Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2018, M. A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler l'arrêté de transfert du 7 novembre 2017 du préfet de la Haute-Savoie ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de l'autoriser à déposer une demande d'asile en France et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, Me E... s'engageant dans ce cas à renoncer à percevoir l'indemnité correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement rendu par le tribunal administratif de Grenoble est irrégulier dans la mesure où contrairement à la mention qu'il comporte, il n'a pas été personnellement convoqué à l'audience qui s'est tenue le 18 décembre 2017, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 742-4, I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et doit, pour ce motif, être annulé ;
- l'entretien conduit en présence d'un interprète ne remplit pas les conditions de confidentialité prévues par l'article 5 du règlement n° 604/2013 ; le tribunal administratif de Grenoble a renversé la charge de la preuve en lui imputant d'établir le non respect du principe de confidentialité ;
- ayant regagné volontairement son pays d'origine après le rejet de sa demande d'asile en France en 2013, il a subi des violences physiques occasionnant des blessures corporelles dont il justifie en raison des faits dénoncés devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides justifiant que la France examine sa demande de protection internationale.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 2 août 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 31 août 2018 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant kosovar né le 25 janvier 1977 à Gjilan, entré régulièrement sur le territoire français le 26 juin 2017, a sollicité l'asile en France le 20 juillet 2017. Par l'arrêté attaqué du 7 novembre 2017, notifié le 27 novembre 2017, le préfet de la Haute-Savoie a ordonné son transfert aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile en application du règlement de Dublin III après que ces autorités, saisie en application de l'article 21 de ce règlement, par télécopie du 7 septembre 2017, d'une demande de prise en charge en application de l'article 12 paragraphe 4 du règlement n° 604/2013 ont accepté leur responsabilité par un accord explicite du 14 septembre 2017 en application de l'article 22 paragraphe 7 du règlement susvisé. M. A... a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'autoriser à déposer sa demande d'asile en France. Par un jugement du 21 décembre 2017, notifié le 28 décembre 2017 à l'intéressé, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté sa demande. Par la présente requête, M. A... relève appel de ce jugement.
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
2. Aux termes de l'article R. 777-3 du code de justice administrative : " Sont présentés, instruits et jugés selon les dispositions des articles L. 742-4 à L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les recours en annulation formés contre les décisions de transfert mentionnées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, le cas échéant, contre les décisions d'assignation à résidence prises en application de l'article L. 561-2 de ce code au titre de ces décisions de transfert. ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la procédure contentieuse applicable aux décisions de transfert mentionnées à l'article L. 742-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " I. - L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine.(...) L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. ". Il en résulte que, par dérogation à l'article R. 431-1 du code de justice administrative, les dispositions spéciales du I de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposent, lorsqu'elles trouvent à s'appliquer, une convocation personnelle à l'audience de la requérante, même assistée d'un avocat, dans les litiges relatifs aux arrêtés de transfert portés devant les tribunaux administratifs. Dès lors, l'intéressé doit, même s'il est assisté d'un avocat, être personnellement convoqué à l'audience devant le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne.
3. En l'espèce, le jugement attaqué mentionne que les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience du 18 décembre 2017, au cours de laquelle le magistrat désigné a présenté son rapport en l'absence des parties. Si cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire, elle est toutefois contredite par les pièces du dossier de première instance, qui comportent une copie non renseignée de la convocation de M. A... à cette audience, ne comportant ni date, ni signature de l'intéressé attestant la réalité de sa convocation par le greffe de la juridiction. Par ailleurs, le dossier de première instance ne comporte aucune pièce établissant l'existence d'une convocation écrite ou orale de l'intéressé à l'audience du 18 décembre 2017. Ainsi, M. A... doit être regardé comme n'ayant pas été personnellement convoqué à l'audience devant le tribunal administratif, en méconnaissance des dispositions du I de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est, dès lors, fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander l'annulation.
4. Dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu, de renvoyer M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble pour qu'il soit statué sur sa demande.
5. La présente décision n'impliquant ni la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à l'intéressé, ni, à ce stade, l'examen de sa demande d'asile par la France, ses conclusions tendant à ce que de telles injonctions soient prononcées doivent être rejetées.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une quelconque somme au profit de M. A..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, ou de son conseil, en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 21 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Grenoble.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me E.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Menasseyre, présidente assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme D..., première conseillère,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique le 16 octobre 2018.
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N° 18LY00377
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