Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mars 2014, et un mémoire complémentaire, enregistré le 27 août 2014, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 novembre 2013 ;
2°) de condamner Pôle emploi à lui verser une indemnité de 85 000 euros, assortie des intérêts de droit à compter de sa demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'il aurait subis en l'absence de nomination comme conseiller de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) ;
3°) de mettre à la charge de Pôle emploi une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son avocat, à charge pour celui-ci de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que ;
- sa requête n'est pas tardive, dès lors que la décision du bureau d'aide juridictionnelle lui a été notifiée le 24 janvier 2014 ;
- une vingtaine de postes de conseillers ont, entre 2007 et 2009, été déclarés vacants et pourvus par des personnes inscrites sur la liste complémentaire établie à l'issue de la sélection, sans que l'ordre prévu par l'article 20 de la loi du 11 janvier 1984, par l'article 10 du décret du 31 décembre 2003 et par l'article 10 de la décision du 31 mai 2007 portant autorisation d'ouverture et règlement de la sélection externe de conseiller pour la session de septembre 2007 en Rhône-Alpes ait été respecté ; l'ANPE aurait dû, si aucun critère d'attribution des postes vacants n'existait, respecter, comme pour la liste principale, l'ordre alphabétique, ou, si de tels critères existaient, les énoncer et en informer les candidats ; compte tenu de son classement en dixième position, l'Agence a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en s'abstenant de le solliciter pour pourvoir l'un des postes vacants ;
- il est fondé à demander une indemnisation de 85 000 euros, en ce qu'il a été privé d'accéder à un emploi public et qu'il a subi un préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2014, Pôle emploi, agissant par son directeur général en exercice et représenté par la SCP Sartorio-Longqueue-Sagalovitsch, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- à titre principal, la requête est tardive, la décision d'attribution de l'aide juridictionnelle ayant été prise le 9 janvier 2014 ;
- à titre subsidiaire, les dispositions de l'article 20 de la loi du 11 janvier 1984 ne sont pas applicables en l'espèce, dès lors que Pôle emploi fait partie des établissements publics qui ne sont pas soumis au principe du recrutement par concours, dont la liste est fixée, en application de l'article 3 de cette même loi, par le décret du 18 janvier 1984, et que ses agents statutaires n'ont pas la qualité de fonctionnaire ; les dispositions de l'article 10 du décret du 31 décembre 2003 prévoient le classement alphabétique des candidats figurant sur la liste principale et sur la liste complémentaire, et non leur classement par ordre de mérite ; il ne comporte aucune obligation s'agissant de la manière dont les postes vacants de conseiller sont attribués et n'exige pas, en particulier, qu'ils le soient par ordre alphabétique ; il n'a donc pas commis de faute en ne suivant pas, pour l'attribution des postes, l'ordre alphabétique des noms des candidats inscrits sur la liste complémentaire, lesquels sont tous aptes à remplacer les candidats figurant sur la liste principale ;
- sa responsabilité ne saurait être engagée en l'absence de faute ; en tout état de cause, le préjudice dont se prévaut M. C...au titre de la perte de chance sérieuse d'accéder à un emploi pérenne au sein de Pôle emploi est incertain ; à titre encore plus subsidiaire, M. C...ne produit aucun élément justifiant le montant des préjudices matériel et moral qu'il aurait subis ;
- il n'existe pas de lien de causalité directe entre les prétendues fautes et les préjudices allégués.
Par ordonnance du 8 septembre 2014, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 janvier 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi ;
- le décret n° 84-38 du 18 janvier 1984 fixant la liste des établissements publics de l'Etat à caractère administratif prévue au 2° de l'article 3 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003 fixant les dispositions applicables aux agents contractuels de droit public de Pôle emploi ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Clément, rapporteur public.
