Par un jugement n° 1703380 du 19 juillet 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2017, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 juillet 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 23 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement, en cas d'annulation du refus de titre de séjour pour un motif de légalité externe ou en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour comportant un droit au travail jusqu'à nouvelle instruction, à titre infiniment subsidiaire, en cas d'annulation de la seule décision fixant le pays de destination, de l'assigner à résidence ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations du point 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet du Rhône s'est cru à tort en situation de compétence liée par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 25 octobre 2018, l'affaire a été dispensée d'instruction.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur ;
1. Considérant que Mme B..., ressortissante turque née le 7 avril 1988, est entrée sur le territoire français le 21 août 2012 selon ses déclarations ; que sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 17 juillet 2014 ; que, par un arrêté du 4 novembre 2014, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français ; que, le 1er juillet 2015, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que, par un arrêté du 23 mars 2017, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi ; que Mme B... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et des termes de la décision portant refus de séjour que le préfet a effectivement procédé à un examen préalable de la situation personnelle de Mme B... avant de lui refuser la délivrance du titre de séjour sollicité ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort d'aucune des mentions de la décision en litige que le préfet du Rhône s'est estimé en situation de compétence liée par les décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile pour refuser à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
5. Considérant que Mme B... s'est mariée le 22 septembre 2017 avec un compatriote , qui est titulaire, en France, d'une carte de séjour en qualité de commerçant délivrée le 30 janvier 2017 et bénéficie également de l'asile politique en Italie, où lui a été délivré un permis de séjour le 28 janvier 2011, renouvelé et valable jusqu'en 2020 ; qu'ils sont parents d'une enfant née le 13 mars 2015 ; que son compagnon, lors du renouvellement de son permis de séjour italien, le 30 juin 2016, a déclaré aux autorités italiennes résider à Turin ; qu'ainsi la résidence en France du compagnon de Mme B... est très récente ; qu'elle ne peut se prévaloir de son mariage avec le père de son enfant et de la naissance d'un second enfant qui sont l'un et l'autre postérieurs à la décision en litige ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée en France, la décision en litige ne porte pas au droit de cette dernière au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; que, dès lors, elle ne méconnaît ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du point 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
7. Considérant que Mme B... soutient que M. A... son époux et père de son enfant, a vocation à vivre durablement en France, car il est titulaire d'un permis de séjour mention " asile politique " délivré par les autorités italiennes et a obtenu la délivrance, deux mois avant la décision contestée, d'une carte de séjour mention " commerçant " valable un an et pourra prétendre au prochain renouvellement à la délivrance d'une carte pluriannuelle ; que ces seules circonstances ne permettent pas d'établir que le préfet du Rhône, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B..., aurait méconnu l'intérêt supérieur de son enfant au sens des stipulations du paragraphe I de l'article 3 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que, par suite, le préfet du Rhône n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant de MmeB..., au sens du I de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
8. Considérant, enfin, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, la présence en France des soeurs de la requérante, de son conjoint et de leur enfant ainsi que sa volonté d'intégration ne sauraient, compte tenu de ce qui précède, caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettraient de regarder le préfet comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celles-ci n'ayant pas pour objet de régir l'obligation qui peut être faite à un étranger de quitter le territoire français ;
12. Considérant en troisième lieu, qu'elle n'est pas fondée par ailleurs, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 5 et 7 du présent arrêt, à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du point 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire supérieur à trente jours :
13. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;
14. Considérant qu'en se bornant à alléguer qu'elle vit depuis 2012 en France, où séjournent également ses soeurs, son conjoint et leur enfant et où ils sont intégrés, Mme B... n'établit pas que le préfet du Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;
15. Considérant, d'autre part, que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
16. Considérant, en premier lieu que les moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination;
17. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " et que ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
18. Considérant que Mme B... soutient qu'elle encourt un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Turquie, dès lors que ses deux frères, qui ont tenté de la marier de force, y résident ; que, toutefois, elle n'établit pas, par son seul récit, l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour en Turquie alors, qu'au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, en désignant ce pays comme pays de renvoi, le préfet du Rhône n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
M. Pierre Thierry, premier-conseiller,
Mme F... E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.
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N° 17LY03844