, enregistré le 18 janvier 2016, la SARL Leplan-Vermeersch persiste dans ses écritures.
La SARL soutient, en outre que :
- la décision litigieuse ne permet pas de vérifier l'existence d'une délégation de signature du directeur départemental des finances publiques de la Drôme ; l'administration ne démontre pas la compétence du signataire ;
- la charge de la preuve en contentieux de l'annulation n'appartient pas à l'administré ; le locataire a usé des locaux dans le cadre d'une activité commerciale ;
- elle a signé un bail à usage commercial lui ouvrant droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant le montant des travaux effectués ; elle ne peut être tenue pour responsable de l'usage effectif des locaux par le locataire.
Par une ordonnance en date du 8 mars 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 4 avril 2016, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Par un mémoire, enregistré le 21 novembre 2016, postérieurement à la clôture de l'instruction, la SARL Leplan-Vermeersch s'en rapporte à ses précédentes écritures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;
- la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 26 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Leplan-Vermeersch, qui a pour activité principale l'exploitation d'un domaine viticole, la commercialisation de vins et la production d'énergie par des installations photovoltaïques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, à l'issue de laquelle, l'administration a procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis des intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts, par proposition de rectification du 18 juillet 2011, au motif que la SARL Leplan-Vermeersch avait déduit à tort la taxe sur la valeur ajoutée grevant les travaux effectués dans des locaux à usage d'habitation qu'elle avait fait construire ; que l'administration ayant rejeté, par décision du 13 février 2012, sa réclamation préalable du 29 décembre 2011, la SARL Leplan-Vermeersch a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 ; que, par un jugement du 19 février 215, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par la présente requête, la SARL Leplan-Vermeersch relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne le moyen tiré des irrégularités qui entacheraient la décision de rejet de sa réclamation contentieuse:
2. Considérant que les vices qui entachent la procédure d'instruction par l'administration de la réclamation d'un contribuable et la décision prise à l'issue de cette procédure sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ou le bien-fondé de l'imposition contestée ; que, par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse par laquelle l'administration fiscale a rejeté la réclamation contentieuse de la SARL Leplan-Vermeersch aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 en l'absence de mention des nom, prénoms et qualité du signataire, de ce que la délégation de signature accordée au signataire par le directeur des finances publiques de la Drôme n'était pas jointe et de ce que Mme A..., signataire de la décision de rejet, ne disposait pas d'une délégation de signature régulière, sont, en tout état de cause, inopérants ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de rejet de sa réclamation contentieuse :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le service compétent pour statuer sur une réclamation est celui à qui elle doit être adressée en application de l'article R.* 190-1. /(...)./ En cas de rejet total ou partiel de la réclamation, la décision doit être motivée. (...) " ; que, cependant, une insuffisance de motivation de la décision prise par le directeur des services fiscaux sur la réclamation du contribuable est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le bien-fondé de l'imposition ;
4. Considérant que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 13 février 2012 de rejet de sa réclamation contentieuse est inopérant tant au regard des dispositions de l'article R. 198-10 précité du livre des procédures fiscales que de celles de l'article 1er de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs dont la société requérante se prévaut ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) d) Celle qui correspond aux factures d'acquisition intracommunautaire établies conformément à la réglementation communautaire dont le montant figure sur la déclaration de recettes conformément au b du 5 de l'article 287. (...) " ; qu'aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. " ; qu'aux termes de l'article 206 de cette même annexe II au code général des impôts : " I.-Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission./ II.-Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées./ III.-1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. / 2. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction. / 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : (...) IV.-1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : / 1° Lorsque le bien ou le service est utilisé par l'assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise ; / 2° Lorsque le bien ou le service est relatif à la fourniture à titre gratuit du logement des dirigeants ou du personnel de l'entreprise, à l'exception de celui du personnel de gardiennage, de sécurité ou de surveillance sur les chantiers ou dans les locaux de l'entreprise ; (...)10° Pour les prestations de services de toute nature, notamment la location, afférentes aux biens dont le coefficient d'admission est nul en application des dispositions du 1° au 8°. (...) " ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 260 D du code général des impôts : " Pour l'application de la taxe sur la valeur ajoutée la location d'un local meublé ou nu dont la destination finale est le logement meublé est toujours considérée comme une opération de fourniture de logement meublé quelles que soient l'activité du preneur et l'affectation qu'il donne à ce local. " ; et qu'aux termes de l'article 261 D du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : (...) b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle (...) " ; que ces dispositions, qui doivent être interprétées à la lumière des objectifs fixés par la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, qu'a repris la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 26 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, excluent de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient les activités en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières ; que les critères utiles à la distinction entre la location d'un logement meublé susceptible d'être exonérée et la mise à disposition d'un tel logement dans des conditions l'apparentant à un hébergement hôtelier et, de ce fait, obligatoirement soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, doivent être propres à garantir que ne soient exonérés du paiement de cette taxe que des assujettis dont l'activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles des entreprises hôtelières, avec lesquelles ils ne se trouvent donc pas en situation de concurrence potentielle ; que doit être regardée comme une location de locaux aménagés celle qui porte sur des locaux qui sont pourvus des aménagements nécessaires, c'est-à-dire de ceux sans lesquels l'exploitation commerciale à laquelle ils sont destinés n'est pas possible ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux travaux d'aménagement réalisés dans un local à usage d'habitation aménagé en appartement et loué meublé, appartenant à la SARL Leplan-Vermeersch, au motif que cette location n'entrait pas dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions précitées de l'article 261 D 4° du code général des impôts ; que la SARL Leplan-Vermeersch fait valoir que la location était consentie à une société commerciale de droit belge pour l'accueil de ses clients étrangers et de son gérant ; qu'il résulte de l'instruction que le local, loué meublé, consistait en un appartement comprenant une cuisine équipée, deux chambres, un séjour, un salon, un dressing, une buanderie, deux salles d'eau, un sauna et une salle de gym ; que la seule circonstance qu'il s'agissait de la location d'un appartement meublé suffisait à l'exclure du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée au sens des dispositions précitées de l'article 261 D 4° du code général des impôt, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la nature du bail liant le preneur et le bailleur, ni sur le montant du loyer ; que si la SARL Leplan-Vermeersch soutient que la location relevait de l'exception prévue au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, elle n'établit nullement qu'elle assurait dans le cadre du contrat de location des prestations para-hotellières au nombre de celles prévues par ces dispositions, telles que le petit-déjeuner, le nettoyage du linge ou des locaux, ou l'accueil de la clientèle bénéficiant de l'hébergement ; que l'exécution de ces tâches par le bailleur au profit du preneur n'est pas même prévue par le contrat de bail, lequel contrairement à ce que la société requérante soutient est explicitement exclu du champ d'application du décret du 30 septembre 1953 codifié aux articles L. 145-I et suivants du code de commerce qui règlent les rapports entre bailleurs et locataires lors du renouvellement de baux à usage commercial, industriel et artisanal ; que l'administration fiscale a pu à bon droit regarder la location litigieuse comme la location d'un logement meublé au sens de l'article 260 D du code général des impôts qu'elle qu'ait été l'activité du preneur et l'usage donné à ce bien dans le cadre du contrat de location, cette location étant par conséquent exclue du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions précitées du 4° de l'article 261 D du même code ; que l'administration fiscale a pu, par suite, refuser à la SARL Leplan-Vermeersch la déduction de la taxe grevant les travaux d'aménagement de ce logement ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Leplan-Vermeersch n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Leplan-Vermeersch est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à SARL Leplan-Vermeersch et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2016.
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N° 15LY01425