Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2014, le préfet de la Côte-d'Or demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 15 septembre 2014 en tant qu'il a annulé ses décisions du 5 décembre 2013 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
2°) de rejeter la demande de M. A...devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Kosovo ; la position de l'administration n'est pas sérieusement contredite, notamment par l'attestation non accompagnée d'une traduction par un interprète agréé ni par une étude de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR), au demeurant non communiquée aux parties ; les pathologies dont souffre M. A...n'entraîneraient pas pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; la reconnaissance par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées d'un taux d'incapacité est sans incidence sur la légalité de la décision en litige et ne constitue pas non plus une circonstance humanitaire ou un motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que ses décisions étaient entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de M.A... ;
- le refus de titre de séjour n'est pas entaché d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé ;
- pour les motifs exposés précédemment quant à l'absence d'erreur manifeste d'appréciation, les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues ;
- il n'a pas été fait obstacle au droit d'être entendu, protégé par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- le moyen tiré de l'illégalité du refus de séjour invoqué par voie d'exception à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;
- les stipulations de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sur le droit d'être entendu n'ont pas été méconnues ;
- les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas méconnues ;
- l'obligation de quitter le territoire n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision octroyant un délai de départ volontaire de trente jours n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2015, M.A..., représenté par Me Grenier, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et versée à son avocat, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la contribution de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Il fait valoir que :
- le préfet de la Côte-d'Or n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation médicale ;
- les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues dès lors qu'il souffre d'une insuffisance rénale chronique des deux reins nécessitant un traitement médicamenteux ainsi que la réalisation de dialyses dans la perspective d'une greffe dont la prise en charge ne peut être effectuée au Kosovo, comme le démontre le rapport de l'OSAR ;
- le préfet ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et les principes généraux du droit communautaire, et sans entacher sa décision de vice de procédure, s'abstenir de l'informer de ce qu'une décision négative allait être prise à son encontre et le priver ainsi de la possibilité de saisir le directeur de l'agence régionale de santé ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît le droit d'être entendu, principe général énoncé à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision octroyant un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 février 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dèche, premier conseiller a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par un jugement du 15 septembre 2014, le tribunal administratif de Dijon a, d'une part, annulé les décisions du 5 décembre 2013 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a rejeté la demande de titre de séjour de M.A..., ressortissant du Kosovo, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et a, d'autre part, enjoint à l'administration de réexaminer la demande de M. A...dans le délai d'un mois ; que le préfet de la Côte-d'Or relève appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. / Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois. " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 16 juin 2011 dont elles sont issues, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur leur fondement, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays d'origine de l'étranger ;
4. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;
6. Considérant que M.A..., ressortissant kosovar, est entré en France le 22 juillet 2012, selon ses déclarations ; qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le médecin de l'agence régionale de santé a indiqué, dans son avis du 24 mai 2013, que "son état de santé (...) nécessite des soins", et qu'"un défaut de prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé au vu de l'absence d'un traitement approprié dans le pays d'origine" ; que, si le préfet n'est pas lié par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a, comme en l'espèce, estimé que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments qui l'ont conduit à écarter cet avis médical ;
7. Considérant qu'il n'est pas contesté que M.A..., né en 1965, est suivi pour insuffisance rénale depuis le mois d'août 2012, pathologie pour laquelle il est en dialyse trois fois par semaine depuis le 23 janvier 2013 ; qu'il souffre également d'hypertension artérielle et d'une artériopathie sévère des membres inférieurs ; qu'outre l'avis précité du médecin de l'agence régionale de santé, l'intéressé produit un certificat médical par lequel un médecin néphrologue relève qu'il "est candidat à une éventuelle transplantation rénale", que "cette alternative à la dialyse ne peut se faire au Kosovo", et que "faute de transplantation rénale, le patient décédera en dialyse" ; que ces éléments sont de nature à établir que l'absence de prise en charge de la pathologie de l'intéressé entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, par une attestation datée du 11 avril 2013, dont l'interprétation, bien que non assortie de la mention d'un interprète agréé, ne peut sérieusement être mise en doute, le chef de service urologique de l'hôpital régional de Peje, relève que M. A...souffre d'une insuffisance rénale terminale et que le "patient nécessite une transplantation rénale" qui "ne peut pas être effectuée au Kosovo" ; que le préfet, pour s'écarter de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé selon lequel il n'existe pas de traitement approprié dans le pays d'origine, produit trois courriers de l'ambassade de France au Kosovo datés des 11 mars 2009, 22 août 2010 et 6 mai 2011, une copie d'un télégramme diplomatique du 3 mars 2008, ainsi qu'une liste de produits médicamenteux non traduite ; que, toutefois, il ne ressort d'aucun de ces documents qu'il existerait au Kosovo des possibilités de prise en charge appropriée de la pathologie de M. A... telle qu'elle est décrite ci-dessus ; que, dans ces conditions, le préfet de la Côte-d'Or, même s'il émet des doutes quant à la valeur probante de l'étude de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) à laquelle les premiers juges se sont référés et selon laquelle la transplantation rénale est impossible au Kosovo, ne peut être regardé comme faisant état d'éléments de nature à remettre en cause les avis médicaux selon lesquels il n'existe pas dans le pays d'origine de M. A...de traitement approprié à son état ; qu'ainsi, en refusant à M. A... la délivrance d'une carte de séjour au titre de son état de santé le préfet a fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a également, ainsi que l'on retenu les premiers juges, commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences pouvant résulter pour l'intéressé d'un tel refus ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a, d'une part, annulé ses décisions du 5 décembre 2013 par lesquelles il a rejeté la demande de titre de séjour de M.A..., a obligé celui-ci à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé, et a, d'autre part, enjoint à l'administration de réexaminer la demande de l'intéressé au titre du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
9. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Grenier, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par l'intimé et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Côte-d'Or est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Grenier, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A...et à Me C...Grenier.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 9 février 2016 à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2016.
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N° 14LY03313