2°) de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La communauté de communes du Val de Drôme a demandé au tribunal administratif de Grenoble, sous le n° 1502093 :
1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Drôme a rejeté sa demande du 15 décembre 2014 tendant à la modification de l'arrêté du 28 mai 2014 par lequel il a fixé les conditions de retrait des communes de Bézaudun-sur-Bîne, Bourdeaux, Bouvières, Crupies, Les Tonils et Truinas de la communauté de communes du Val de Drôme ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme d'abroger l'arrêté du 28 mai 2014 dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme d'instruire à nouveau les conditions financières de sortie des six communes retrayantes au contradictoire de l'ensemble des parties, de dire que chaque partie pourra se faire assister par tout expert de son choix, que cet examen devra donner lieu à des échanges écrits complets et contradictoires ainsi qu'à une réunion de synthèse sous l'égide et l'organisation du préfet de la Drôme, et de lui enjoindre de prendre un nouvel arrêté sur le fondement de l'article L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1404373-1502093 du 16 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er août 2016, 4 octobre 2016 et le 8 février 2017, la communauté de communes du Val de Drôme, représentée par Me D..., de la SELARL CabinetD..., avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 juin 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Drôme du 28 mai 2014 mentionné ci-dessus ;
3°) de mettre à charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le non-respect du délai de six mois dont disposait le préfet pour adopter un arrêté fixant les modalités financières du retrait a eu pour effet son dessaisissement temporaire ; il appartenait aux communes concernées de délibérer à nouveau et de le saisir une nouvelle fois, un nouveau délai de six mois s'ouvrant alors ; ce vice de procédure l'a privée d'une garantie ;
- l'arrêté en litige est entaché d'un vice de procédure tenant au non-respect du principe du contradictoire du fait de la communication tardive de l'étude d'impact budgétaire et financier du retrait des six communes du canton de Bourdeaux, de la brièveté du délai dont elle a disposé pour y réagir, ainsi qu'aux conclusions de l'expert et du caractère laconique et incomplet des données communiquées, qui ont fondé la décision ;
- le préfet a fait une inexacte appréciation des critères de répartition procédant de l'application de l'article L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les dispositions du 2°) de cet article n'imposaient pas au préfet de prendre en considération l'ensemble des conditions financières du retrait et qu'il était simplement tenu d'apprécier l'existence d'un équilibre ; si les communes intéressées ne disposaient pas de la capacité à assumer les conséquences financières de leur retrait, celui-ci devait leur être refusé ; c'est tout aussi à tort que les premiers juges ont estimé que ces mêmes dispositions n'imposaient pas au préfet de prendre en considération la totalité des annuités d'emprunt restant à courir pour le partage mais simplement de procéder à un " partage équilibré " en tenant compte des situations financières respectives des personnes publiques concernées et de leur capacité à assurer la continuité de l'exercice de leurs compétences ; cette analyse a pour effet un enrichissement sans cause des communes intéressées, lesquelles bénéficient de sa bonne gestion ;
- le retrait des six communes a des incidences sur le budget de fonctionnement, et notamment sur le plan des surcoûts liés aux sureffectifs dans certains services ; les six communes sortantes auraient dû être contraintes d'assumer 2,72 % de la masse salariale de la communauté, incluant une partie des contributions imposées par le centre de gestion pour la mise en surnombre après suppression des emplois budgétaires, concernant, au prorata des 150 agents publics employés par la communauté, quatre emplois en équivalents temps plein, soit 560 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2018, les communes de Bézaudun-sur-Bîne, Bourdeaux, Bouvières, Crupies, Les Tonils et Truinas, représentées par Me A..., de la SCPA..., Perrachon et Associés, avocat, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la communauté de communes du Val de Drôme, au bénéfice de chacune d'elles, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour la communauté de communes du Val de Drôme, et celles de Me C... pour les six communes de Bézaudun-sur-Bîne, de Bourdeaux, de Bouvières, de Crupies, de Les Tonils et de Truinas ;
1. Considérant que le préfet de la Drôme a, par arrêté du 4 avril 2013 prenant effet le 1er janvier 2014, procédé à l'extension du périmètre de la communauté de communes du Pays de Dieulefit en y intégrant les six communes de Bézaudun-sur-Bîne, Bourdeaux, Bouvières, Crupies, Les Tonils et Truinas, lesquelles ont été retirées du périmètre de la communauté de communes du Val de Drôme ; qu'à défaut d'accord entre cette dernière et les six communes intéressées, le préfet de la Drôme, par arrêté du 28 mai 2014, a fixé les conditions de leur retrait de l'établissement public de coopération intercommunale ; que la communauté de communes du Val de Drôme relève appel du jugement du 16 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Drôme du 28 mai 2014 :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté en litige : " Une commune peut se retirer de l'établissement public de coopération intercommunale, sauf s'il s'agit d'une communauté urbaine ou d'une métropole, dans les conditions prévues à l'article L. 5211-25-1, avec le consentement de l'organe délibérant de l'établissement. A défaut d'accord entre l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale et le conseil municipal concerné sur la répartition des biens ou du produit de leur réalisation et du solde de l'encours de la dette visés au 2° de l'article L. 5211-25-1, cette répartition est fixée par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés. Cet arrêté est pris dans un délai de six mois suivant la saisine du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou de l'une des communes concernées. (...) " ;
