Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 mai 2017, le 5 octobre 2017 et le 28 février 2018, M. B..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 mars 2017 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- la somme de 196 338 euros qu'il a été condamné à payer à son employeur en réparation du préjudice subi par ce dernier du fait des détournements d'anodes d'argent dont il s'est rendu coupable doit être regardée comme le coût d'acquisition de ces marchandises et pris en compte comme charges pour la détermination de ses résultats imposables ;
- le coût d'achat des marchandises était certain dans son principe et dans son montant pour chaque exercice en litige et la méthode de l'administration est viciée faute de ne pas l'avoir pris en compte ;
- les anodes d'argent revendues ont constitué des suppléments d'apport qu'il y a lieu de retrancher au résultat de son entreprise et la méthode de l'administration est viciée faute d'avoir procédé ainsi.
Par des mémoires en défense enregistrés le 7 septembre 2017 et le 31 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :
- les charges doivent être déduites des résultats de l'exercice au cours duquel elles peuvent être regardées comme engagées par l'existence d'une dette certaine dans son principe et dans son montant ;
- la somme que M. B... a été condamné à verser a pour objet de réparer un préjudice et ne correspond pas à un coût d'achat ;
- le prélèvement des anodes d'argent dans les stocks de la société CBC ne saurait être considéré comme un apport de M. B... à une entreprise individuelle dans la mesure où il s'agit de l'activité même de l'entreprise.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... qui a, au cours des années 2008 à 2010, détourné au détriment de son employeur, la société CBC, des anodes d'argent qu'il revendait en Allemagne, a été taxé d'office à l'impôt sur le revenu au titre de cette activité occulte. Il a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...). 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) ".
3. Pour reconstituer le bénéfice tiré de l'activité occulte de M. B... et l'imposer dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, l'administration s'est fondée sur les sommes qu'il a encaissées sur ses comptes bancaires à la suite des ventes d'anodes d'argent, dont elle a déduit les seules charges dont il justifiait, à savoir les frais d'envoi de ces marchandises.
4. Par un jugement du 1er juin 2015, postérieur à l'établissement des impositions litigieuses et à l'introduction de sa demande devant le tribunal administratif, le tribunal correctionnel de Grenoble a condamné M. B... à payer une somme de 196 338 euros à son ancien employeur en réparation de son préjudice résultant du détournement des marchandises en cause. Si cette somme a été déterminée, à l'issue d'une expertise judiciaire, sur la base de la valeur vénale des biens prélevés par M. B... sur les stocks de la société CBC, elle ne peut pour autant être analysée comme une dépense engagée, au titre de chaque exercice, pour l'acquisition des marchandises revendues. Contrairement à ce que soutient M. B..., le principe et le montant des frais d'acquisition des marchandises détournées n'étaient pas certains à la clôture de chaque exercice, M. B... ayant au contraire escompté que ces frais seraient nuls. Par suite, compte tenu du principe d'annualité de l'impôt sur le revenu, c'est à bon droit que l'administration n'a pas tenu compte de frais d'acquisition des marchandises en cause pour reconstituer les bénéfices imposables.
5. Ainsi qu'il a été dit, les anodes d'argent détournées par M. B... provenaient des stocks de la société qui l'employait et non de son patrimoine personnel. Ainsi, il n'est pas fondé à soutenir qu'elles constituaient des suppléments d'apport affectés à son entreprise individuelle de vente de marchandises détournées.
6. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la méthode de reconstitution des recettes serait viciée du fait de la non prise en compte de l'indemnité mentionnée au point 4. ci-dessus et des prétendus suppléments d'apports mentionnés au point 5. ci-dessus, doit être écarté.
7. La doctrine BOI-BIC-BASE-10-10-20160203, invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'ailleurs de façon incomplète, par M. B... ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application ci-dessus.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme A..., première conseillère.
Lu en audience publique le 18 décembre 2018.
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N° 17LY01989
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