Par une requête enregistrée le 6 janvier 2020, M. E... B..., représenté par la Selarl BS2A Bescou et Sabatier, avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 novembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 3 novembre 2018 par laquelle le préfet de l'Ain a implicitement confirmé sa décision du 3 août 2018 portant refus de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour d'une durée de cinq années portant la mention " membre de famille de ressortissant communautaire " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier et a commis une erreur de droit dès lors d'une part, que la demande de substitution de motifs présentée par le préfet de l'Ain, qui invoque une menace pour l'ordre public, est infondée, puisque ce dernier n'avait pas connaissance à la date de la décision attaquée, le 3 août 2018, du mandat d'arrêt européen émis le 27 novembre 2018 et d'autre part, qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- la décision méconnaît d'une part, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et d'autre part, les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation.
Le mémoire en défense du préfet de l'Ain, produit le 6 mai 2021, n'a pas été communiqué.
Par une décision du 21 février 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle formulée par M. B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A..., président-assesseur,
- et les observations de Me D..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain, né le 27 mai 1984, a sollicité le 15 mars 2018, son admission au séjour en qualité de membre de famille d'un ressortissant de l'Union européenne auprès de la préfecture de l'Ain. Il a renouvelé cette demande par lettre du 10 juillet 2018 en produisant les pièces demandées par les services de la préfecture. Par décision du 3 août 2018, le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité. M. B... a formé un recours gracieux le 30 août 2018 à l'encontre de cette décision et a produit de nouveaux justificatifs concernant son épouse par lettre du 29 octobre 2018. Ce recours gracieux a été implicitement rejeté. M. B... a demandé au tribunal administratif d'annuler cette dernière décision et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour d'une durée de cinq années portant la mention " membre de famille de ressortissant communautaire ". M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 novembre 2019 qui a rejeté sa demande.
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : "carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union". Sauf application des mesures transitoires prévues par le traité d'adhésion à l'Union européenne de l'Etat dont il est ressortissant, cette carte donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle. ".
3. A la demande du préfet de l'Ain, la décision du 3 août 2018, qui avait été prise initalement au motif, entaché d'erreur de fait, que l'épouse de M. B... ne justifiait pas de ressources suffisantes pour se voir accorder le titre de séjour sollicité, a fait l'objet d'une substitution de motif, tirée de ce que l'appelant représentait une menace pour l'ordre public. Contrairement à ce qui est soutenu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal administratif ait dénaturé les pièces du dossier en accueillant la demande de substitution de motifs présentée par le préfet de l'Ain. En outre et surtout, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné en Italie, par un jugement du 15 octobre 2013, pour " participation à une bagarre et homicide volontaire, port et détention d'arme illegal ". L'intéressé, qui doit exécuter une peine de plus de treize ans d'emprisonnement en Italie, a fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen, émis le 27 novembre 2018, dont la date postérieure, il est vrai, aux décisions attaquées, reste sans incidence sur l'appréciation portée par le préfet, lequel avait bien connaissance des faits reprochés à l'appelant. Eu égard à la nature et à la gravité de ces infractions, le préfet de l'Ain, qui aurait pris la même decision, s'il s'était initialement fondé sur ce seul motif, n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que le séjour en France de M. B... constituait une menace pour l'ordre public.
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour en France des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne prévoit également que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité. / 2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / 3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est marié le 8 décembre 2015 au Maroc, son pays d'origine, où est né son enfant le 25 août 2016. Il n'a rejoint son épouse et son enfant, qui sont de nationalité italienne, que le 7 février 2018, soit seulement six mois avant la décision de refus de séjour du 3 août 2018, et alors que ceux-ci résidaient déjà depuis plusieurs mois en France. En outre, l'intéressé ne justifie d'aucune intégration particulière sur le territoire français, alors que son comportement représente une menace à l'ordre public. Dans les circonstances de l'espèce, la décision portant refus de séjour en France ne porte pas, par elle-même, une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'appelant. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés.
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, par sa décision de refus de séjour, le préfet aurait méconnu les articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, compte tenu notamment du fait que l'épouse et l'enfant de M. B..., de nationalité italienne, peuvent se rendre légalement en Italie où l'intéressé doit exécuter la peine pour laquelle il a été condamné. Les moyens tirés de la méconnaissance de ces articles doivent donc également être écartés. Enfin, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet quant aux conséquences de sa décision de refus de séjour sur la situation personnelle de M. B... doit être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2021, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. C... A..., president-assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.
5
N° 20LY00041