1. Considérant que M. C...a été candidat en 2007 à une sélection externe pour le recrutement de conseillers à l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), devenue Pôle emploi le 19 décembre 2008 ; qu'ayant été classé sur la liste complémentaire, il a sollicité en vain sa nomination immédiate sur un emploi de conseiller en février 2009 ; qu'il a saisi Pôle emploi, venant aux droits et obligations de l'ANPE, d'une demande indemnitaire préalable le 24 décembre 2010 ; que, par jugement du 6 novembre 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que Pôle emploi soit condamné à lui verser une indemnité de 85 000 euros au titre de la perte de chance sérieuse d'être nommé dans les fonctions de conseiller et de son préjudice moral ; que M. C...relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions indemnitaires :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont (...) occupés par (...) des fonctionnaires régis par le présent titre (...) " ; qu'aux termes de l'article 16 de la même loi : " Les fonctionnaires sont recrutés par concours sauf dérogation prévue par la loi. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984 : " Les emplois permanents de l'Etat et des établissements publics de l'Etat énumérés ci-après ne sont pas soumis à la règle énoncée à l'article 3 du titre 1er du statut général : / (...) 2° Les emplois ou catégories d'emplois de certains établissements publics figurant, en raison du caractère particulier de leurs missions, sur une liste établie par décret en Conseil d'Etat après avis du conseil supérieur de la fonction publique ; " ; que l'Agence nationale pour l'emploi, devenue Pôle emploi, est incluse dans la liste établie par le décret du 18 janvier 1984 fixant la liste des établissements de l'Etat à caractère administratif prévue au 2° de l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984 ; qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Chaque concours donne lieu à l'établissement d'une liste classant par ordre de mérite les candidats déclarés aptes par le jury. / Ce jury établit, dans le même ordre, une liste complémentaire afin de permettre le remplacement des candidats inscrits sur la liste principale qui ne peuvent pas être nommés ou, éventuellement, de pourvoir des vacances d'emplois survenant dans l'intervalle de deux concours. (...) Les nominations sont prononcées dans l'ordre d'inscription sur la liste principale, puis dans l'ordre d'inscription sur la liste complémentaire. (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions législatives et réglementaires que les agents permanents de Pôle emploi, recrutés par des contrats de droit public à durée indéterminée et dénommés par l'article 1er du décret du 31 décembre 2003 "agents statutaires", n'ont pas la qualité de fonctionnaire et qu'ils ne sont, par suite, pas soumis au principe du recrutement par concours posé par l'article 16 de la loi du 13 juillet 1983 ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 20 de la loi du 11 janvier 1984, qui imposent pour chaque concours dans la fonction publique d'Etat, l'établissement d'une liste principale et d'une liste complémentaire classant par ordre de mérite les candidats déclarés aptes par le jury, en précisant que les nominations doivent intervenir dans le respect de cet ordre, ne sont pas applicables aux agents recrutés par Pôle emploi ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 10 du décret du 31 décembre 2003 susvisé, dans sa version en vigueur à la date de la mise en oeuvre de la sélection externe pour la session de septembre 2007 : " I. - La nature des épreuves de sélection et celle des épreuves d'évaluation des compétences et acquis professionnels prévues aux articles 6 à 9, les conditions et règles d'organisation générale de ces épreuves, la composition du jury, ainsi que la répartition des emplois à pourvoir selon les modalités de recrutement sont fixées par décision du directeur général. / (...) Une décision du directeur général autorise l'ouverture des recrutements externes déconcentrés dans les niveaux d'emplois I à IV A. Elle précise le nombre de postes offerts par niveau et par filière, ainsi que leur répartition entre les délégations régionales, les délégations départementales dans les départements d'outre-mer et la direction du siège. / II. - A l'issue des épreuves, le jury établit par ordre alphabétique la liste des candidats jugés aptes à l'exercice des fonctions. Une liste complémentaire est établie, destinée à permettre jusqu'au prochain recrutement et au maximum pour une durée de deux ans, le remplacement des candidats inscrits sur la liste principale qui ne peuvent pas être recrutés, ou éventuellement, à pourvoir à des vacances dans l'intervalle de deux recrutements. (...) " ;
5. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à Pôle emploi de procéder aux nominations des candidats admis sur la liste complémentaire en respectant l'ordre alphabétique selon lequel cette liste, comme la liste principale, a été établie ; que, s'il résulte de l'instruction que des postes ayant été déclarés vacants entre 2007 et 2009 ont ainsi été pourvus par des personnes dont les noms venaient après celui de M. C... sur la liste complémentaire, le classement de ce dernier en dixième position sur cette liste, exclusivement lié à son nom de famille, ne lui donnait pas vocation à être nommé sur un poste vacant avant un candidat classé après lui ; que, s'il soutient que Pôle emploi aurait dû, si aucun critère d'attribution des postes vacants n'existait, respecter, comme pour la liste principale, l'ordre alphabétique, ou, si de tels critères existaient, les énoncer et en informer les candidats, il est constant que la décision du 31 mai 2007 portant autorisation d'ouverture et règlement de la sélection externe de conseiller pour la session de septembre 2007 en Rhône-Alpes fixait la nature des épreuves et précisait quelles étaient, pour chaque épreuve, les qualités et aptitudes attendues des candidats ; qu'il suit de là que M. C...n'est pas fondé à soutenir que Pôle emploi aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en s'abstenant de le solliciter pour pourvoir l'un des postes déclarés vacants ou en s'abstenant de l'informer des critères de sélection ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par Pôle emploi, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que le requérant demande au bénéfice de son avocat au titre des frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de Pôle emploi qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...la somme que Pôle emploi demande au même titre ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Pôle emploi tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et à Pôle emploi.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
Mme Dèche, premier conseiller ;
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 février 2016.
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N° 14LY00907
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