Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 2 mai 2018 et un mémoire non communiqué, enregistré le 26 avril 2019, M. B...D...et Mme E...D..., représentés par Me Petit, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 janvier 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du 10 novembre 2017 du préfet du Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à leur conseil d'une somme de
1 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le premier juge a irrégulièrement fait application de la procédure de dispense d'instruction prévue par l'article R. 611-8 du code de justice administrative alors qu'un moyen a été soulevé d'office et que la solution de l'affaire ne pouvait être regardée comme d'ores et déjà certaine ;
-il ne pouvait sans méconnaître les dispositions législatives et réglementaires dispenser l'affaire d'instruction qui concernait une obligation de quitter le territoire prise en application du I bis de l'article L. 512- 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le premier juge s'est mépris sur l'étendue du litige en estimant que les décisions contestées ne constituent pas des refus de séjour, dès lors que le préfet a examiné d'office ce droit au séjour ;
- les décisions en litige sont insuffisamment motivées ;
- les refus de séjour sont insuffisamment motivés et entachés d'absence d'examen complet et particulier de leur situation ;
- ils portent une atteinte disproportionnée à leur vie privée et familiale ;
- ils méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont illégales en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elles sont insuffisamment motivées et entachées d'absence d'examen complet et particulier de leur situation ;
- elles méconnaissent le principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu dès lors qu'ils n'ont pu faire valoir les éléments de leur vie privée et familiale avant les décisions en litige ;
- les décisions fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité des refus de séjour et des décisions portant obligation de quitter le territoire français ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison des risques qu'ils encourent en cas de retour dans leurs pays d'origine.
M. et Mme D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Virginie Chevalier-Aubert, rapporteur,
- et les observations de Me A...substituant Me Petit, avocat représentant M. et Mme D... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et MmeD..., de nationalité albanaise, relèvent appel du jugement du 22 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 10 novembre 2017.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, l'article R. 776-1 du code de justice administrative applicable à l'ensemble des obligations de quitter le territoire français : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : / 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévues au I de l'article L. 511-1 ".L'article R. 776-13-2 de ce code applicable en cas d'obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement notamment du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " La présentation, l'instruction et le jugement des recours obéissent, sans préjudice de la section 1, aux règles définies au premier alinéa de l'article R. 776-13, aux articles R. 776-15, R. 776-18, R. 776-20-1, R. 776-22 à R. 776-26, aux deuxième et quatrième alinéas de l'article R. 776-27 et à l'article R. 776-28 ". Aux termes de l'article R. 776-15 du code de justice administrative : " Les jugements sont rendus, sans conclusions du rapporteur public, par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cet effet. / Les attributions dévolues par les dispositions réglementaires du présent code à la formation de jugement ou à son président sont exercées par ce magistrat. (...) ". Au nombre de ces attributions, figurent la faculté de dispenser une requête d'instruction prévue par les dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative. Dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier motif pris de ce qu'il été décidé qu'il n'y aurait pas lieu à instruction, sur sa demande d'annulation portant sur l'obligation de quitter le territoire prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
3. En deuxième lieu, eu égard au contenu des demandes qui lui étaient soumises, le président du tribunal administratif de Lyon a régulièrement usé des pouvoirs que lui confère l'article R. 611-8 du code précité en estimant que la solution du litige dont il était saisi était d'ores et déjà certaine et qu'il y avait lieu de statuer sans instruction sur ces demandes.
4. En troisième lieu, l'article R. 611-7 du code de justice administrative exclut expressément, dans le cas mentionné à l'article R. 611-8 du même code, l'application de la règle, qu'il institue, selon laquelle " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ". Il suit de là que le moyen tiré de ce qu'il ne pouvait être fait usage de l'article R. 611-8 précité au motif que la décision était fondée sur un moyen soulevé d'office, doit, en tout état de cause, être écarté.
Sur l'étendue du litige :
5. Bien qu'elles mentionnent que M. et Mme D...n'entrent " dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ", les décisions en litige ont pour seul objet d'obliger les requérants à quitter le territoire français à la suite du rejet de leurs demandes d'asile et ne peuvent, ainsi que l'a retenu à bon droit le premier juge, être regardées comme portant refus de délivrance de titres de séjour que M. et Mme D...n'avaient, au demeurant, pas demandés.
Sur la légalité des décisions du 10 novembre 2017 :
6. En premier lieu, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, qui énoncent les considérations de droit et les éléments de fait propres à la situation personnelle des intéressés qui en constituent le fondement, satisfont à l'obligation de motivation résultant des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration en vigueur à la date des décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
7. En deuxième lieu, compte-tenu de ce qui a été dit au point 5, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens présentés à l'appui des conclusions dirigées contre les décisions portant refus de séjour. Pour le même motif, le moyen tiré, par voie d'exception, à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de ces décisions, doit être écarté.
8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle des intéressés.
9. En quatrième lieu, par les mêmes motifs que ceux retenus par le premier juge qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter, le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne concernant le droit d'être entendu doit être écarté.
10. En cinquième lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. et Mme D...ne sont pas fondés à exciper, à l'encontre des décisions fixant le pays de destination, de l'illégalité des prétendus refus de titre de séjour et de celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
12. M. et Mme D...soutiennent qu'ils encourent le risque de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Albanie en raison des menaces dont ils font l'objet dans le cadre d'un conflit entre deux clans rivaux. Toutefois, alors qu'au demeurant, leurs demandes d'asile ont été rejetées tant par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, ils n'établissent, par les documents produits, ni le lien entre ce conflit et les violences que M. D...aurait subies, ni l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, en désignant ce pays comme pays de renvoi, le préfet du Rhône n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 10 novembre 2017. Leurs conclusions à fin d'injonction et celles qu'ils présentent au bénéfice de leur avocat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., à Mme E...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2019, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, présidente-assesseure,
Mme F...C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 4 juin 2019.
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N° 18LY01590
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