Par une requête enregistrée le 15 novembre 2016, M. C..., représenté par Me A... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 octobre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné pour excès de pouvoir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les motifs du jugement sont contestables ;
- l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 a été méconnu ; la remise de la brochure complète constitue une garantie pour le demandeur d'asile ; le préfet n'apporte pas la preuve de cette remise ;
- les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ; il n'a pas été assisté d'un conseil lors de la notification de l'arrêté contesté et n'a pas bénéficié d'une traduction de ce document, alors qu'il ne maîtrise pas la langue française, ce qui a justifié son refus de signer ;
- sa situation particulière justifie l'application par la France de la clause dérogatoire ;
du
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) nº 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeD..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant serbe né le 7 mars 1991, est entré irrégulièrement en France le 4 juin 2016 dépourvu de documents de voyage et de visa. Il a déposé une demande d'asile auprès de la préfecture de l'Isère le 8 avril 2016. Par arrêté du 13 septembre 2016, le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa remise aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par la présente requête, M. C... relève appel du jugement du 14 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l 'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant , de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 4. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...). ".Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, en temps utile dès lors que l'autorité administrative décide de placer l'intéressé en procédure Dublin au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit notamment comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
3. Aux termes de l'article 5 de ce même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ".
4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. La délivrance par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constituant pour le demandeur d'asile une garantie, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi du moyen tiré de l'omission ou de l'insuffisance d'une telle information à l'appui de conclusions dirigées contre un refus d'admission au séjour ou une décision de remise, d'apprécier si l'intéressé a été, en l'espèce, privé de cette garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision.
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'administration a satisfait à l'obligation qui lui incombe en application des dispositions précitées. Dans un premier temps, seul le préfet est en mesure d'apporter les éléments relatifs à la délivrance d'une information écrite au demandeur.
6. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que par la production d'une attestation signée par l'intéressé, en présence d'un interprète dans une langue qu'il comprend, le préfet de l'Isère apporte la preuve que M. C...a formellement reconnu avoir reçu les brochures A et B prévues par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le 8 juin 2016, lors du dépôt de sa demande d'asile. Par suite, le moyen manque en fait et doit être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. ".
8. En tout état de cause, les conditions de notification d'une décision sont sans incidence que la légalité de cette décision. Aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige, à peine d'irrégularité, l'autorité administrative compétente à ne notifier la décision de remise dont il fait l'objet que lorsque le demandeur d'asile est assisté d'un conseil. Les dispositions précitées prévoient seulement qu'en l'absence de son conseil, l'intéressé doit se voir communiquer dans une langue qu'il comprend les principaux éléments de la décision notifiée. Il ressort de la notification de l'arrêté litigieux que, contrairement à ce que M. C... soutient devant le juge de l'excès de pouvoir, il est mentionné que l'intéressé comprend et parle le français. La circonstance que la convocation qui lui a été remise le 29 août 2016 en vue de sa présentation le 12 septembre 2016 prévoyait la présence d'un interprète n'est pas de nature à démontrer qu'il ne comprend pas le français. Son refus de signer la notification de la décision de remise n'est pas davantage de nature à démontrer qu'il n'aurait pas été raisonnable de penser qu'il comprenait les principaux éléments de la décision de remise notifiée. La notification de la décision de remise aux autorités allemandes comporte, en outre, la mention de la possibilité pour le demandeur d'avertir ou de faire avertir son conseil ou toute personne de son choix, alors que la décision de remise indique les voies et délais de recours y compris la possibilité pour l'intéressé d'avertir ou faire avertir son consulat.
9. Le 1. de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 institue une clause discrétionnaire autorisant chaque État membre à examiner une demande de protection internationale même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par le règlement. En se bornant à invoquer, sans en justifier, des graves et sérieuses menaces qui pèseraient sur lui en Serbie qui l'auraient contraint à quitter ce pays, M. C...ne démontre pas qu'en s'abstenant de mettre en oeuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement, le préfet de l'Isère aurait entaché sa décision de remise d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de ce qui précède que M C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
MmeD..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 24 avril 2018.
N°16LY03779 2
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