Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 24 mars 2017, M. F... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 20 décembre 2016 ;
2°) d'annuler les décisions du 12 août 2016 par lesquelles la préfète de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure et a prononcé une interdiction de retour en France pendant deux ans ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Côte-d'Or, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou subsidiairement, d'examiner à nouveau sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. F... C... soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée en droit comme en fait ;
- le préfet n'a pas examiné la demande de titre de séjour qu'il avait formée sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il avait transmis un dossier complet ;
- le défaut d'examen complet doit entraîner l'annulation du refus de titre de séjour opposé ou, à tout le moins de la décision d'éloignement ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à son temps de présence en France, à la circonstance qu'il n'est pas reconnu par l'Etat d'Israël comme l'un de ses ressortissants, que sa femme et ses enfants sont probablement en France, qu'il a une vie commune depuis deux ans avec une ressortissante française avec laquelle il a eu un enfant, de nationalité française, et qu'il a engagé des démarches pour s'insérer socialement ;
- la décision litigieuse est entachée d'erreur de fait, dans la mesure où le préfet n'établit pas qu'il aurait utilisé une fausse identité en 2007 et où il a produit des promesses d'embauche, ce qui invalide l'affirmation selon laquelle il n'a pas d'activité professionnelle ;
- le jugement est entaché d'omission à statuer au motif qu'il ne s'est pas prononcé sur ce dernier point ;
- la décision d'éloignement est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour, du fait de l'absence d'examen de ses demandes de titre de séjour formées sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il avait transmis un dossier complet et dans la mesure où elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'éloignement et du fait qu'elle est entachée d'erreur de fait eu égard à ses mentions concernant sa vie privée et familiale et les précédentes mesures d'éloignement ; elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet ne pouvait l'éloigner à destination de son pays d'origine, mais seulement à destination du pays dont il a la nationalité ;
- la France ne reconnaissant pas la Palestine comme Etat, il ne peut être regardé comme juridiquement de nationalité palestinienne ; l'Etat d'Israël ne le reconnait pas comme l'un de ses ressortissants ;
- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement est insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense enregistrés le 29 juin 2017, la préfète de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour litigieuse est suffisamment motivée ;
- les demandes de titre de séjour de M. C... avaient été implicitement rejetées ;
- la décision litigieuse de refus de titre de séjour ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de l'absence de lien conservé par M. C... avec son ex-épouse et ses enfants, de ce que sa vie commune avec sa nouvelle compagne était récente à la date de la décision litigieuse, de ce qu'il n'établit pas être le père d'un enfant français et de ce qu'il conserve des liens familiaux en Palestine ; il ne témoigne par ailleurs d'aucune insertion sociale, en l'absence d'activité professionnelle et compte tenu des diverses infractions pour lesquelles il a été condamné ;
- la fraude dont il s'est rendu coupable en 2007 est établie ;
- contrairement à ce qu'il soutient, le tribunal administratif a répondu au moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle mentionne qu'il n'a pas d'activité professionnelle ;
- l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui des conclusions dirigées contre la décision d'éloignement doit être écartée, de même que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne à juste titre qu'il a précédemment fait l'objet de plusieurs décisions d'éloignement ; elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il a toujours indiqué être de nationalité palestinienne et la circonstance que la France n'ait pas reconnu l'Etat palestinien ne fait pas obstacle à ce qu'il soit reconduit en Palestine ; la formulation " Etats où il est légalement admissible " vise les Etats où il pourrait s'intégrer, comme la Jordanie ou le Liban, où existent des camps palestiniens ;
- l'existence de risque de torture ou de peines ou traitements inhumains ou dégradants n'est pas établie.
M. F... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. F... C..., né en 1974 à Jabalya, ville située dans la bande de Gaza, est titulaire d'un document d'identité délivré par l'Autorité palestinienne. En 2007, il est entré en France avec sa femme et leurs six enfants. Il a sollicité l'asile, en vain, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, puis la Cour nationale du droit d'asile en dernier lieu le 3 septembre 2015 ayant rejeté sa demande et sa demande de réexamen. Le 12 août 2016, la préfète de la Côte-d'Or a pris une décision de refus de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ou tout autre pays où il serait légalement admissible. Elle lui a également fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant deux ans. M. F... C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour :
2. Conformément à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, l'arrêté litigieux énonce les considérations de droit et de fait qui le fondent. La préfète ayant entendu se prononcer uniquement sur le droit au séjour de M. F... C... au titre de l'asile, la circonstance qu'elle n'aurait pas examiné la demande qu'il aurait également formée sur les fondements du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code, n'est pas de nature à caractériser une insuffisance de motivation ni un défaut d'examen complet et sérieux de la situation de M. F... C.... A cet égard, il appartenait le cas échéant à M. F... C... de contester le refus implicite né du silence de l'administration.
