Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 31 mai 2018, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 27 avril 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 mars 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé sa remise aux autorités croates en vue de l'examen de sa demande d'asile ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de l'autoriser à déposer sa demande d'asile en France et lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- il a fait l'objet de mauvais traitements lorsqu'il était en Croatie et a fait l'objet de refoulements systématiques vers la Serbie, sans qu'il n'ait pu solliciter une quelconque protection internationale, jusqu'à ce qu'il soit incarcéré et contraint de former une demande d'asile ; victime de violences pendant son incarcération, il a fui pour rejoindre la France ; la décision de transfert méconnait donc l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- compte tenu du niveau de violence dans son pays, la décision est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation à n'avoir pas appliqué l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dans la mesure où il est certain que les autorités croates le renverront en Afghanistan.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie, qui n'a pas présenté d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan né en 1994 en Afghanistan, déclarant être entré irrégulièrement sur le territoire français durant le mois d'octobre 2017, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile en France. Par un arrêté du 29 mars 2018, le préfet de la Haute-Savoie a décidé sa remise aux autorités croates en vue de l'examen de sa demande d'asile. Il relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Aux termes second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution : " Les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ".
3. Si M. B... soutient qu'il existe des défaillances dans le traitement des demandes d'asile en Croatie et que l'accueil des demandeurs d'asile n'est pas conforme à l'ensemble des garanties exigées par le droit d'asile, il n'établit toutefois pas, par les pièces qu'il produit, que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités croates dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni que sa demande d'asile y sera rejetée sans aucun examen ni sans aucun recours juridictionnel possible. Par ailleurs, le certificat médical qu'il produit, qui atteste seulement des déclarations faites par M. B..., postérieurement d'ailleurs, à la décision litigieuse, ne prend pas partie sur la réalité ou même le caractère plausible des violences physiques subies en Croatie. Le caractère permanent et systématique des violences exercées sur les demandeurs d'asile ne peut être par ailleurs regardé comme établi par les seules attestations de deux compatriotes, lesquelles sont d'ailleurs rédigées en des termes strictement identiques et ambigus sur le point de savoir s'ils ont assisté au coups portés sur M. B... par la police ou si ce dernier leur en a seulement fait le récit. Par suite, M. B... n'établit pas qu'il est exposé à un risque de violence policière en cas de retour en Croatie. Il suit de là que le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
4. Pour les mêmes motifs, et en l'absence d'une particulière vulnérabilité avérée ou de certitude de son renvoi en Afghanistan en cas de retour en Croatie, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse méconnait l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme A..., première conseillère.
Lu en audience publique le 23 avril 2019.
2
N° 18LY01988
ld