Par une requête enregistrée le 12 août 2017, M. A..., représenté par Me Lambert, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er juin 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du 12 août 2016 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande, dans ce même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A... soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé en fait ;
- le préfet a commis une erreur de droit en refusant de lui délivrer un titre de séjour au seul motif qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine sans avoir procédé à une appréciation globale de sa situation ;
- compte tenu du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, le préfet du Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il ressort des pièces du dossier que ses deux parents sont décédés et c'est en raison d'un conflit avec son oncle qu'il a fui son pays dans lequel il est dès lors isolé ;
- le seul fait que certains membres de sa famille soient en vie ne fait pas obstacle à ce qu'il soit regardé comme isolé dans son pays d'origine ;
- la décision lui refusant un titre de séjour méconnait également les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- compte tenu de l'existence d'un contrat qu'il a signé avec la Métropole de Lyon, la décision aurait dû viser l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à défaut, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été faite est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et méconnait tant le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu notamment de sa formation en cours ;
- en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours de sorte qu'il puisse terminer sa scolarité, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en l'éloignant et alors qu'il a quitté son pays en raison de menaces contre sa vie.
Par un mémoire en défense enregistrés le 3 octobre 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête de M. A... ne contient rien de nouveau par rapport à la première instance et que le relevé de note produit en appel révèle de nombreuses absences en cours.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juillet 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B..., première conseillère,
- et les observations de Me Lambert, représentant M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, est entré en France le 20 juillet 2014, alors qu'il était âgé de seize ans. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du Rhône et a suivi une scolarité le conduisant à intégrer un lycée professionnel en vue d'y suivre une formation de peintre, en première année de certificat d'aptitude professionnelle. Il a ensuite formé une demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-14 et -15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par décision du 12 août 2016, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. ".
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient par ailleurs seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.
4. M. A... a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du Rhône à l'âge de seize ans et dix mois et, après avoir suivi une formation de remise à niveau de langue française, il s'est inscrit au sein du lycée professionnel Tony Garnier de Bron en certificat d'aptitude professionnelle en peinture à compter de l'année 2015-2016. Il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet d'appréciations élogieuses de la part de ses enseignants et de la structure d'accueil qui soulignent son sérieux et ses efforts d'intégration. Il ressort par ailleurs des éléments produits en cours d'instance devant le tribunal administratif que ses parents sont décédés et qu'il est en conflit avec l'oncle qui l'a élevé jusqu'à son départ de Guinée. Par suite eu égard à l'ensemble de ces éléments, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... en application des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Cette décision doit, dès lors, être annulée ainsi que, par voie de conséquence, la décision l'obligeant à quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination de cette mesure.
5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
6. Eu égard au moyen d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer à M. A... la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, à verser à Me Lambert, avocat de M. A..., au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Lambert renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DECIDE :
Article 1er : Les décisions du 12 août 2016, par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement sont annulées, de même que le jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er juin 2017.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. A... la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Lambert au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Lambert renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A..., au préfet du Rhône, au ministre de l'intérieur et à Me Lambert. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique le 20 novembre 2018.
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N° 17LY03132
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