Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 août 2014, Mme B...C..., épouseD..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 février 2014 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie, à titre principal, de faire droit à sa demande de regroupement familial en faveur de son époux, dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du préambule et des articles 3-1, 9-1 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2015, le préfet de la Savoie conclut à ce que la cour prononce un non-lieu à statuer sur la requête.
Il fait valoir que la requête de Mme D... est devenue sans objet dès lors que son époux est titulaire d'un certificat de résidence algérien valable du 24 avril 2015 au 23 avril 2016.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2016, le préfet de la Savoie conclut à ce que la cour prononce un non-lieu à statuer sur la requête.
Il fait valoir que M. D...a déposé une demande de renouvellement le 21 mars 2016 et que, dans ce cadre, un récépissé de demande de carte de séjour valable jusqu'au 23 juillet 2016, l'autorisant à travailler, lui a été délivré.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mai 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bourrachot, président.
1. Considérant que Mme D..., ressortissante algérienne née le 21 avril 1981, a, le 31 octobre 2011, sollicité le bénéfice du regroupement familial au profit de son époux ; que par décision du 18 octobre 2012, confirmée le 25 janvier 2013 après recours gracieux, le préfet de la Savoie a rejeté sa demande de regroupement familial ; que Mme D...a contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande par jugement du 27 février 2014, dont Mme D... relève appel ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien susvisé : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent " ; que si, postérieurement à l'enregistrement de la requête au greffe de la cour, le préfet de la Savoie a délivré à M. D..., époux de la requérante, un certificat de résidence algérien valable un an à compter du 24 avril 2015, la délivrance de ce titre de séjour puis celle d'un récépissé de demande de renouvellement de carte de séjour valable jusqu'au 23 juillet 2016, l'autorisant à travailler, ne peuvent être regardées comme emportant des effets équivalents à ceux du regroupement familial sollicité par Mme D..., dès lors que cette dernière est titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans à compter du 11 décembre 2008 ; que, dès lors, il ne prive pas d'objet les conclusions de la requête ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié : " (...) Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnelle de croissance (...) " ; qu'il résulte de la combinaison des stipulations précitées de l'article 4 de l'accord franco-algérien et des dispositions des articles R. 411-4 et R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui sont compatibles, que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande ;
4. Considérant, d'une part, que contrairement à ce que soutient Mme D..., il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Savoie a commis une erreur de fait susceptible d'entacher d'illégalité sa décision de refus de regroupement familial en mentionnant dans celle-ci que Mme D...ne travaillait pas, ne disposait, pour seules ressources, que de prestations sociales et ne justifiait donc pas de revenus d'un montant égal ou supérieur au salaire minimum interprofessionnelle de croissance, dès lors que si, outre le fait qu'elle percevait le revenu de solidarité active, elle avait conclu, le 2 mai 2012, un contrat unique d'insertion pour une activité à temps partiel de vingt heures hebdomadaires, qu'elle a porté à la connaissance du préfet postérieurement à la décision du 18 octobre 2012, ce contrat, qui lui procurait une rémunération mensuelle brute de 802,14 euros, n'avait en tout état de cause été conclu que pour une durée de six mois, soit une durée insuffisante pour permettre de regarder les revenus qu'elle en retirait comme stables au sens de l'article 4 de l'accord franco-algérien susvisé ;
5. Considérant, d'autre part, que si Mme D...fait valoir que, par décision du 22 juillet 2011, elle a été reconnue travailleuse handicapée, son état de santé réduisant sa capacité de travail, il ressort de ses écritures et d'un certificat médical versé qu'elle était atteinte d'une incapacité inférieure à 80 % ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que son handicap entraînait une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi ; qu'il ressort des termes mêmes de la décision du 22 juillet 2011 que Mme D...n'est pas bénéficaire de l'allocation aux adultes handicapés ; que, par suite, le préfet de la Savoie n'a commis ni erreur de fait, ni erreur d'appréciation en rejetant sa demande de regroupement familial au motif de l'insuffisance de ses ressources ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D..., de nationalité algérienne, qui réside sur le territoire