Par une requête enregistrée le 8 août 2018 et des mémoires, enregistrés le 20 août 2019 et le 27 avril 2020, l'association " Vents contre air ", la société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France (SPPEF), Mme K... D..., M. O... M..., M. L... G..., M. J... I..., Mme F... B... et M. N... P... représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 4 juin 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 22 octobre 2016 par laquelle le préfet de l'Yonne a implicitement refusé de retirer, d'une part, ses décisions implicites du 22 juillet 2015 ayant implicitement autorisé la société Parc éolien du moulin du bois à construire deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Cyr-les-Colons, d'autre part, ses arrêtés du 26 mai 2016 ayant, d'une part, retiré les refus qu'il avait tacitement opposés le 22 février 2016 aux trois demandes de permis de construire présentées par la société Parc éolien du moulin du bois et portant sur la construction de neuf éoliennes et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Cyr-les-Colons, d'autre part, délivré à cette société les trois permis de construire qu'elle avait sollicités, ensemble les décisions précitées du préfet de l'Yonne du 22 juillet 2015 et les arrêtés précités du préfet de l'Yonne du 26 mai 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Parc éolien du moulin du bois la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur demande était recevable ;
- en faisant application des articles L. 120-1-1, L.122-1, L. 123-2, R. 122-2 et R. 123-1 du code de l'environnement alors que ceux-ci méconnaissent l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 dès lors qu'ils ne soumettent pas les demandes de permis de construire des éoliennes à une procédure d'information du public avant que l'administration ne prenne sa décision, le préfet de l'Yonne a entaché sa décision d'illégalité ;
- en tout état de cause, en s'abstenant d'organiser une procédure d'information du public compatible avec les objectifs de la directive du 13 décembre 2011, le préfet a également entaché ses décisions d'illégalité ;
- c'est à tort que les juges de première instance ont retenu qu'il résulte des articles L. 643-4 du code rural et de la pêche maritime et R. 423-65 du code de l'urbanisme que le préfet n'était tenu de consulter le ministre chargé de l'agriculture que s'il avait été préalablement saisi par un organisme de défense et de gestion d'une appellation d'origine ; or cet avis n'a pas été sollicité ;
- l'avis du maire de Saint-Cyr-les-Colons est irrégulier car rendu en méconnaissance du principe d'impartialité ; c'est à tort que les premiers juge ont fait application de l'article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales, seul un empêchement physique pouvant justifier son application ; ce vice de procédure ne saurait être neutralisé ;
- le projet porte atteinte aux paysages et au patrimoine naturel en méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;
- lorsqu'il statue sur un permis de construire de parc éolien délivré avant le 1er mars 2017 et en cours de validité à cette date, le juge administratif exerce un contrôle de plein contentieux.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 juillet 2019, 3 avril 2020 et 18 juin 2020 la société Parc éolien du moulin du bois, représentée par Me C... conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'association " Vents contre air " et autres la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.
Elle soutient que :
- les requérants n'ont pas intérêt à agir ;
- les moyens soulevés ne sont pas opérants ou fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2020, le ministre de la cohésion des territoires a conclu au rejet de la requête. Il s'en rapporte aux écritures de première instance présentées par le préfet de l'Yonne.
Par ordonnance du 24 juin 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 31 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant l'association " Vents contre air " et autres, et de Me C... représentant la Société Parc éolien du moulin du bois ;
Considérant ce qui suit :
1. Par trois arrêtés du 26 mai 2016, le préfet de l'Yonne a délivré des permis de construire pour neuf éoliennes de 150 m de hauteur et deux postes de livraison à la Société Parc éolien du moulin du bois sur la commune de Saint-Cyr-les-Colons. L'association " Vents contre air " et autres relèvent appel du jugement rendu le 4 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande d'annulation de ces trois arrêtés.
