Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 juin 2018, M. C... A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 avril 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 10 avril 2018 qui le transfère aux autorités italiennes ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de reconnaître que la France est responsable de l'examen de sa demande d'asile et de lui délivrer un dossier pour l'OFPRA dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37, alinéa 2, de la loi nº 91-647 du 10 juillet 1991 correspondant aux honoraires qui lui auraient été facturés s'il n'avait pas été bénéficiaire de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- les dispositions des articles L. 744-1, L. 744-2 et R. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ont été méconnues dès lors que dès le 1er août 2017, les services de la préfecture de police auraient du lui remettre une attestation de demande d'asile et le formulaire destiné à l'OFPRA, puisqu'aucun élément ne permettait alors de penser que la France n'était pas l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile ;
- les autorités françaises n'ont pas respecté leur obligations de célérité ni l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 en ne saisissant les autorités italiennes qu'il a introduit sa demande le 1er août.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2018, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures produites dans le cadre de l'instruction du dossier de première instance.
Par ordonnance du 12 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 29 novembre 2018.
M. C... A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/3013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente-assesseure,
- et les observations de Me E..., représentant M. C...A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., de nationalité soudanaise, a présenté une demande d'asile aux autorités françaises. La consultation du fichier " Eurodac " ayant permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités italiennes à l'occasion du franchissement irrégulier de la frontière, une demande de prise en charge a été adressée aux autorités italiennes le 10 octobre 2017. Une décision implicite d'acceptation par les autorités italiennes est née du silence gardé sur cette demande dans le délai de deux mois fixé par l'article 22, paragraphe 7, du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. Par un arrêté du 10 avril 2018, le préfet de la Loire a décidé le transfert de M. C... A...vers l'Italie. Par un arrêté du même jour, il l'a assigné à résidence. L'intéressé relève appel du jugement du 13 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre ces arrêtés.
2. En premier lieu, le premier alinéa de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impose à tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile de se présenter en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de cette demande. Aux termes du deuxième alinéa de cet article : " L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément. ". Le droit d'asile implique, s'agissant des étrangers qui sont présents sur le territoire français sans avoir déjà été admis à résider en France, l'enregistrement de leur demande d'asile par l'autorité compétente dans les trois jours de sa présentation dès lors que cette demande est assortie des indications et documents requis à l'article R. 741-3 du même code.
3. Les décisions par lesquelles l'autorité administrative décide de transférer un étranger à l'Etat compétent pour examiner sa demande d'asile ne sont pas prises pour l'application de la mesure par laquelle le préfet lui a, en début de procédure, délivré une attestation de demande d'asile. L'enregistrement de la demande d'asile matérialisé par la délivrance d'une telle attestation ne constitue pas davantage la base légale de la décision de transfert. Par suite, le moyen invoquant le caractère tardif de l'enregistrement de la demande d'asile au regard des dispositions précitées ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours dirigé contre la décision par laquelle le préfet, après consultation des autorités compétentes, décide le transfert de l'intéressé vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande de protection internationale. M. C... A...soutient que c'est la méconnaissance du délai de trois jours imparti à l'autorité compétente pour enregistrer la demande d'asile qui a conduit à retenir l'Italie comme étant l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il résulte de ce qui vient d'être exposé que ce moyen est inopérant.
4. En deuxième lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 21 du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéas, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite ".
5. M. C... A...a versé aux débats un courriel expédié le 3 août 2017, émanant des services de la direction départementale de la cohésion sociale de la Loire mentionnant en objet " transfert CAO 3-08 CPA vers AURA " et indiquant qu'il comporte en pièce jointe la " liste des 38 départs effectifs vers CAO AURA le 3-08-2017 ". Cette pièce correspond à un tableau recensant une liste de trente-huit demandeurs d'asile au nombre desquels figure M. C... A.... En regard de son nom et de son prénom figurent son numéro AGDREF, sa date de naissance, sa nationalité, sa langue, la mention du CA de Boen sur Lignon et l'indication suivante sous la rubrique " situation administrative " : " S1 étranger inconnu Eurodac sollicitant l'asile en France ". Il résulte de ce document, d'une part, qu'au plus tard à la date du 3 août 2017, M. C... A...avait présenté une demande de protection internationale, d'autre part qu'à cette même date, il n'existait pas de résultat positif Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le résultat positif Eurodac concernant M. C... A...a été reçu le 26 septembre 2017, et que l'Italie a été saisie d'une demande de prise en charge de la demande d'asile de l'intéressé le 10 octobre suivant.
6. Il résulte de ce qui précède que la requête aux fins de prise en charge de M. C... A...a été formée dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de sa demande de protection internationale et dans un délai de deux mois à compter de la réception par la France d'un hit Eurodac. Les dispositions de l'article 21 du règlement (UE) 604/2013 n'ont donc pas été méconnues.
7. Il résulte de ce qui précède que M. C... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au versement de frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 janvier 2019.
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N° 18LY02234
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