français depuis 2001 et a épousé en Algérie, en 2003, un compatriote dont, à la date de la décision contestée, elle avait deux enfants nés en France respectivement les 30 décembre 2008 et 23 juin 2010, n'a sollicité, pour la première fois, le bénéfice de la procédure de regroupement familial au profit de son époux que le 31 octobre 2011, alors que, dès 2003, elle était titulaire d'un certificat de résidence valable un an qui lui a été régulièrement renouvelé jusqu'en 2008, date à laquelle elle a obtenu un certificat de résidence algérien valable dix ans ; que si elle soutient que la présence de son époux à ses côtés est nécessaire à l'éducation de ses enfants en bas âge, compte tenu notamment de son propre état de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, l'époux de la requérante, qui exerçait une activité professionnelle en Algérie, entretenait des liens d'une particulière intensité avec son épouse et ses enfants, ni qu'il subvenait financièrement à leurs besoins ; qu'en outre, les certificats médicaux versés au dossier n'établissent pas que son état de santé rendait alors indispensable la présence de son époux auprès d'elle ; qu'enfin, Mme D..., qui a fait le choix de maintenir sa résidence en France avec ses enfants alors que son époux algérien a toujours vécu en Algérie, où il est inséré professionnellement, et qu'elle-même ne justifie pas d'une activité professionnelle stable en France, ne fait valoir aucune circonstance qui s'opposerait à ce qu'elle poursuivre sa vie privée et familiale avec ses deux enfants aux côtés de son époux dans le pays dont tous les membres de la cellule familiale ont la nationalité ; qu'ainsi, par la décision litigieuse, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en rejetant, en raison de l'insuffisance de ressources de la demanderesse, la demande de regroupement familial formée par Mme D... au profit de son époux, le préfet de la Savoie n'a pas porté, au droit de l'intéressée et de son conjoint au respect de leur vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'il n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du préambule de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " (...) l'enfant, pour l'épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial dans un climat de bonheur, d'amour et de compréhension " ; qu'aux termes du 1 de l'article 3 de ladite convention : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'aux termes du 1 de l'article 9 de la même convention : " Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré (...) " ; et qu'aux termes de l'article 10 de ladite convention : " (...) toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un Etat partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considéré par les Etats dans un esprit positif, avec humanité et diligence. (...) " ;
9. Considérant que les stipulations du préambule de la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant sont dépourvues d'effet direct et que les stipulations de l'article 9 de cette convention créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ; que par suite, Mme D...ne peut pas utilement s'en prévaloir à l'encontre de la décision attaquée ;
10. Considérant que si Mme D... est mère de deux enfants mineurs, la décision en litige n'a pas pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leur mère ni de faire obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Algérie, pays où a toujours vécu le père des enfants et où ces derniers et leur mère peuvent le rejoindre ; qu'enfin, Mme D...ne saurait utilement faire valoir que la décision lui refusant le bénéfice du regroupement familial au profit de son époux empêche ce dernier, qui dispose d'une promesse d'embauche en France, de subvenir aux besoins de sa famille, dès lors, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que le conjoint de la requérante exerce une activité professionnelle de maçon en Algérie depuis 2010 et, d'autre part, que la procédure de regroupement familial n'a pas pour finalité de procurer des ressources supplémentaires à l'étranger autorisé à séjourner sur le territoire national mais, tout au contraire, de permettre à l'administration française de s'assurer qu'il dispose de ressources suffisantes et d'un logement adéquat pour accueillir, en France, dans des conditions décentes, les membres de sa famille ; qu'ainsi, la décision contestée n'a pas porté à l'intérêt supérieur des enfants de Mme D... une atteinte contraire aux stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'elle n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 10 de cette convention ;
11. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit précédemment au point 7, que le préfet de la Savoie ait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme D... ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., épouse D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2016 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2016.
''
''
''
''
1
3
N° 14LY02500