Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2017, le GFA de Plaisance, représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2017 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'annuler l'acte du 6 janvier 2015 par lequel il a été mis en demeure de régulariser sa situation par le directeur départemental adjoint des territoires de l'Allier ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 3 000 euros au titre de la première instance sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 5 000 euros au titre de l'instance en appel sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le principe du contradictoire n'a pas été respecté dès lors qu'il a reçu l'avis d'audience avec quatre jours de retard et que son mémoire du 1er septembre 2017, qui présentait de nouveaux éléments n'a pas été communiqué à l'Etat ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- son ouvrage n'est pas situé en barrage d'un cours d'eau comme le démontre l'expertise produite dont il peut se prévaloir ;
- la qualification d'assec durant une période de supérieure à deux années ne pouvant être retenue l'ouvrage est compatible avec les réglementations en vigueur et n'était pas soumis à autorisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement manquent en fait et que pour le surplus il convient de se reporter aux écritures du préfet de l'Allier produites en première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 27 août 1999 fixant les prescriptions générales applicables à la création de plans d'eau ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., présidente-assesseure,
- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 6 janvier 2015, le GFA de Plaisance, dont le siège social est Plaisance à Yzeure (Allier), a été mis en demeure, par le directeur départemental adjoint des territoires, pour le préfet de l'Allier, de supprimer sans délai, d'une part, le point de prélèvement dans le plan d'eau établi en barrage d'un cours d'eau, et d'autre part le moine construit en barrage de ce même cours d'eau, visant à la remise en eau d'un plan d'eau. Le GFA de Plaisance relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 21 septembre 2017 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision précitée du 6 janvier 2015.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R.711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie (...) du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / (...) L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. Toutefois, en cas d'urgence, ce délai peut être réduit à deux jours par une décision expresse du président de la formation de jugement qui est mentionnée sur l'avis d'audience. ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que l'avocat du GFA de Plaisance a été informé de ce que l'affaire serait appelée à l'audience du tribunal administratif du 7 septembre 2017 par un avis du 1er septembre 2017 mis à sa disposition au moyen de l'application informatique Télérecours. Ainsi, alors qu'aucune urgence ne le justifiait et n'a d'ailleurs été mentionnée sur ledit avis, le GFA de Plaisance a été privé du délai de sept jours francs que prévoient les dispositions de l'article R. 711-2 du code de justice administrative. Il ressort des mentions du jugement que ni le GFA de Plaisance ni son conseil n'ont été présents à l'audience. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, le requérant est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le GFA de Plaisance devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.
Sur la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif :
5. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Il résulte des dispositions de l'article R. 421-5 du même code que ce délai n'est toutefois opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.
6. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
7. La règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient, dès lors, au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.
8. Il n'est pas contesté que le GFA de Plaisance a été destinataire de la décision du 6 janvier 2015, en janvier 2015, et que cette dernière ne comportait pas l'indication des voies et délais de recours. Si le défaut des mentions prévues à l'article R. 421-5 du code de justice administrative implique que le délai de deux mois fixé par l'article R. 421-1 du même code n'était, par suite, pas opposable au GFA de Plaisance, il est toutefois constant que celui-ci a eu connaissance de ces décisions plus d'un an avant la saisine du tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 17 juin 2016. En se bornant à soutenir que le dossier était technique et nécessitait des investigations, le GFA de Plaisance ne démontre pas l'existence de circonstances particulières qui pourraient justifier que le délai raisonnable dont il disposait pour demander l'annulation de la décision du 6 janvier 2016 excédait un an à compter de la date à laquelle il en avait eu connaissance. Par suite, le recours juridictionnel, dont le GFA de Plaisance a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 17 juin 2016, excédait le délai raisonnable durant lequel il pouvait être exercé. Dès lors, la demande du GFA de Plaisance devant ce tribunal doit être rejetée comme tardive. Par suite, ses conclusions devant la cour ne peuvent également qu'être rejetées, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tant dans l'instance devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1601074 du 21 septembre 2017 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : La demande du GFA de Plaisance et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GFA de Plaisance et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. B... A..., présidente de chambre,
Mme E..., présidente-assesseure,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 décembre 2019.
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N° 17LY03977