3. Considérant que le délai de six mois prévu par ces dispositions n'est pas prescrit à peine de dessaisissement ou d'irrégularité de la procédure ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de ce que la procédure facultative mise en oeuvre par le préfet de la Drôme aurait été irrégulière ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales : " En cas de retrait de la compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale : (...) 2° Les biens meubles et immeubles acquis ou réalisés postérieurement au transfert de compétences sont répartis entre les communes qui reprennent la compétence ou entre la commune qui se retire de l'établissement public de coopération intercommunale et l'établissement ou, dans le cas particulier d'un syndicat dont les statuts le permettent, entre la commune qui reprend la compétence et le syndicat de communes. Il en va de même pour le produit de la réalisation de tels biens, intervenant à cette occasion. Le solde de l'encours de la dette contractée postérieurement au transfert de compétences est réparti dans les mêmes conditions entre les communes qui reprennent la compétence ou entre la commune qui se retire et l'établissement public de coopération intercommunale ou, le cas échéant, entre la commune et le syndicat de communes. (...) " ; que, pour la mise en oeuvre de ces dispositions, il appartient au représentant de l'Etat, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de veiller à éviter tout risque de défaillance dans la continuité de l'exercice, par les personnes publiques, de leur compétence en garantissant un partage équilibré, compte tenu de l'importance de la participation de la commune dans l'établissement public de coopération intercommunale, de l'ensemble des éléments d'actif et de passif nés postérieurement au transfert de compétences et antérieurement au retrait de la commune du périmètre de l'établissement ; qu'il peut notamment prendre en compte, le cas échéant, une partie des charges fixes liées à la réalisation d'un équipement financé par cet établissement ;
6. Considérant que les considérations d'équité énoncées dans l'arrêté en litige doivent être regardées comme se rattachant à l'impératif de procéder à un partage équilibré qui doit présider à la répartition prévue par le 2° de l'article L. 5211-25-1 précité du code général des collectivités territoriales ; que le moyen tiré de l'erreur de droit invoquée à cet égard doit donc être écarté ;
7. Considérant que le préfet de la Drôme, en limitant à trois années la quote-part des six communes partantes sur les annuités d'emprunt restant à courir de la communauté de communes du Val de Drôme, soit un montant total de 57 428,10 euros, n'a pas, compte tenu de la situation financière de cette dernière, de l'impact limité du départ des six communes sur les pertes de recettes nettes de charges et de la part minime de ces communes au sein de l'établissement, commis d'erreur manifeste d'appréciation, non plus qu'en retenant comme base de répartition le potentiel financier des six communes, établi à 3,75 % conformément à l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales, lequel est au demeurant proche de la part de la population de ces communes dans la communauté de communes, qui se situe à 3,65 % ;
8. Considérant que la communauté de communes du Val de Drôme soutient que toutes les incidences financières du retrait n'ont pas été prises en compte, dès lors qu'ont été exclus de la répartition le patrimoine et les emprunts figurant à son budget annexe " Aménagement Zones d'activités " ; qu'il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet de la Drôme a écarté ce budget annexe au motif que celui-ci retrace la vente de terrains destinés à être commercialisés, traités en stock (actif circulant) et non en actifs immobilisés de la communauté de communes ; que cette dernière soutient que le maintien de ces terrains dans son patrimoine laisse à sa charge le remboursement des emprunts bancaires réalisés pour l'investissement primitif ainsi que les charges, à venir, des engagements financiers relatifs aux aménagements et autres études ou travaux de viabilité et que la commercialisation future de ces terrains en vue de mener à bien la politique, décidée en commun avant le retrait des communes, de création d'activité économique et d'emplois sur ces zones, est susceptible d'être déficitaire ; que, selon elle, le préfet avait l'obligation de tenir compte, dans la répartition, du résultat attendu de ces opérations immobilières, l'éventuel déficit qu'elles pourraient générer devant s'analyser en un encours de dette répartissable ; que, toutefois, compte tenu du caractère incertain de ce déficit, le préfet de la Drôme, en laissant à la communauté de communes du Val de Drôme le bénéfice de ces terrains ainsi que l'encours de dette afférente à ces biens, n'a pas entaché son arrêté d'erreur manifeste d'appréciation ;
9. Considérant qu'alors que le préfet de la Drôme a fait valoir, dans ses écritures en défense de première instance, qu'ayant considéré que le retrait des six communes n'impactait que très faiblement les effectifs de la communauté de communes du Val de Drôme, et donc ses charges de personnel, il n'avait pas retenu de participation de ces dernières au titre des charges fixes pesant sur l'établissement, la communauté de communes ne produit aucune pièce de nature à démontrer que le retrait des communes emporterait des charges supplémentaires significatives et la conduirait à devoir supprimer des emplois budgétaires en raison de sureffectifs ; que le moyen tiré de ce que les six communes sortantes auraient dû être contraintes d'assumer une proportion de la masse salariale de la communauté de communes, incluant une partie des contributions imposées par le centre de gestion pour la mise en surnombre après suppression des emplois budgétaires doit, par suite, être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la communauté de communes du Val de Drôme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les frais liés au litige :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, la somme que la communauté de communes du Val de Drôme demande au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes du Val de Drôme le versement d'une somme de 250 euros chacune aux communes de Bézaudun-sur-Bîne, Bourdeaux, Bouvières, Crupies, Les Tonils et Truinas en application des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la communauté de communes du Val de Drôme est rejetée.
Article 2 : La communauté de communes du Val de Drôme versera une somme de 250 euros chacune aux communes de Bézaudun-sur-Bîne, Bourdeaux, Bouvières, Crupies, Les Tonils et Truinas en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du Val de Drôme, au ministre de l'intérieur et aux communes de Bézaudun-sur-Bîne, Bourdeaux, Bouvières, Crupies, Les Tonils et Truinas.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,
Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.
Lu en audience publique, le 13 novembre 2018.
6
N° 16LY02767