Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 avril 2018 et un mémoire enregistré le 14 juin 2019, Mme C..., représentée par Me A..., avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 8ème chambre du tribunal administratif de Lyon du 7 février 2018 ;
2°) d'annuler la décision de rejet implicitement née du silence conservé par le directeur général des Hospices civils de Lyon sur sa demande du 16 mars 2016 tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa tentative de suicide en novembre 2012 ;
3°) d'enjoindre aux Hospices civils de Lyon de reconnaître l'imputabilité au service de sa tentative de suicide ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée méconnaît l'article R. 222-1 du code de justice administrative dès lors que, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, une partie de sa demande a conservé un objet, la décision du 16 mai 2017 ne reconnaissant pas l'imputabilité au service de sa tentative de suicide ;
- la décision rejetant implicitement sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa tentative de suicide est illégale, dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la consultation de la commission de réforme en méconnaissance de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 ;
- elle est en outre entachée d'une erreur d'appréciation, sa tentative de suicide étant imputable au service.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 mai 2019, les Hospices civils de Lyon, représentés par Me I... (J... et Walgenwitz), avocat, concluent au rejet de la requête et demandent que soit mise à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils exposent que :
- l'appel est irrecevable, dès lors qu'en concluant, en première instance, au non-lieu à statuer sur sa requête, Mme C... s'est désistée de son action ;
- subsidiairement, les conclusions de première instance tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa tentative de suicide étaient irrecevables, à défaut pour ces conclusions, comme pour la demande préalable, d'être assorties de précisions suffisantes ;
- subsidiairement, les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 21 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... H..., première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., avocate, représentant Mme C..., et de Me G... avocate, représentant les Hospices civils de Lyon ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., infirmière au sein des Hospices civils de Lyon depuis 1987, a sollicité, par courrier du 16 mars 2016 la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une dépression dont elle a souffert et qui l'aurait menée à une tentative de suicide le 13 novembre 2012. Ayant initialement implicitement rejeté cette demande, le directeur général des Hospices civils de Lyon a, par décision du 16 mai 2017, reconnu l'imputabilité au service de la maladie de Mme C.... Le président de la 8ème chambre du tribunal administratif de Lyon a, par ordonnance du 7 février 2018, jugé qu'il n'y avait plus à statuer sur les conclusions, présentées antérieurement par Mme C..., à fin d'annulation de la décision implicite de rejet initialement née sur sa demande, ainsi que sur les conclusions à fin d'injonction dont elles étaient assorties. Mme C... relève appel de cette ordonnance, en tant qu'elle constate qu'il n'y a plus lieu à statuer sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet des Hospices civils de Lyon en ce qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service d'une tentative de suicide.
Sur la recevabilité de l'appel :
2. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du mémoire produit devant le tribunal administratif par Mme C... le 8 septembre 2017, que celle-ci, après avoir rappelé les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par les Hospices civils de Lyon, a réitéré ses conclusions initiales en demandant au tribunal qu'il soit statué ce que de droit sur sa demande d'annulation de la décision rejetant implicitement sa demande d'imputabilité au service d'une tentative de suicide de novembre 2012. Ce faisant, Mme C... n'a pas conclu, en première instance, à ce qu'il n'y ait plus lieu à statuer sur sa demande et ne peut, par suite, être regardée comme ayant entendu se désister de cette instance, ni davantage de son action, contrairement à ce que prétendent en appel les Hospices civils de Lyon. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée en défense par les Hospices civils de Lyon et tirée de l'existence d'un tel désistement ne peut qu'être écartée.
Sur la régularité de l'ordonnance :
3. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 16 mars 2016, Mme C... a saisi les Hospices civils de Lyon d'une demande de " reconnaissance d'imputabilité au service de la tentative de suicide (...) en novembre 2012 ", ainsi que le mentionne expressément son objet, en évoquant la " dépression dont elle a été victime et qui l'a (...) menée jusqu'à une tentative de suicide ". La décision du directeur des Hospices civils de Lyon du 16 mai 2017 se limite à reconnaître l'imputabilité au service de sa dépression ayant donné lieu à une période d'arrêt de travail du 14 novembre 2011 au 7 novembre 2012, sans reconnaître d'accident de service tenant à une tentative de suicide. Dès lors, cette décision, intervenue en cours de première instance, n'a pas eu pour effet d'emporter l'entier retrait de la décision de rejet implicitement née sur la demande de Mme C..., ni même de lui donner entière satisfaction. Mme C... est par suite fondée à soutenir qu'en jugeant que ses conclusions de première instance avaient, dans leur ensemble, perdu leur objet en cours d'instance, l'ordonnance attaquée est irrégulière et doit, dans cette mesure, être annulée.
4. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de Mme C... dirigées contre la décision implicitement née du silence conservé sur sa demande du 16 mars 2016 en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service d'une tentative de suicide.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42. /Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. /Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est appréciée par l'administration, qui doit consulter la commission de réforme avant de refuser de reconnaître cette imputabilité hormis le cas où le défaut d'imputabilité au service est manifeste.
6. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Il en va ainsi lorsqu'un suicide ou une tentative de suicide intervient sur le lieu et dans le temps du service, en l'absence de circonstances particulières le détachant du service. Il en va également ainsi, en dehors de ces hypothèses, si le suicide ou la tentative de suicide présente un lien direct avec le service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un accident de trajet survenu le 28 septembre 1998, Mme C... a subi plusieurs rechutes, en raison de douleurs cervicales générées par des postes nécessitant de longs stationnements debout. Ces douleurs se sont doublées d'un syndrome dépressif, tenant notamment aux échecs de ses projets de formation et à l'absence de perspectives de reclassement. Elle a ainsi été arrêtée pour dépression du 14 novembre 2011 au 7 novembre 2012. Si elle soutient avoir tenté de se suicider le 13 novembre 2012, après avoir été informée d'un éventuel placement en disponibilité d'office en raison du défaut de poste disponible adapté à son état de santé, elle ne produit aucune pièce de nature à démontrer la réalité de cette tentative de suicide. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que les Hospices civils de Lyon auraient, à tort, rejeté sa demande tendant à la reconnaissance d'une telle tentative de suicide comme accident de service.
8. En second lieu, la réalité de la tentative de suicide qu'invoque Mme C... n'étant pas établie, l'absence d'accident de service est dès lors manifeste. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de la commission de réforme préalablement à la décision contestée doit être écarté comme inopérant.
9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicitement née du silence conservé sur sa demande du 16 mars 2016 en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service d'une tentative de suicide.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme C... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des Hospices civils de Lyon, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme C.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... une somme au titre des frais exposés par les Hospices civils de Lyon.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du président de la 8ème chambre du tribunal administratif de Lyon du 7 février 2018 est annulée en tant qu'elle constate qu'il n'y a plus lieu à statuer sur les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de la décision implicitement née du silence conservé par les Hospices civils de Lyon sur sa demande du 16 mars 2016 en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service d'une tentative de suicide.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation de la décision implicitement née du silence conservé par les Hospices civils de Lyon sur sa demande du 16 mars 2016 en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service d'une tentative de suicide et le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par les Hospices civils de Lyon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... et aux Hospices civils de Lyon.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, à laquelle siégeaient :
Mme E... B..., présidente de chambre,
M. Pierre Thierry, premier conseiller,
Mme D... H..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.
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N° 18LY01335