Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2016, l'EARL Domaine Guigal et Fils, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 octobre 2016 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de rejeter le demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- Mme C... n'a pas intérêt à contester l'autorisation d'exploiter qui lui a été accordée le 11 octobre 2013, dès lors que son projet d'installation ne nécessitait pas d'autorisation d'exploiter ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la décision préfectorale en litige du 11 octobre 2013 était insuffisamment motivée, dès lors qu'elle est suffisamment motivée au regard des critères énumérées au II de l'article L. 331-6 du code rural et de la pêche maritime ;
- les autres moyens de légalité présentés par Mme C... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2017, Mme C..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'EARL Domaine Guigal et Fils au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir :
- que sa demande de première instance est recevable, dès lors qu'elle a intérêt à contester l'autorisation accordée le 11 octobre 2013 à l'EARL Domaine Guigal et Fils pour l'exploitation de parcelles sur lesquelles elle entendait s'installer ;
- que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2017, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut à l'annulation du jugement n° 1402163 du 13 octobre 2016 du tribunal administratif de Grenoble et au rejet de la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Grenoble.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- les observations de Me F..., substituant MeA..., représentant MmeC... ;
1. Considérant que l'EARL Domaine Guigal et Fils relève appel du jugement du 13 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de Mme C..., annulé la décision du 11 octobre 2013 du préfet de la Drôme l'autorisant à exploiter 1 hectare 77 ares de terres sises sur le territoire de la commune de Crozes-Hermitage et la décision du 3 février 2014 du même préfet rejetant le recours gracieux de Mme C... dirigé contre cette décision ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige du 11 octobre 2013 : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : / 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; / (...) " ; que selon le premier alinéa du II de l'article R. 331-6 du même code dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige du 11 octobre 2013 : " La décision d'autorisation ou de refus d'exploiter prise par le préfet doit être motivée au regard des critères énumérés à l'article L. 331-3. " ;
3. Considérant que si le préfet doit, en vertu de ces dispositions, motiver sa décision, il ne saurait être tenu de se prononcer expressément sur chacun des critères dont les dispositions du premier alinéa de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime prescrivent de tenir compte ; que la décision préfectorale contestée du 11 octobre 2013, après avoir cité les textes applicables, précise notamment " que la demande de l'EARL Domaine Guigal et Fils ne s'inscrit dans aucune des priorités définies par le schéma des structures, eu égard à la superficie pondérée de son exploitation et à l'éloignement des biens sollicités par rapport au siège de son exploitation " et " que les éléments fournis par Mme B... C...ne permettent pas de définir le contour de son projet ni d'appréhender précisément l'assise foncière de son exploitation, que de surcroît l'étude économique n'est pas conforme aux références départementales et qu'aucune démarche n'a été confirmée dans le cadre du parcours à l'installation, qu'en conséquence, sa candidature ne relève d'aucune des priorités au regard de celles définies par le schéma des structures ", pour conclure à " l'absence de candidature prioritaire " ; qu'ainsi, le préfet de la Drôme a suffisamment motivé sa décision au regard du critère fixé au 1° du premier alinéa de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif, pour annuler la décision préfectorale du 11 octobre 2013, s'est fondé sur l'insuffisance de sa motivation ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier d'appel, et notamment de celles produites par le ministre, que, par arrêté du 30 septembre 2013 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Drôme d'octobre 2013, le préfet la Drôme a donné à M. G... E..., directeur départemental des territoires de la Drôme, délégation de signature pour les actes et les documents administratifs rentrant dans la compétence de la direction départementale des territoires, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives aux demandes d'autorisation d'exploiter, et a donné cette délégation de signature à M. G... H..., directeur départemental des territoires adjoint et signataire de la décision litigieuse du 11 octobre 2013, en cas de suppléance ou d'intérim de M. E... ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté ;
6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du B de l'article 2 du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Drôme approuvé par arrêté préfectoral du 12 septembre 2008 : " B/ Les priorités de la politique d'aménagement des structures d'exploitation en fonction de ces orientations / B-1 L'installation : / 1° - réinstallation complète d'un agriculteur à titre exclusif pi à défaut à titre principal exproprié ou évincé suite à une repris depuis moins de cinq ans, sur une superficie comparable à celle qu'il mettait en valeur. / 2° - installation d'un agriculteur à titre principal ou secondaire obtenant les aides à l'installation, répondant ainsi à la réalisation d'un· plan de développement d'exploitation, aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle, d'âge et de réalisation de stage 6 mois. / 3° - installation d'un agriculteur à titre principal, n'ayant pas atteint l'âge de 50 ans, qui ne bénéficie pas des aides à l'installation, mais répondant aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle reconnue et justifiant d'un projet d'installation viable au-travers d'une étude économique (cf. modèle en annexe). / 4° - installation d'un agriculteur à titre principal, n'ayant pas atteint l'âge de 50 ans, sans les aides à l'installation, et justifiant d'un projet d'installation viable au travers d'une étude économique (cf. modèle en annexe), avec prise en compte du parcours professionnel (diplômes, expérience professionnelle). / (...) / B2 Confortation : / (...) / B-3 Agrandissement : / (...) " ;
7. Considérant que Mme C... soutient à l'encontre de la décision en litige du 11 octobre 2013 que le préfet ne pouvait légalement lui opposer la non-conformité aux références départementales de l'étude économique de sa demande ; qu'elle indique que cette étude détaillée, qui comporte un budget prévisionnel sur cinq années, démontre suffisamment la viabilité économique de son projet d'installation et que ce dernier est, au regard du schéma directeur départemental des structures agricoles, prioritaire par rapport à la demande d'autorisation d'exploiter de l'EARL Domaine Guigal et Fils ; que, toutefois, il est constant que Mme C... n'a pas obtenu les aides à l'installation ; qu'il ressort de son dossier de demande d'autorisation d'exploiter, produit en appel par le ministre, qu'elle exerce une activité rémunérée de conseiller financier et qu'ainsi, son installation en qualité d'agriculteur revêt un caractère secondaire au sens des dispositions précitées du B de l'article 2 du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Drôme ; que, dans ces conditions, son projet d'installation ne relève d'aucune des priorités mentionnées au B-1 du B du même article et relatives à l'installation ; que, dès lors, le motif de la décision litigieuse du 11 octobre 2013 tiré de ce que la candidature de Mme C... " ne relève d'aucune des priorités au regard de celles définies par le schéma des structures " n'est entaché ni d'erreur de droit, ni d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation ; que, par suite, le moyen susmentionné doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'EARL Domaine Guigal et Fils à la demande de première instance de Mme C..., que ladite EARL est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 11 octobre 2013 du préfet de la Drôme l'autorisant à exploiter 1 hectare 77 ares de terres sises sur le territoire de la commune de Crozes-Hermitage et la décision du 3 février 2014 du même préfet rejetant le recours gracieux de Mme C... dirigé contre cette décision ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme que l'EARL Domaine Guigal et Fils demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par Mme C... soit mise à la charge de l'EARL Domaine Guigal et Fils, qui n'est pas la partie perdante ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1402163 du 13 octobre 2016 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'EARL Domaine Guigal et Fils et les conclusions de Mme C... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'exploitation agricole à responsabilité limitée Domaine Guigal et Fils, à Mme B... C...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,
Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 octobre 2018.
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N° 16LY04048
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