Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 8 août 2014, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 5 juin 2014 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.
Il soutient que :
- les éléments matériels sur lesquels sont fondées les décisions des 28 mai et 11 septembre 2013 ont été régulièrement constatés par les agents habilités à procéder à de tels contrôles ;
- en principe, les contrôles sur place des règles relatives à l'identification et à l'enregistrement des bovins sont réalisés de manière inopinée, y compris lorsque le contrôle sur place porte sur la conditionnalité ; ainsi, l'autorité administrative n'est pas tenue de respecter un délai de préavis de quarante-huit heures ;
- contrairement à ce que soutient M.E..., il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les contrôles effectués en 2007 auraient révélé les mêmes manquements que ceux constatés lors des contrôles réalisés les 17 août et 3 septembre 2012 ; en tout état de cause, aucun droit n'a été créé au profit de l'administré et l'administration était tenue d'appliquer les sanctions prévues par la réglementation européenne ;
- les mouvements d'animaux constatés lors des opérations de contrôle n'ont pas été notifiés par M. E...dans le délai de sept jours ; ils concernaient plus de 50 % des animaux présents, ce qui constitue une anomalie présumée intentionnelle ; la régulation du mouvement des bovins postérieurement aux contrôles est sans incidence sur la légalité de la décision de réduction.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2014, M. C...E..., représenté par Me B...conclut au rejet du recours et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- lors des opérations de contrôles, les deux agents n'ont pas justifié de leur appartenance à l'Agence de services et de paiement et donc de leur habilitation à effectuer le contrôle ;
- les contrôles des exploitations devaient être nécessairement précédés d'un préavis d'au moins quarante-huit heures qui n'a pas été respecté en l'espèce ;
- à l'issue du contrôle effectué en 2007, l'administration lui a reconnu le droit de conduire ses exploitations en mélangeant ses troupeaux, sans pénalisation sur les aides octroyées ; ce droit ne pouvait pas être retiré au-delà d'un délai de quatre mois ;
- sa situation ne nécessitait pas de notification de mouvement dès lors que tous les animaux contrôlés lui appartenaient que ce soit en son nom propre ou au nom de la Sarl Centre Auvergne Bétail ; de plus, sa situation était régularisable.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 1082/2003 de la Commission du 23 juin 2003 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contrôles minimaux à effectuer dans le cadre du système d'identification et d'enregistrement des bovins ;
- le règlement (CE) n° 1122/2009 de la Commission du 30 novembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement n° 73-2009 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d'application du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d'aide prévu pour le secteur vitivinicole ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté du 9 mai 2006 abrogeant l'arrêté du 3 septembre 1998 modifié relatif aux modalités de réalisation de l'identification du cheptel bovin ;
- l'arrêté du 13 septembre 2012 relatif à la mise en oeuvre de la conditionnalité au titre de 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Clément, rapporteur public.
1. Considérant que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt relève appel du jugement du 5 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 28 mai 2013 par laquelle le directeur départemental des territoires de l'Allier a fixé le taux global de réduction des aides communautaires dont M. E... a bénéficié au cours de l'année 2012 au titre de la conditionnalité à 20 %, ainsi que la décision du 11 septembre 2013 par laquelle le préfet de l'Allier a rejeté le recours gracieux formé par l'intéressé ;
2. Considérant qu'aux termes du IV de l'article D. 615-52 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction alors applicable : " L'Agence de services et de paiement est désignée comme organisme spécialisé en matière de contrôle au sens de l'article 42 du règlement (CE) n° 796 / 2004 du 21 avril 2004 susmentionné pour le contrôle du respect des bonnes conditions agricoles et environnementales mentionnées à l'article D. 615-45. " ; qu'en vertu du II de l'article D. 615-53 du même code dans sa rédaction alors applicable, les agents de l'Agence de services et de paiement ont qualité pour réaliser, pour le compte de cet établissement, les contrôles mentionnés au IV de l'article D. 615-52 ;