Sur la recevabilité de la demande :
2. Il ressort des pièces du dossier que l'objet de l'association " Vents contre air " dont le siège est situé à Saint-Cyr-les-Colons, commune sur le territoire de laquelle porte le projet d'implantation des éoliennes, est de " Défendre et promouvoir l'identité culturelle des paysages et du patrimoine, leur équilibre, leur salubrité ainsi que leurs intérêts économiques, historiques et sociaux, développer l'oenotourisme et l'écotourisme. /Préserver les espaces naturels et les paysages/ Protéger la nature, l'environnement et le patrimoine de notre commune et des communes avoisinantes (...) ". Cet objet lui donne un intérêt à agir contre les arrêtés en litige. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'intérêt à agir des autres requérants, la fin de non-recevoir soulevée en première instance comme en appel par la société Parc éolien du moulin du bois doit être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Si, en vertu de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, dans sa rédaction issue de l'article 60 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, les permis de construire en cours de validité au 1er mars 2017 autorisant les projets d'installation d'éoliennes terrestres sont considérés comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement, ces autorisations continuent de produire des effets en tant qu'elles valent permis de construire. Par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le juge, saisi de moyens dirigés contre de telles autorisations, apprécie le respect des règles d'urbanisme au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.
En ce qui concerne l'information du public :
4. L'association " Vents contre air " et autres soutiennent qu'en faisant application des articles L. 120-1-1, L. 122-1, L. 123-2, R. 122-2 et R. 123-1 du code de l'environnement, alors que ceux-ci méconnaissent l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011, le préfet de l'Yonne a entaché sa décision d'illégalité.
5. La directive 2011/92/UE du Parlement et du Conseil du 13 décembre 2011 susvisée, dispose à son article 2 : " 1. Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l'octroi de l'autorisation, les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d'autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l'article 4. / 2. L'évaluation des incidences sur l'environnement peut être intégrée dans les procédures existantes d'autorisation des projets dans les États membres ou, à défaut, dans d'autres procédures ou dans celles à établir pour répondre aux objectifs de la présente directive ", à son article 4 que : " 1. Sous réserve de l'article 2, paragraphe 4, les projets énumérés à l'annexe I sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10. / 2. Sous réserve de l'article 2, paragraphe 4, pour les projets énumérés à l'annexe II, les États membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10. Les États membres procèdent à cette détermination : / a) sur la base d'un examen cas par cas ; / ou / b) sur la base des seuils ou critères fixés par l'État membre. (...) ". Les " installations destinées à l'exploitation de l'énergie éolienne pour la production d'énergie (parcs éoliens) " sont visées au i) du point 3 de l'annexe II. L'article 6 de cette même directive dispose que " (...) 2. À un stade précoce des procédures décisionnelles en matière d'environnement visées à l'article 2, paragraphe 2, et au plus tard dès que ces informations peuvent raisonnablement être fournies, les informations suivantes sont communiquées au public par des avis au public ou d'autres moyens appropriés tels que les moyens de communication électroniques lorsqu'ils sont disponibles: / a) la demande d'autorisation ; / b) le fait que le projet fait l'objet d'une procédure d'évaluation des incidences sur l'environnement et que, le cas échéant, l'article 7 est applicable ; / c) les coordonnées des autorités compétentes pour prendre la décision, de celles auprès desquelles peuvent être obtenus des renseignements pertinents, de celles auxquelles des observations ou questions peuvent être adressées ainsi que des précisions sur les délais de transmission des observations ou des questions ; / d) la nature des décisions possibles ou, lorsqu'il existe, le projet de décision ; / e) une indication concernant la disponibilité des informations recueillies en vertu de l'article 5 ; / f) une indication de la date à laquelle et du lieu où les renseignements pertinents seront mis à la disposition du public et des moyens par lesquels ils le seront ; / g) les modalités précises de la participation du public prévues au titre du paragraphe 5 du présent article. (...) / 4. À un stade précoce de la procédure, le public concerné se voit donner des possibilités effectives de participer au processus décisionnel en matière d'environnement visé à l'article 2, paragraphe 2, et, à cet effet, il est habilité à adresser des observations et des avis, lorsque toutes les options sont envisageables, à l'autorité ou aux autorités compétentes avant que la décision concernant la demande d'autorisation ne soit prise ; / 5. Les modalités précises de l'information du public (par exemple, affichage dans un certain rayon ou publication dans la presse locale) et de la consultation du public concerné (par exemple, par écrit ou par enquête publique) sont déterminées par les États membres. (...) ".
