Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 8 mars 2017, Mme C..., représentée par Me B... (A...B...et Associés), avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 5 janvier 2017 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de la Chartreuse à lui verser une somme globale de 32 500 euros en réparation de ses préjudices ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Chartreuse une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la modification de son contrat de travail n'est pas justifiée par l'intérêt du service ; elle ne pouvait refuser de signer son nouveau contrat en raison de sa situation précaire ; le comportement fautif du centre hospitalier de la Chartreuse est à l'origine d'un préjudice qui sera réparé par sa condamnation à lui verser une somme de 140 euros ;
- la décision de non-renouvellement de son contrat n'a pas été prise pour des motifs tenant à l'intérêt du service ;
- le non-renouvellement de son contrat procède d'un détournement de pouvoir, dès lors que c'est seulement pour faire échec à la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée, dont elle remplissait les conditions, qu'il y a été mis un terme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2017, le centre hospitalier de la Chartreuse, représenté par Me D... (A...du Parc-Curtil et Associés), avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme C... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 2011-660 du 14 juin 2011 portant statuts particuliers des personnels administratifs de la catégorie B de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Dandon, avocat, pour le centre hospitalier de la Chartreuse ;
1. Considérant que Mme C... a été recrutée en qualité de secrétaire médicale de classe normale par le centre hospitalier de la Chartreuse le 21 juillet 2010 par un contrat à durée déterminée qui a fait l'objet de plusieurs renouvellements successifs ; qu'en application des dispositions du décret du 14 juin 2011 susvisé, elle a été reclassée au 2ème échelon du grade d'assistant médico-administratif par décision du 15 juillet 2011 ; que, par courrier du 20 mars 2014, le centre hospitalier a informé Mme C... qu'un fonctionnaire titulaire allait être nommé sur son poste et de sa décision de ne pas renouveler son contrat de travail à compter du 4 mai 2014 ; que, le 30 juin 2015, Mme C... a adressé au centre hospitalier de la Chartreuse une demande préalable indemnitaire afin d'obtenir réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait, d'une part, de son déclassement professionnel, à compter d'août 2013, et, d'autre part, du non-renouvellement de son contrat à compter du 4 mai 2014 ; que cette demande a été rejetée par le centre hospitalier par courrier du 28 août 2015 ; que Mme C... relève appel du jugement du 5 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier soit condamné à lui verser une indemnité d'un montant total de 32 500 euros en réparation de ses préjudices ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier de la Chartreuse :
2. Considérant qu'un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses, si l'administration envisage de procéder à son renouvellement ; que, toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service ;
En ce qui concerne le déclassement professionnel :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'entrée en vigueur du décret statutaire du 14 juin 2011 susvisé, le centre hospitalier de la Chartreuse a, en mai 2013, organisé des " tests d'aptitude ", à la suite desquels il a, le 29 juillet 2013, proposé à Mme C..., au vu de ses résultats, un contrat de travail en qualité d'adjoint administratif hospitalier de 2ème classe ; qu'il résulte de l'instruction que cet emploi ne correspondait pas à un emploi de catégorie B, comme l'étaient ceux de secrétaire médicale et d'assistante médico-administrative qu'avaient occupés Mme C... précédemment, mais à un emploi de catégorie C ; que l'intéressée soutient que ce contrat moins favorable ne s'est pourtant accompagné d'aucune modification de ses fonctions et qu'elle a continué à occuper le même poste jusqu'au 30 mars 2014, date d'échéance de son dernier contrat ; que, toutefois, il est constant qu'elle a signé ce nouveau contrat, dont elle n'a critiqué les clauses que par sa demande indemnitaire préalable du 30 juin 2015, soit plus de deux ans plus tard, et dont elle n'allègue ni ne démontre qu'il serait entaché d'un vice de consentement ; que, dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier de la Chartreuse a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et à demander qu'il soit condamné à lui verser une indemnité en réparation du préjudice né de la diminution de sa rémunération à compter du 19 août 2013 ;
En ce qui concerne le non-renouvellement du contrat :
4. Considérant que le centre hospitalier de la Chartreuse justifie sa décision de non-renouvellement du contrat de travail de Mme C... par le fait que ses compétences seraient insuffisantes pour occuper le poste d'assistante médico-administrative et qu'il a procédé au recrutement d'un agent en contrat à durée déterminée ayant passé avec succès les tests d'aptitude à l'exercice de ces fonctions ; que, toutefois, il ne verse aux débats aucune pièce permettant d'établir qu'un autre agent contractuel a été recruté sur le poste de Mme C... ni, a fortiori, que cet agent aurait réussi les tests d'aptitude ; qu'il n'est pas davantage établi par le centre hospitalier que Mme C... n'aurait pas réussi les tests d'aptitude aux fonctions d'assistante médico-administrative organisés le 31 mai 2013, ni qu'elle ne justifierait pas des compétences requises pour exercer ces fonctions, alors qu'elle occupe son poste depuis 2010, que ses fonctions n'ont pas changé à la suite du décret statutaire du 14 juin 2011 susvisé et qu'elle produit de nombreuses attestations démontrant qu'elle les exerçait avec compétence ; qu'il suit de là que Mme C... est fondée à soutenir que la décision du centre hospitalier de ne pas renouveler son contrat n'est pas justifiée par un motif tiré de l'intérêt du service ; que cette faute est de nature à engager la responsabilité de ce dernier ;
Sur l'évaluation des préjudices :
5. Considérant, en premier lieu, que le non-renouvellement du contrat de Mme C... étant intervenu au terme de celui-ci, il ne saurait être regardé comme un licenciement ; que, par suite, elle n'est pas fondée à demander le versement d'une indemnité de licenciement d'un montant de 2 360 euros ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que, si Mme C... soutient que le non-renouvellement fautif de son contrat de travail lui a fait perdre une chance sérieuse d'obtenir un contrat à durée indéterminée, la réalité de ce préjudice n'est pas établie, alors que Mme C... a été employée par le centre hospitalier de La Chartreuse par un contrat de droit public du 21 juillet 2010 au 4 mai 2014, soit une période de services effectifs de trois ans et neuf mois, et que le contrat d'accompagnement vers l'emploi qu'elle avait signé pour partie avec le centre hospitalier de La Chartreuse et le centre hospitalier de Beaune en 2008 était un contrat de droit privé qui ne peut être retenu comme une période de service public effectif, au sens de l'article 9 de la loi susvisée du 9 janvier 1986 qui prévoit, sous certaines conditions, qu'au-delà de six années de services effectifs en contrats à durée déterminée, un contrat à durée indéterminée doit être proposé ; que la demande indemnitaire d'un montant de 25 000 euros présentée au titre de ce préjudice par Mme C... doit, dès lors, être rejetée ;
7. Considérant, en troisième lieu, que Mme C..., qui était âgée de 55 ans et justifiait de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé à la date de la décision du centre hospitalier de ne pas renouveler son contrat de travail, est fondée à demander une indemnité dont il sera fait une juste appréciation en la fixant à la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de la Chartreuse le versement à Mme C... d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas partie perdante, la somme que demande le centre hospitalier de la Chartreuse au titre des frais non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1502508 du tribunal administratif de Dijon du 5 janvier 2017 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier de la Chartreuse versera à Mme C... une indemnité de 2 000 euros.
Article 3 : Le centre hospitalier de la Chartreuse versera à Mme C... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au centre hospitalier de la Chartreuse.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
M. Pierre Thierry, premier conseiller,
Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.
Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.
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N° 17LY01015