3. Il résulte des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que si toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, l'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit est possible si elle est prévue par la loi et constitue une mesure nécessaire à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. F... C... est entré en France en octobre 2007 et a y séjourné en majeure partie de façon irrégulière. Il n'a plus de contact avec son ex-épouse et ses six enfants avec lesquels il est entré en France et qui y résideraient, selon lui, encore. S'il produit deux promesses d'embauche, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait particulièrement bien inséré dans la société française. A l'inverse, il ressort desdites pièces qu'entre 2009 et 2013, il a fait l'objet de multiples condamnations pénales, notamment pour violences sur son ex-épouse, allant, pour la dernière, jusqu'à un an et trois mois d'emprisonnement. A supposer même qu'il ne serait pas admissible dans un autre Etat que la France, cette circonstance ne révèle pas, en soi, que le centre de sa vie privée et familiale serait en France. S'il se prévaut enfin de sa vie commune avec une ressortissante française, celle-ci était très récente à la date de la décision attaquée. S'il fait valoir pour la première fois en appel, et sans d'ailleurs l'établir qu'il est aujourd'hui le père d'un enfant français, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas même soutenu qu'il en aurait été ainsi à la date du refus de titre contesté. Ainsi, malgré sa présence en France depuis 2007, la décision litigieuse lui refusant le séjour en France, n'a pas méconnu les stipulations rappelées ci-dessus de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. La circonstance que M. F... C... ait produit deux promesses d'embauche jointes à sa demande de titre de séjour ne permet pas de considérer que la mention apparaissant dans la décision litigieuse selon laquelle il n'a pas d'activité professionnelle, serait erronée. Par ailleurs, alors que la préfète de la Côte-d'Or a produit un procès-verbal de police mentionnant qu'il a utilisé une fausse identité en 2007 et que la décision d'obligation de quitter le territoire français du 7 janvier 2011 prise à son encontre, fait apparaître le même élément, M. F... C... n'apporte aucune précision permettant de considérer cette mention comme inexacte. Il ne ressort notamment pas des pièces du dossier qu'il aurait contesté cette précédente obligation de quitter le territoire français. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que les deux mentions dont l'exactitude est contestée n'ont pas servi de fondement à la décision ni n'en n'ont déterminé le sens.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / (...) L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. ".
7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté, ainsi que, et pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les moyens tirés de l'absence d'examen complet de sa situation et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. La circonstance que la décision d'éloignement serait difficile à exécuter eu égard à la probabilité alléguée qu'aucun Etat n'accepte de l'accueillir est sans incidence sur la légalité de cette décision.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
10. Ayant précisé que M. F... C... est de nationalité palestinienne et que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté sa demande, la préfète de la Côte-d'Or, qui ne s'est pas estimée liée par ces décisions, n'avait pas à motiver spécialement la mention selon laquelle l'intéressé ne produit pas de documents probants établissant que sa vie serait menacée en cas de retour dans son pays d'origine, ni qu'il y serait exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, cette décision est suffisamment motivée.
11. Par ailleurs, en précisant que M. F... C... pourrait être reconduit à destination de son pays d'origine ou vers tout autre Etat dans lequel il sera légalement admissible, la préfète de la Côte-d'Or n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a suffisamment motivé sa décision.
12. La circonstance que la France ne reconnaît pas la Palestine comme Etat, ne fait pas par elle-même obstacle à ce que M. F... C... soit éloigné en destination de la région dans laquelle il a vécu jusqu'en 2007 ou de tout Etat dans lequel il serait légalement admissible.
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour :
13. En vertu du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'interdiction de retour et sa durée, pouvant atteindre deux ans si un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français et trois ans si un tel délai ne lui a pas été accordé, doivent être décidées " en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
14. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'éloignement soulevé à l'appui des conclusions dirigées contre l'interdiction de retour prise à l'encontre de M. F... C... doit être écartée.
15. Eu égard à ce qui a été rappelé ci-dessus, la préfète de la Côte-d'Or n'a pas fait une inexacte application du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant la décision litigieuse.
16. Il résulte de ce qui précède que M. F... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune omission à statuer, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. F... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Menasseyre, présidente assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme E..., première conseillère,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique le 16 octobre 2018.
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N° 17LY01354