Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 9 mars 2018, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 décembre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du 2 mai 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et à titre subsidiaire, de lui enjoindre de réexaminer sa situation et lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale, et en tout état de cause, d'ordonner la mainlevée du signalement aux fins de non admission dans le système Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. D... soutient que :
- le refus de titre de séjour qui lui a été opposé méconnait le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la mesure où son traitement médicamenteux n'est pas entièrement disponible en Arménie, alors que seule la prise conjointe des diverses molécules qui lui ont été prescrites en France est adaptée à son état, et qu'il bénéficie d'un suivi psychothérapeutique irréalisable dans son pays d'origine ;
- le refus de titre de séjour qui lui a été opposé méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où son frère et sa mère résident en France ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le délai de départ volontaire est entaché d'erreur d'appréciation eu égard à la longévité des soins requis par son état de santé ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français et méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour pour une durée de dix-huit mois porte atteinte de manière disproportionnée au droit au respect à sa vie privée et familiale ;
- la décision d'interdiction de retour est également illégale car elle ne mentionne pas qu'elle entraîne un signalement aux fins de non admission dans le système Schengen conformément à l'article 24 du règlement CE 1987/2006 du parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 et le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le requérant n'apporte aucun élément de nature à contester efficacement les éléments qu'il a produits, démontrant la disponibilité des soins que son état requiert en Arménie et s'en rapporte pour le surplus à ses écritures de première instance.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91 647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., né en 1991 et de nationalité arménienne, est entré en France en janvier 2012. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 20 avril 2012. Il a fait l'objet d'un refus de séjour le 28 septembre 2012, assorti d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Lyon par jugement du 4 avril 2013 (n° 1300153) et par la présente cour par arrêt du 17 décembre 2013 (n° 13LY02025). Il a ensuite fait l'objet d'un refus de titre de séjour en qualité d'étranger malade le 19 décembre 2014 dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Lyon par jugement du 20 octobre 2015 (n° 1504665) et par la présente cour par arrêt du 31 mars 2016 (n° 16LY00387). Il a néanmoins présenté une nouvelle demande de titre de séjour au titre de son état de santé. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions en date du 2 mai 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant devant le tribunal des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le médecin de l'agence régionale de santé, saisi sur la demande de titre de séjour de l'intéressé, a, dans son avis du 17 novembre 2016, estimé que l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié n'existe pas dans son pays d'origine. Le préfet du Rhône, qui n'était pas tenu par cet avis, a considéré que M. D... pouvait bénéficier des soins nécessaires à son état de santé dans son pays d'origine en se fondant en particulier sur des éléments fournis par l'ambassade de France en Arménie en date du 4 octobre 2013, par le conseiller santé auprès du directeur général des étrangers en France du ministère de l'Intérieur en date du 7 novembre 2013 et par l'institut de santé des enfants et adolescents d'Erevan en date du 12 avril 2013. Ces documents, produits en appel par le préfet, démontrent la capacité des institutions arméniennes à traiter les maladies courantes et la possibilité pour les ressortissants arméniens de trouver en Arménie un traitement adapté à leur état de santé. Le préfet a par ailleurs produit en première instance, des informations provenant du site Internet arménien du " Scientific Center of Drug and Medical Technologies Expertise ", qui répertorie notamment les médicaments disponibles en Arménie. Il en résulte que le traitement médicamenteux prescrit à M. D... est disponible dans ce pays soit sous la forme de la même molécule, soit sous la forme de molécules de la même famille que celles prescrites à M. D.... Si les attestations médicales du 6 mars 2017 et du 3 novembre 2016, établies, l'une par un psychiatre, l'autre par un médecin généraliste, décrivent le traitement médicamenteux adapté à l'état de santé de M. D... et affirment qu'un suivi psychothérapique est nécessaire, elles affirment sans aucune précision sur la nature de ce suivi que le traitement n'est pas disponible dans le pays d'origine de M. D... et ne font pas apparaitre que les médicaments prescrits ne seraient pas substituables. Dans ces conditions, les éléments avancés par le préfet du Rhône démontrant que les traitements appropriés à sa pathologie existent en Arménie ne sont pas efficacement contestés et le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. A l'appui de ses conclusions, M. D... soulève les mêmes moyens que ceux présentés devant le tribunal administratif, tirés de ce que la décision de refus de titre de séjour méconnaitrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de ce que l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'erreur d'appréciation eu égard à la longévité des soins requis par son état de santé, de ce que la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français et méconnaitrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, enfin, de ce que la décision portant interdiction de retour pour une durée de dix-huit mois porte atteinte de manière disproportionnée au droit au respect à sa vie privée et familiale. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ces moyens, qui ne sont assortis, en appel, d'aucune justification ou explication nouvelle, doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le tribunal administratif et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
6. S'agissant de la décision interdisant à M. D... le retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, l'arrêté vise, sans le citer, le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au terme duquel l'étranger à l'encontre duquel une telle mesure a été prise doit être informé qu'il fait également l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Ces dispositions n'imposent toutefois pas que cette information soit contenue dans la décision d'interdiction de retour sur le territoire français elle-même. Par ailleurs, la méconnaissance de cette obligation d'information, qui n'a trait qu'à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de leurs données à caractère personnel, est, à la supposer avérée, sans incidence sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois. Le moyen tiré de l'illégalité de cette décision faute de la présence d'une telle mention, auquel le tribunal administratif a répondu dans le jugement attaqué, doit dès lors être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique le 29 janvier 2019.
4
N° 18LY00973
gt