Par une requête enregistrée le 2 février 2015 et un mémoire en réplique enregistré le 23 octobre 2015, la SARL Camping Le Sagittaire, représentée par Me Roche, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1106617 du tribunal administratif de Grenoble du 2 décembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Drôme du 3 octobre 2011 portant approbation du plan de prévention des risques naturels - inondations prévisibles (PPRI) de la commune de Vinsobres en tant qu'il a classé en zone rouge du PPRI les parcelles servant d'assiette au terrain de camping et à son projet d'extension ou, à défaut, de l'annuler dans sa totalité ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le dossier soumis à enquête publique, qui ne prenait pas en compte l'existence d'un ouvrage de protection, était insuffisant et incomplet ;
- pour le même motif, le classement de ses parcelles en zone rouge, correspondant à un aléa fort, résulte d'une erreur de fait ;
- ce classement est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- l'arrêté contesté a été pris à l'issue d'une procédure régulière, dès lors que la présence des digues dans le secteur concerné, élément essentiel de la modélisation utilisée, a été prise en compte pour caractériser l'aléa ;
- le terrain d'assiette du camping Le Sagittaire étant inondable et exposé à un sur-aléa en raison de la présence des digues qui le bordent, son classement en zone rouge du PPRI n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Deliancourt,
- les conclusions de M. Clément, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la SARL Camping Le Sagittaire.
1. Considérant qu'après enquête publique qui s'est déroulée du 6 juin au 8 juillet 2011, le préfet de la Drôme a, par l'arrêté contesté du 3 octobre 2011, approuvé le plan de prévention des risques naturels - inondations prévisibles (PPRI) couvrant le territoire de la commune de Vinsobres ; que cet arrêté classe en zone rouge les parcelles situées sur la rive droite de l'Eygues sur lesquelles est implanté le camping Le Sagittaire géré par la SARL du même nom ; que cette dernière interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation partielle ou totale de cet arrêté ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain (...) / II - Ces plans ont pour objet (...) : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation (...), notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations (...) pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; (...) " ;
3. Considérant que les plans de prévention des risques naturels prévisibles constituent des documents qui, élaborés à l'initiative de l'Etat, ont pour objet de définir des zones exposées à des risques naturels à l'intérieur desquelles s'appliquent des contraintes d'urbanisme importantes et ont ainsi pour effet de déterminer des prévisions et règles opposables aux personnes publiques ou privées au titre de la délivrance des autorisations d'urbanisme qu'elles sollicitent ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 562-8 du même code : " Le projet de plan est soumis par le préfet à une enquête publique dans les formes prévues par les articles R. 123-6 à R. 123-23, sous réserve des dispositions des deux alinéas qui suivent (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 562-3 du même code : " Le dossier de projet de plan comprend : / 1° Une note de présentation indiquant le secteur géographique concerné, la nature des phénomènes naturels pris en compte et leurs conséquences possibles, compte tenu de l'état des connaissances ; / 2° Un ou plusieurs documents graphiques délimitant les zones mentionnées aux 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 ; / 3° Un règlement (...). " ;
5. Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette enquête que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur cette décision ;
6. Considérant que si la SARL Camping Le Sagittaire soutient que le dossier soumis à enquête publique ne mentionne pas la présence de la digue longeant le camping, située en rive droite de l'Eygues et gérée par le syndicat mixte d'arrosage du pont de Mirabel, ce moyen manque en fait, cet ouvrage étant mentionné et décrit de manière suffisante en pages 54 et 61 dudit dossier ;
7. Considérant, en second lieu, que la SARL Camping Le Sagittaire soutient que la digue précitée a protégé le camping de la montée des eaux en provenance de l'Eygues ou de la Moye lors des inondations survenues en 1992 ;
