Procédure devant la cour
I. Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2017, sous le n° 17LY00038 et des mémoires, enregistrés le 11 janvier 2017 et le 13 janvier 2017, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 décembre 2016 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Rhône du 8 décembre 2016 ordonnant sa remise aux autorités allemandes ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile dans le délai de quarante-huit heures à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui remettre le dossier de demande d'asile à transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous les mêmes conditions, en sa qualité de demandeur d'asile et à, titre subsidiaire, de réexaminer sa situation en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jours de retard, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
M. C... soutient que :
- la décision ordonnant sa remise est insuffisamment motivée car elle ne mentionne pas la base légale fondant le critère de détermination de l'Etat responsable de sorte qu'il n'a pas été mis en mesure de connaître, à la seule lecture de la décision, et ainsi de contester utilement le critère de détermination retenu pour déterminer l'Allemagne comme le pays responsable de sa demande d'asile ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux et complet de sa demande en considérant qu'il n'avait pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement exécutée car il n'a pas fait vérifier qu'il avait effectivement émargé au registre de l'ambassade d'Allemagne en Albanie alors que cela constitue un indice qu'il a mentionné dans sa " déclaration circonstanciée et vérifiable ", faite par courrier du 12 septembre 2016, sur son départ d'Allemagne le 23 décembre 2015 au sens de l'annexe II au règlement d'application n° 1560/2003 ; il n'a pas vérifié qu'il a fait l'objet d'un rejet de sa demande d'asile et d'une mesure d'éloignement par les autorités allemandes ;
- le préfet a méconnu l'article 19-2 et 19-3 du règlement n° 604/2013 car il établit avoir séjourné plus de trois mois en Albanie soit du 23 décembre 2015 au 24 mai 2016 de sorte que les autorités allemandes n'étaient plus responsables de sa demande d'asile ; l'ambassade d'Allemagne a confirmé que son certificat de passage et ceux de sa famille ont été tamponnés à la frontière le 23 décembre 2015, que ces certificats ont été remis à l'ambassade d'Allemagne en Albanie le 11 janvier 2016 et que ces certificats de passage frontalier ont été réceptionnés le 27 janvier 2017 par les autorités de l'immigration de Enkreis ; les autorités françaises auraient dû saisir les autorités suisses dans le délai de trois mois conformément à l'article 21-1 du règlement n° 604/2013 et ne l'ayant pas fait, l'examen de sa demande d'asile relève de la compétence exclusive de la France.
La requête a été notifiée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 janvier 2017.
II. Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2017, sous le n° 17LY00039, et des mémoires, enregistrés le 11 janvier 2017, le 13 janvier 2017 et le 20 janvier 2017, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1608929 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon en date du 20 décembre 2016 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
M. C... soutient que :
- les moyens énoncés dans sa requête sont sérieux pour les mêmes motifs que ceux mentionnés dans sa requête n° 17LY00038 ;
- le jugement en cause est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables car son départ est prévu pour le 17 janvier 2017, que la décision de remise est exécutoire et son recours en appel non suspensif et, qu'à défaut de se présenter le 17 janvier 2017, il perdra ainsi que sa famille les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile.
La requête a été notifiée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 janvier 2017.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant M. C... ;
1. Considérant que M. B...C..., ressortissant albanais, né le 23 octobre 1986, est selon ses déclarations, entré en France le 24 mai 2016 en compagnie de sa femme et de leur enfant mineur ; qu'il a déposé une demande d'asile en France le 3 juin 2016 ; qu'une " attestation de demande d'asile procédure Dublin " lui a été remise le 10 novembre 2016 ; que, par arrêtés du 8 décembre 2016 le préfet du Rhône a ordonné sa remise aux autorités allemandes et l'a assigné à résidence ; que M. C... relève appel du jugement du 20 décembre 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2016 ordonnant sa remise aux autorités allemandes ; qu'il demande, par ailleurs, que soit ordonné le sursis à exécution de ce jugement ;
2. Considérant que les requêtes nos 17LY00038 et 17LY00039 de M. C... sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;
Sur la requête n° 16LY000398 :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 19 du règlement n° 604/2013 : " Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, points c) et d), cessent lorsque l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres en exécution d'une décision de retour ou d'une mesure d'éloignement délivrée à la suite du retrait ou du rejet de la demande./ Toute demande introduite après qu'un éloignement effectif a eu lieu est considérée comme une nouvelle demande et donne lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'État membre responsable. " ;
4. Considérant que M. C... soutient qu'en application du 3. de l'article 19 du règlement n° 604/2013, l'Allemagne n'était plus responsable de sa demande d'asile ;
5. Considérant que, la circonstance que l'Allemagne ait fait connaître son accord pour la réadmission de M.C..., ne saurait faire obstacle à ce que les autorités françaises examinent si, ainsi que le soutient l'intéressé, la responsabilité des autorités allemandes avait cessé ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces produites au dossier, en premier lieu, que, par décision du 16 novembre 2015, l'Office fédéral des migrations et des réfugiés a rejeté la demande d'asile déposée par M. C... en Allemagne ; qu'en deuxième lieu, suite à cette décision, M. C... a fait l'objet d'une décision l'obligeant à quitter le territoire allemand avant le 31 décembre 2015 ; qu'en troisième lieu, en réponse à la demande du conseil de M. C..., l'ambassade d'Allemagne en Albanie a confirmé avoir reçu un certificat de passage frontalier au nom du requérant daté du 23 décembre 2015 et les autorités allemandes de l'immigration ont indiqué avoir enregistré les certificats de passage frontalier de M. C... et de sa famille ; que, dès lors, M. C... établit que la demande d'asile qu'il avait déposée en Allemagne a été rejetée, qu'à la suite de ce rejet, il a fait l'objet d'une décision d'éloignement et qu'il a exécuté cette décision en rentrant dans son pays d'origine, en Albanie ; que, par suite, le requérant est fondé à soutenir qu'en application du 3 de l'article 19 du règlement n° 604/2013, les autorités allemandes n'étaient plus responsables de sa demande d'asile ; que, par voie de conséquence, l'arrêté du 8 décembre 2016 par lequel le préfet du Rhône a ordonné la remise M. C... aux autorités allemandes est illégal et doit être annulé ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2016 du préfet du Rhône ordonnant sa remise aux autorités allemandes ;
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision ordonnant la remise de M. C... aux autorités allemandes, implique que les autorités françaises, responsables de l'examen de la demande d'asile de M. C..., délivre à ce dernier, dans le délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt, une attestation de demande d'asile en application des dispositions à ce jour applicables de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur la requête n° 16LY00039 :
9. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête en annulation présentée contre le jugement n° 1608929 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 20 décembre 2016, la requête n° 16LY00039 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement est devenue sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions tendant à l'application combinées des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Nolwenn Paquet, avocate de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de Me A..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1608929 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 20 décembre 2016 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 8 décembre 2016 ordonnant la remise de M. C... aux autorités allemandes.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Rhône du 8 décembre 2016 ordonnant la remise de M. C... aux autorités allemandes est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. C... une attestation de demande d'asile dans le délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à Me A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 6 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 16LY00039.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mars 2017.
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N° 17LY00038, N°17LY00039
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