6. En premier lieu, il résulte de ces différentes dispositions que l'information et la consultation du public ne sont requises que pour les projets soumis à une évaluation environnementale et que, pour les projets visés dans l'annexe II, une marge d'appréciation est laissée aux Etats membres pour déterminer s'ils doivent ou non être soumis à cette évaluation. Il ne résulte pas, en revanche, de ces dispositions qu'un même projet, pour lequel ces formalités sont requises, doive faire l'objet de plusieurs évaluations environnementales et de procédures d'information et de participation du public avant de pouvoir être mis en oeuvre. Il ne résulte pas non plus de ces dispositions que, dans le cas où la mise en oeuvre du projet est subordonnée à la délivrance de plusieurs autorisations, ces formalités doivent nécessairement précéder la délivrance de la première de ces autorisations.
7. En deuxième lieu, la soumission d'un projet à une enquête publique régie par les dispositions du code de l'environnement doit être regardée comme une modalité d'information et de participation du public assurant la mise en oeuvre des objectifs fixés par les dispositions citées ci-dessus de l'article 6 de la directive. En vertu des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'urbanisme et de l'article L. 512-2 du code de l'environnement, dans leur rédaction applicable au litige, lorsque le projet porte sur une installation soumise à autorisation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, telles que les éoliennes en cause, les travaux ne peuvent être exécutés avant la clôture de l'enquête publique. Par suite, les travaux autorisés par les permis de construire litigieux ne pouvaient être exécutés avant la clôture de l'enquête publique à laquelle était soumise l'autorisation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement. Le moyen doit dès lors être écarté.
En ce qui concerne l'avis du ministre chargé de l'agriculture :
8. L'article L. 643-4 du code rural et de la pêche maritime dispose : " Tout organisme de défense et de gestion d'une appellation d'origine peut saisir l'autorité administrative compétente s'il estime que le contenu d'un document d'aménagement ou d'urbanisme en cours d'élaboration, un projet d'équipement, de construction, d'exploitation du sol ou du sous-sol, d'implantation d'activités économiques est de nature à porter atteinte à l'aire ou aux conditions de production, à la qualité ou à l'image du produit d'appellation. / Préalablement à toute décision, cette autorité administrative doit recueillir l'avis du ministre chargé de l'agriculture, pris après consultation de l'Institut national de l'origine et de la qualité. / Le ministre chargé de l'agriculture dispose, pour donner son avis, d'un délai de trois mois à compter de la date à laquelle il est saisi par l'autorité administrative. (...) ".
9. Il résulte de ces dispositions qu'elles n'imposent de recueillir l'avis du ministre que dans les cas où le projet a suscité préalablement la saisine de l'autorité compétente par un organisme de défense et de gestion d'une appellation d'origine. Dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet de l'Yonne avait été saisi, à la date de la décision attaquée, par un tel organisme, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir d'une absence d'avis du ministre de l'agriculture comme cause d'irrégularité des permis de construire litigieux.
En ce qui concerne l'avis du maire de Saint-Cyr-les-Colons :
10. L'association " Vents contre air " et autres soutiennent qu'en se fondant sur un avis rendu irrégulièrement par le maire de Saint-Cyr-les-Colons, le préfet de l'Yonne a entaché sa propre décision d'accorder les permis de construire litigieux d'irrégularité.
