Par une requête enregistrée le 28 mars 2017 et des mémoires enregistrés le 8 juin 2017 et le 30 avril 2018, M. E..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 novembre 2016 et la décision du 8 mars 2016 par laquelle le préfet de l'Yonne a accordé au GAEC de Giverlay l'autorisation d'exploiter plusieurs parcelles d'une surface totale de 23,41 hectares sur le territoire de la commune de Champignelles ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de faire droit à sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut de réexaminer sa demande et celle du GAEC de Giverlay ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 qui sera versée à son conseil.
Il soutient que :
la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente ;
contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Dijon qui a entaché son jugement d'une erreur de droit et d'une erreur de fait, il était fondé à se prévaloir de l'ordre des priorités ;
la demande d'autorisation concurrente du GAEC Giverlay relevait de la priorité A9 alors que la sienne relevait de la priorité A8 ; à supposer que les deux demandes fissent parties de la même priorité, la priorité devait être donnée à l'exploitation dont la surface était la plus faible, c'est à dire la sienne ;
le préfet de l'Yonne et le tribunal administratif de Dijon ont commis une erreur de droit en faisant application des critères énumérés par l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime ;
le tribunal administratif de Dijon ne pouvait pas juger que la décision du préfet de l'Yonne est globalement conforme aux orientations du schéma directeur des structures agricoles dès lors que la décision du préfet n'est pas fondée sur les orientations contenues dans l'arrêté du 11 décembre 2000 révisant le schéma directeur qui ne font pas référence à l'installation récente des jeunes agriculteurs et alors, en tout état de cause, que la demande concurrente du GAEC ne portait pas sur l'installation de jeunes agriculteurs mais l'agrandissement de l'exploitation ;
la circonstance que les terres en litiges soient situées à deux kilomètres de la parcelle la plus proche de son exploitation ne donnait pas la priorité au GAEC.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2018 ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 28 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 21 décembre 2018.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 avril 2017 rectifiée le 30 mai 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;
le code rural et de la pêche maritime ;
le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,
* et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Le GAEC Giverlay a demandé l'autorisation d'exploiter plusieurs parcelles d'une surface totale de 23,41 hectares en vue de les ajouter à son exploitation de 151,39 hectares. Parallèlement, M. E... a fait part au préfet de l'Yonne de son projet d'exploiter 25,25 hectares qui viendraient s'ajouter aux 68,47 hectares de son exploitation en concurrence avec la demande du GAEC. Par un arrêté du 8 mars 2016, le préfet de l'Yonne a délivré l'autorisation d'exploiter au GAEC Giverlay. M. E... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande d'annulation dirigée contre cet arrêté.
2. Par un arrêté du 14 septembre 2015, régulièrement publié, le préfet de l'Yonne a délégué sa signature à M.C..., directeur départemental des territoires, notamment pour ce qui concerne les décisions prises dans le cadre du contrôle des structures des exploitations agricoles. Par un arrêté du 1er mars 2016, M. C...a lui même subdélégué sa signature sur cette compétence à M.B..., signataire de la décision attaquée du 8 mars 2016. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée, qui manque en fait, doit être écarté.
3. Aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors sol au sein d'une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée. / L'objectif principal du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. / Ce contrôle a aussi pour objectifs de : / 1° Consolider ou maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre ou de conserver une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles ; (...) ". L'article L. 331-3 du même code applicable au schéma départemental des structures agricoles applicable à la date de la décision attaquée dispose : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que le préfet, saisi d'une demande d'autorisation d'exploiter, est tenu de rejeter cette demande lorsqu'un autre agriculteur, prioritaire au regard des dispositions du schéma directeur départemental des structures agricoles, soit a également présenté une demande d'autorisation portant sur les mêmes terres, soit, si l'opération qu'il envisage n'est pas soumise à autorisation, a informé la commission départementale des structures agricoles et l'administration de son souhait de les exploiter en établissant la réalité et le sérieux de son projet. Il appartient dès lors au préfet, saisi d'une demande d'autorisation alors qu'un autre agriculteur a informé la commission départementale des structures agricoles et l'administration de son souhait d'exploiter les terres faisant l'objet de cette demande et établi le sérieux de son projet, de vérifier si cet autre agriculteur est prioritaire au regard des dispositions du schéma départemental des structures agricoles.
5. Compte tenu de la surface exploitée par M. E... et de celle de son projet, ce dernier pouvait, au regard de la réglementation applicable à l'espèce qui fixe le seuil de contrôle des structures, en l'espèce à 105 hectares, entreprendre l'exploitation des terrains en cause, sous réserve d'obtenir de leur propriétaire le bail nécessaire, sans autorisation du préfet de l'Yonne. M. E... ayant toutefois fait part au préfet de l'Yonne de son projet et ce dernier étant informé de ce que ce projet entrait en concurrence avec la demande d'autorisation formée par le GAEC Giverlay, le préfet devait prendre en considération les deux projets avant d'accorder ou de refuser l'autorisation sollicitée.
6. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que le projet de M. E... n'est pas susceptible d'aboutir à la conclusion d'un bail, dès lors que les membres du GAEC Giverlay, propriétaires de parcelles en cause, ont déclaré y être opposés. Le projet de M. E... ne peut dès lors être considéré comme sérieux. Il n'est pas non plus sérieusement contesté que la mise en oeuvre du projet de M. E... aboutirait à priver le GAEC Giverlay d'un bâtiment déterminant pour l'équilibre et la viabilité économique de l'exploitation, en contradiction avec l'objectif du contrôle des structures défini par l'article L. 331-1 précité de consolider ou maintenir les exploitations afin de leur permettre d'atteindre ou de conserver une dimension économique viable. Il s'ensuit que le M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Yonne ne pouvait délivrer l'autorisation litigieuse au motif que sa candidature, quoique non soumise à autorisation, revêtait un caractère prioritaire.
7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, soit condamné au paiement des frais du litige.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie en sera délivrée au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, présidente assesseure,
M. Pierre Thierry premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 avril 2019.
5
N° 17LY01326