8. Considérant qu'une marge d'incertitude s'attache nécessairement aux prévisions quant aux inondations qui résulteraient d'un événement de même ampleur, eu égard en particulier aux changements de circonstances ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le camping Le Sagittaire est situé dans le lit majeur de l'Eygues et a été inondé lors d'une crue, non centennale, survenue le 22 septembre 1992, ainsi que l'établit le procès-verbal établi par huissier en date du 23 septembre 1992 produit par l'appelante ; que celui-ci montre que les emplacements de camping et le secteur des chalets ont été recouverts par des coulées de boue et de graviers atteignant par endroit près de 50 cm de haut et provenant du remblai de la RD 94, une autre partie du terrain ayant été inondée par les eaux de l'Eygues à partir du point bas de la digue, avec une hauteur d'eau mesurée de 25 cm dans le pub du camping et de 32 à 73 cm en d'autres lieux, et que les débordements de la rivière en amont du pont de la RD 4 ont atteint le terrain à l'est par le tunnel passant sous cette voie et ont arraché sa clôture ; que le rapport d'expertise réalisé par la société SOGREAH déposé en janvier 2004 conclut que "pour un événement de fréquence centennale, estimé à 920 m3/s, un "remplissage" du camping par l'aval est susceptible de se produire" ; que le risque d'inondation est donc établi ;
10. Considérant que la SARL Camping Le Sagittaire soutient que la digue protège le camping de la crue de l'Eygues et qu'elle devait être prise en compte dans l'analyse des risques et des aléas ;
11. Considérant qu'il appartient à l'autorité préfectorale pour apprécier le risque d'inondation et les aléas dans le cadre de l'élaboration d'un plan de prévention des risques naturels de prendre en considération l'ensemble des éléments dont il dispose ; que lorsque les terrains sont situés derrière un ouvrage de protection, il appartient à l'autorité compétente de prendre en compte non seulement la protection qu'un tel ouvrage est susceptible d'apporter, eu égard notamment à ses caractéristiques et aux garanties données quant à son entretien, mais aussi le risque spécifique que la présence même de l'ouvrage est susceptible de créer, en cas de sinistre d'une ampleur supérieure à celle pour laquelle il a été dimensionné ou en cas de rupture, dans la mesure où la survenance de tels accidents n'est pas dénuée de toute probabilité ;
12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la digue qui borde l'Eygues et la sépare du camping situé de l'autre côté constituerait un ouvrage de protection ou un ouvrage de défense contre les inondations ; qu'en effet, peu élevée, elle ne présente pas un caractère continu, n'est pas correctement entretenue et n'a structurellement pas pour vocation à protéger le camping, ni à contenir les crues ; qu'il ressort au contraire des éléments fournis que l'abaissement de cette digue à l'ouest du terrain est de nature à limiter la pression exercée sur celle-ci en cas de crue en facilitant l'expansion des eaux sur la partie aval non endiguée du camping afin de permettre les débordements de l'Eygues pour une inondation sans vitesse ; qu'en outre, du fait de sa situation, de sa nature et de son état, le risque de rupture de cet ouvrage existe et devait être pris en compte par le préfet ; que si l'expertise précitée conclut que la digue enherbée sur l'Eygues ne présente aucune faiblesse majeure, il ressort cependant de la lecture de cette même étude que celle-ci n'a pas porté sur l'état structurel de la digue et que la "reconnaissance visuelle" à laquelle il a alors été procédé a révélé des embâcles consécutifs aux crues précédentes à l'origine de poches d'érosion ; que, par ailleurs, les risques de débordement sont aggravés par l'ouvrage situé sous la RD 4 qui n'a pas la capacité d'écouler la crue centennale et qu'il n'est pas contesté que la rupture des digues provoquerait une chute d'eau animée par des vitesse très élevées ; que, par suite, le préfet de la Drôme, qui n'avait pas au regard de ces éléments à entreprendre une analyse plus poussée de l'état de cette digue, n'a pas commis d'erreur de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation en classant en zone d'aléa fort les terrains d'assiette appartenant à la SARL Le Sagittaire ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Le Sagittaire n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par l'appelante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Camping Le Sagittaire est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Camping Le Sagittaire et au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Drouet, président de la formation de jugement,
- Mme Peuvrel, premier conseiller,
- M. Deliancourt, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2016.
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N° 15LY00367
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