11. Aux termes de l'article R. 423-72 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision est de la compétence de l'Etat, le maire adresse au chef du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction son avis sur chaque demande de permis et sur chaque déclaration. Cet avis est réputé favorable s'il n'est pas intervenu dans le délai d'un mois à compter du dépôt à la mairie de la demande de permis ou dans le délai de quinze jours à compter du dépôt à la mairie de la déclaration. (...) ". Le code général des collectivités territoriales, dispose par ailleurs, à son article L. 2122-17, dans sa rédaction applicable au litige, qu'" En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par le conseil ou, à défaut, pris dans l'ordre du tableau ". Enfin, le principe d'impartialité, qui garantit aux administrés que toute autorité administrative, individuelle ou collégiale, traite de leurs affaires sans préjugés ni parti pris, doit être respecté durant l'intégralité de la procédure d'instruction et de délivrance d'un permis de construire, y compris, dès lors, au cours de la phase de consultation précédant la décision finale.
12. Il n'est pas contesté que le maire de Saint-Cyr-les-Colons était, à la date de la décision attaquée, usufruitier de parcelles sur lesquelles doivent être édifiées les éoliennes E1, E2 et E3, et qu'il était ainsi intéressé à la délivrance des permis de construire en litige sur lesquels a été rendu tacitement un avis en application de l'article R. 423-72 du code de l'urbanisme. Contrairement à ce qui est soutenu, les causes d'empêchement, au sens de l'article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales, ne sont pas limitées aux cas de défaillance physique et, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Dijon au point 23 de son jugement, l'intérêt du maire dans le projet concerné en constituait l'une des autres causes possible. Par ailleurs, aucune disposition du code de l'environnement ou du code général des collectivités territoriales ne fait obligation au maire empêché et en charge de rendre un avis de rendre cet avis de façon expresse. Par suite, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Saint-Cyr-les-Colons ait entendu être l'auteur de l'avis tacite rendu sur le projet litigieux, cet avis doit être regardé, compte tenu de cet empêchement, comme émanant de l'adjoint appelé à le remplacer dans ses fonctions.
13. En tout état de cause, à supposer même que le maire de Saint-Cyr-les-Colons ait entendu être l'auteur de l'avis, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle circonstance, qui l'entacherait d'irrégularité, a eu une incidence sur le sens de la décision litigieuse ni qu'elle a privé les intéressés d'une garantie, compte tenu d'une part, du nombre d'avis favorables émis sur le projet et, d'autre part, de ce que cet avis ne lie pas le représentant de l'Etat.
14. Il résulte ainsi de ce qui précède que le moyen doit être écarté.
En ce qui concerne l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme :
15. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ; que les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-27 précité.
16. Il ressort des pièces du dossier que les neuf éoliennes dont la construction est autorisée par les arrêtés en litige doivent s'implanter en ligne sur un plateau étroit en surélévation à une altitude d'environ 300 mètres dans un axe orienté nord-sud, sud-est, sur une distance d'environ 4.3 kilomètres le long du parcours de l'autoroute A6. Ce plateau constitue un espace agricole de grandes cultures et sans reliefs marqués, bordé de coteaux boisés. L'aire immédiate de l'espace d'implantation est ainsi constituée de paysages très ouverts aux d'horizons quasi rectilignes avec peu de relief pour les parties sud et est du projet sans points d'attraits particuliers ou pittoresques. Le terrain d'assiette du projet se trouve à son extrémité nord en proximité du vignoble Chablisien, dont les produits sont d'ailleurs classés en appellation d'origine protégée, situé dans un quart nord-est et, à l'opposé, des vignobles du " Jardin de l'Auxerois " situé dans un angle sud-ouest par rapport au projet. Ces paysages de vignobles aux reliefs ondulés présentent, à la différence du plateau agricole, un intérêt touristique dont la renommée n'est pas contestée mais qui sont à l'écart du plateau d'implantation du projet.
