Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 mars 2017 et le 18 janvier 2018, Mme A..., représentée par Me Petit, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 décembre 2016 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 2 juin 2016 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'au réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'État, à payer à son conseil, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'État à sa mission d'aide juridictionnelle.
Mme A... soutient que :
- en refusant de lui renouveler son titre de séjour au motif que son traitement était disponible au Kosovo, le préfet a méconnu l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache au jugement d'annulation du tribunal administratif de Lyon du 26 juin 2014 ; le tribunal a fait de même en ne faisant pas droit à ce moyen ;
- le refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivé au regard de la pathologie dont elle souffrait et dont le préfet avait connaissance ;
- le refus de titre de séjour n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où le traitement n'est pas disponible au Kosovo et que le caractère post traumatique des troubles dont elle est atteinte fait obstacle à un retour au Kosovo ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant le titre de séjour et de l'illégalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le préfet du Rhône a produit des pièces le 7 juin 2018.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 février 2017.
Par une ordonnance du 18 juin 2018 la clôture d'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application de articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère,
- les observations de Me Meynier, avocat, substituant Me Petit, pour Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., née le 20 février 1975, de nationalité kosovare, déclare être entrée irrégulièrement en France le 23 novembre 2010. Elle a présenté une demande d'asile qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile le 26 avril 2011 et le 7 février 2012. Sa demande de réexamen a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile par décisions du 19 novembre 2012 et du 27 août 2013. Dans le même temps, le préfet du Rhône a refusé le 15 octobre 2012 de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Il a refusé de nouveau de lui délivrer un tel titre par décision du 27 janvier 2014 et a assorti ce dernier refus d'une obligation de quitter le territoire français. Par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 avril 2014, ces décisions du 15 octobre 2012 et du 27 janvier 2014 ont été annulées. En exécution du jugement, Mme A... a obtenu un titre de séjour valable du 26 juin 2014 jusqu'au 25 juin 2015. Par décision du 2 juin 2016, le préfet du Rhône a refusé de renouveler ce titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français. Mme A... relève appel du jugement en date du 29 décembre 2016, par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 2 juin 2016.
Sur le refus de séjour :
2. La requérante fait valoir que le préfet du Rhône, en prenant la décision de refus de titre de séjour du 2 juin 2016, a méconnu l'autorité absolue de la chose jugée par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 juin 2014 qui a annulé les refus de titre de séjour en qualité d'étranger malade qui lui avaient été opposés au motif que le traitement approprié à son état de santé n'était pas disponible au Kosovo. Toutefois, à la suite de l'annulation de ces refus de titre de séjour par le tribunal administratif de Lyon, le préfet du Rhône a délivré à Mme A... un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Saisi d'une nouvelle demande tendant au renouvellement de son titre de séjour, le préfet du Rhône pouvait, compte tenu du délai écoulé, et de l'évolution de la situation de droit et de fait de Mme A..., refuser de lui renouveler son titre de séjour en qualité d'étranger malade au motif que les soins qu'elle nécessitait étaient disponibles dans son pays d'origine, sans méconnaitre l'autorité absolue de la chose jugée s'attachant à ce précédent jugement qui concernait un litige distinct. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône aurait méconnu l'autorité absolue de la chose jugée par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 juin 2014 doit être écarté.
3. Mme A... reprend en appel les moyens tirés de ce que la décision du préfet serait insuffisamment motivée et que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, moyens auxquels le tribunal a suffisamment répondu. Il y a lieu, par adoption des motifs des premiers juges, d'écarter ces moyens.
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, (...) ".
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé conforme à ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à faire obstacle à son éloignement. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un certificat médical du psychiatre qui la suit depuis juin 2012, que Mme A... présente des " troubles anxyo dépressifs sévères, compliquant un stress post traumatique " et qu'elle est traitée par psychothérapie et un traitement associant les médicaments EFFEXOR (psychotrope), LEXOMIL (sédatif hypnotique anxiolytique), LAROXYL (antidépresseur pour épisodes dépressifs majeurs), TERCIAN (neuroleptique), IMOVANE (hypnotique) et DOLIPRANE. Par avis du 1er juillet 2015, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que Mme A...nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que le traitement n'existe pas dans son pays d'origine et que les soins doivent être poursuivis pendant deux ans.
7. Pour s'écarter de l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé, le préfet du Rhône a estimé que les soins nécessités par l'état de santé de Mme A... étaient disponibles au Kosovo, en se fondant sur différents rapports datant des années 2008, 2009, 2010 et 2011 faisant état des capacités du système de soins kosovar à traiter les troubles anxyo dépressifs et les stress post traumatiques. Il a en outre produit en appel différents documents datant du début de l'année 2016 attestant que des traitements équivalents aux traitements pris par Mme A... sont disponibles au Kosovo. Si Mme A... a produit différentes attestations de pharmaciens kosovars faisant état de ce que les traitements nécessités par l'état de santé de l'intéressée ne sont pas distribués au Kosovo, ces attestations mentionnent que ces produits ne sont pas distribués sous les dénominations qui ont été prescrites à l'intéressée, ce qui ne démontre pas qu'un traitement équivalent ne serait pas disponible, ainsi que l'a établi le préfet. Par suite, le préfet a pu, sans méconnaître les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser de renouveler le titre de séjour de Mme A....
8. Mme A... reprend en appel les moyens tirés de ce que la décision du préfet méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle, moyens auxquels le tribunal a suffisamment répondu. Les nouvelles attestations produites par la requérante en appel au soutien de ces moyens, qui confirment des attestations qui avaient déjà été produites en première instance, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation qui avait été portée par les premiers juges sur les faits. Il y a lieu, par adoption des motifs des premiers juges, d'écarter ces moyens.
Sur les autres décisions :
9. Mme A... reprend en appel les moyens tirés, d'une part, de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour, méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et, d'autre part, de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant le titre de séjour et de l'illégalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire et méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, moyens auxquels le tribunal a suffisamment répondu. Il y a lieu, par adoption des motifs des premiers juges, d'écarter ces moyens.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Fisher-Hirtz, présidente de chambre,
M. Souteyrand, président assesseur,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 11 octobre 2018.
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N° 17LY01106