3. Considérant qu'il ressort de pièces du dossier et notamment de la copie des cartes professionnelles de M. D...et de MmeA..., agents de l'Agence de services et de paiement, qui ont réalisé les contrôles litigieux les 17 août et 3 septembre 2012, que ces agents étaient dûment habilités pour réaliser, auprès des exploitants, tout contrôle relatif à l'application de la réglementation communautaire ou nationale correspondant aux missions de cet établissement ou aux missions qui lui sont déléguées ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les deux décisions contestées au motif que les agents chargés du contrôle ne disposaient pas à cet effet d'une habilitation régulière ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E...tant en première instance qu'en appel ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement (CE) n° 1082/2003 de la Commission du 23 juin 2003 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contrôles minimaux à effectuer dans le cadre du système d'identification et d'enregistrement des bovins : " Les contrôles sur place sont généralement effectués de manière inopinée. Un préavis limité au délai strictement nécessaire qui, en règle générale, ne doit pas dépasser quarante-huit heures, peut toutefois être donné. " ; qu'aux termes du 1 de l'article 27 du règlement (CE) n° 1122/2009 de la Commission du 30 novembre 2009 : " Les contrôles sur place peuvent être précédés d'un préavis, pour autant que cela ne nuise pas à leur objectif. Le préavis est strictement limité à la durée minimale nécessaire et ne peut dépasser quatorze jours. En ce qui concerne, toutefois, les contrôles sur place relatifs aux demandes d'aides "animaux", le préavis ne peut dépasser quarante-huit heures, sauf dans des cas dûment justifiés. En outre, lorsque la législation applicables aux actes et aux normes ayant une incidence sur la conditionnalité impose que les contrôles sur place soient effectués de façon inopinée, cette règle s'applique aussi aux contrôles sur place portant sur la conditionnalité. " ;
6. Considérant, qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que les contrôles sur place du respect des conditions d'octroi des aides agricoles relevant de la politique agricole commune de l'Union européenne sont, en principe, réalisés de manière inopinée, sans qu'un préavis soit obligatoirement notifié à l'exploitant agricole concerné ; que par suite, M. E... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que les décisions en litige seraient entachées d'un vice de procédure faute pour l'administration d'avoir respecté un délai de préavis de quarante-huit heures
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les contrôles réalisés sur l'exploitation de M. E...et sur celle de la Sarl Centre bétail Auvergne, ont donné lieu respectivement à des procès-verbaux datés du 17 août 2012 et du 3 septembre 2012 ; que ces procès-verbaux sont signés par les agents qui ont effectué les opérations de contrôle ; que, dans ces conditions, ils pouvaient régulièrement permettre d'établir les faits reprochés ;
8. Considérant, en troisième lieu, que M. E...se prévaut du fait qu'en 2007 son exploitation, ainsi que celle de la Sarl Centre bétail Auvergne dont il est le gérant, ont fait l'objet de contrôles identiques, qui n'ont donné lieu à aucune sanction particulière alors que les troupeaux des deux exploitations étaient mélangés, sans que ces mouvements aient fait l'objet d'une notification à l'administration ; qu'il soutient avoir ainsi été implicitement autorisé à continuer cette pratique ; que, toutefois, l'absence de sanction d'une telle pratique, au demeurant non établie par les pièces du dossier, ne saurait être regardée comme ayant créé des droits acquis au profit de l'intéressé dont il puisse utilement se prévaloir à l'encontre des nouveaux contrôles opérés au titre la campagne 2012 ; que, par suite, M. E...n'est pas fondé à soutenir qu'en prenant les décisions en litige, l'administration aurait illégalement retiré un acte créateur de droits à son profit au-delà d'un délai de quatre mois ;
9. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que, d'une part, aux termes de l'article 21 de l'arrêté du 9 mai 2006 susvisé alors en vigueur : " Tout détenteur, (...) de bovins est tenu de notifier : / 1. (...) - tous les déplacements à destination et en provenance de l'exploitation ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 36 de ce même arrêté, alors en vigueur : " Lors de l'entrée d'un animal sur son exploitation, le détenteur doit : / - s'assurer de la conformité de l'identification de l'animal (marques auriculaires agréées et conformes à la réglementation) ; / s'assurer que le numéro national d'identification ainsi que les autres informations figurant sur le passeport correspondent à cet animal ; / - signaler au maître d'oeuvre de