17. Il ressort également des pièces du dossier que le projet en litige, dans son aire intermédiaire, soit dans un rayon de cinq à six kilomètres, s'insèrera dans un ensemble composé, d'une part, au nord, dans le prolongement du parc de Chitry Quenne comptant seize machines disposées en ligne le long du parcours l'autoroute A6, d'autre part du parc éolien de Venoy-Beine-Courgis comportant un alignement de douze aérogénérateurs sur une ligne quasi parallèle à celle du parc de Chitry Quenne à environ un kilomètre à l'est et, enfin, à moins de 7 kilomètres au sud-est du parc litigieux, du parc de Lichères près Aigremont dont il est prévu qu'il soit constitué d'un ensemble groupé de douze aérogénérateurs. De façon plus globale, il ressort des pièces produites par les requérants que le projet de construction en litige est lui-même partie d'un ensemble de plus d'une centaine d'aérogénérateurs, existants ou autorisés, dans un rayon de 20 kilomètres.
18. Toutefois, s'agissant des paysages touristiques du Chablisien et des Jardins de l'Auxerois, le seul fait que le parc du moulin du bois sera en partie visible depuis ceux-ci ne suffit pas à établir une atteinte manifeste à leur intérêt dès lors que le projet en cause est situé à l'extérieur et se trouve lui-même implanté dans un paysage sans attrait. Si l'implantation en ligne du parc à une altitude moyenne supérieure aux paysages environnant le rendra visible depuis de nombreux points de vue, proches ou éloignés, l'effet de cumul avec les parcs de Chitry Quenne, qui, comme il a été dit, se situe dans son prolongement, et Venoy-Beine-Courgis ne sera perceptible, quant à lui, que depuis des perspectives éloignées. Par ailleurs, s'il n'est pas contestable que le parc contribuera à modifier certaines vues et horizons, comportant, au demeurant, déjà des ouvrages importants, tels que l'autoroute A6, notamment ceux des villages de Préhy et Chitry, il ressort des documents relatifs à l'étude des effets de saturation, que l'implantation des éoliennes regroupées trois par trois, laisse, dans les secteurs les plus sensibles, des angles de vue comportant des espaces dits de " respiration " de plus de 90°. S'agissant en particulier du village de Saint-Cyr-les-Colons dont les éoliennes les plus proches seront implantées à moins d'un kilomètre, il ressort des photomontages que celles-ci ne créeront un effet de domination que ponctuellement, en dehors du bourg et que si elles seront visibles sur un angle très large, l'étalement en ligne du projet sur plus de 4 kilomètres et le regroupement des éoliennes par trois, laisse des espaces de respiration visuelle de plus de 90°. Il apparaît enfin au regard des pièces du dossier que, pour ces trois villages, les effets de cumuls visuels avec les autres parcs éoliens seront limités en raison des éléments de reliefs qui s'interposent entre eux. Dans ces circonstances, en dépit d'une notable densité d'aérogénérateurs dans ces secteurs du sud-est d'Auxerre, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de l'Yonne a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des prescriptions l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.
Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme à ce titre, les conclusions de la société Parc éolien du moulin du bois en ce sens doivent être rejetées.
20. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge solidaire de l'association " Vents contre air " et autres une somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens que la société Parc éolien du moulin du bois a exposés.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association " Vents contre air ", la société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France (SPPEF), Mme K... D..., M. O... M..., M. L... G..., M. J... I..., Mme F... B... et M. N... P... est rejetée.
Article 2 : L'association " Vents contre air " la société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France (SPPEF), Mme K... D..., M. O... M..., M. L... G..., M. J... I..., Mme F... B... et M. N... P... verseront solidairement à la société Parc éolien du moulin du bois une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Vents contre air ", à la société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France (SPPEF), à Mme K... D..., à M. O... M..., à M. L... G..., à M. J... I..., à Mme F... B..., à M. N... P..., à la société Parc éolien du moulin du bois et au ministre de la cohésion des territoires.
Copie en sera délivrée au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme H... A..., présidente de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
No 18LY030992