l'identification toute différence d'âge, de sexe et de type racial entre les caractéristiques de l'animal et les informations présentes sur le passeport ; / - enregistrer sur le support de notification les informations suivantes : / - le numéro national d'identification ; / - le numéro de travail ; / - la date d'entrée ; - la cause d'entrée ; / - le nom et l'adresse du détenteur précédent - hors transporteur - ou son numéro d'exploitation ; / - notifier ces informations, conformément aux dispositions prévues au présent chapitre IV du présent arrêté, dans les sept jours qui suivent l'entrée de l'animal dans l'exploitation ; (...) " et qu'aux termes de l'article 38 de cet arrêté, alors en vigueur : " Sans préjudice des dispositions prévues aux articles 32 et 33 du présent arrêté, lors de la sortie d'un animal de son exploitation, le détenteur doit : / - s'assurer de la présence des deux marques auriculaires agréées sur l'animal ; / - s'assurer que le passeport est rempli correctement ; / - s'assurer que le bovin est accompagné de son passeport ; / - enregistrer les informations correspondant au bovin sur le support de notification en mentionnant au minimum : / - le numéro national d'identification ; / - le numéro de travail ; / - la date de sortie ; / - la cause de sortie ; / - le nom et l'adresse du détenteur suivant - hors transporteur - ou son numéro d'exploitation. (...) / - notifier ces informations, conformément aux dispositions prévues au présent chapitre IV du présent arrêté, dans les sept jours qui suivent la sortie de l'animal de l'exploitation ; (...) " ;
10. Considérant que, d'autre part, aux termes du troisième alinéa de l'article D. 615-59 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'un cas de non-conformité intentionnelle est constaté, le taux de réduction est fixé à 20 %. (...) Un arrêté du ministre chargé de l'agriculture précise les cas dans lesquels une non-conformité est présumée intentionnelle. " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 13 septembre 2012 susvisé, alors en vigueur : " Pour l'application du troisième alinéa de l'article D. 615-59 du code rural et de la pêche maritime, sont présumés intentionnels les cas de non-conformité mentionnés ci-après : / (...) 3° Au titre du domaine de contrôle santé-productions animales : / (...) Pour le sous-domaine identification et enregistrement des bovins : / - l'absence de notification d'un mouvement d'animaux (...) constatée le jour du contrôle alors que plus de sept jours (...) se sont écoulés depuis l'évènement pour 50 % des animaux présents et au moins trois animaux. (...) " ;
11. Considérant qu'au cours des contrôles de conditionnalité effectués au sein de l'exploitation agricole gérée par M. E...et de celle gérée par la Sarl Centre bétail Auvergne, les 17 août et 3 septembre 2012, les agents de l'Agence de services et de paiement ont constaté que soixante-deux animaux détenus par la Sarl Centre bétail Auvergne étaient présents sur l'exploitation de M. E...et que dix-huit bovins détenus par ce dernier étaient présents sur l'exploitation de la Sarl Centre bétail Auvergne ; qu'il est constant que ces mouvements n'ont pas été notifiés à l'administration dans un délai de sept jours, en méconnaissance des articles 21, 32 et 38 précités de l'arrêté du 9 mai 2006 ; que cette absence de notification portant sur plus de 50 % des animaux présents, une telle anomalie est présumée intentionnelle au sens des dispositions précitées de l'article 3 de l'arrêté du 13 septembre 2012 ; qu'en se bornant à évoquer le fait que sa pratique de mélanger les cheptels des deux exploitations était connue de l'administration et qu'elle n'aurait aucune incidence sanitaire ou comptable, M. E...ne renverse pas cette présomption ; que, dès lors, nonobstant la régularisation a posteriori de cette anomalie, le préfet de l'Allier était fondé à imputer un taux de diminution de 20 % sur le montant des aides directes versées à M. E... au titre de la campagne 2012 ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 28 mai 2013 par laquelle le directeur départemental des territoires de l'Allier a fixé le taux global de réduction des aides communautaires dont M. E...a bénéficié au cours de l'année 2012 au titre de la conditionnalité à 20 % et la décision du 11 septembre 2013 par laquelle le préfet de l'Allier a rejeté le recours gracieux formé par l'intéressé ;
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. E...demande sur leur fondement au titre de ses frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 5 juin 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et à M. C...E....
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 février 2016.
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N° 14LY02570