Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 avril 2015, le centre hospitalier de Mâcon, représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la société Axa assurance à réparer son préjudice en lui enjoignant de respecter ses engagements contractuels, au titre du contrat d'assurance du personnel en date du 17 février 2005 relatif au risque " accidents du travail et maladies professionnelles " n° 2 307 903 0318 01, de prendre en charge les conséquences pécuniaires de la maladie professionnelle de M.C..., et de lui verser la somme de 72 684,32 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2012 et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de la société Axa France Vie une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors que la société Axa, qui n'avait pas produit malgré une mise en demeure et une ordonnance de réouverture d'instruction, devait être regardée comme ne contestant pas les faits exposés par le centre hospitalier, alors que le jugement mentionne une contestation de la société Axa et élabore ainsi une argumentation qui n'avait pas été développée dans le cadre de l'instance ;
- le tribunal a méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative et le principe du contradictoire en visant et se fondant sur le jugement du 29 mars 2012, alors que cette pièce n'a été versée aux débats par aucune des parties à l'instance ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en estimant que la responsabilité de la société Axa n'était pas engagée ; en vertu du contrat, l'assureur était tenu de prendre en charge les conséquences financières des maladies reconnues imputables au service ; M. C...était un agent titulaire, entrait dans la catégorie du personnel couvert par l'assurance, le sinistre a été déclaré pendant la période de validité du contrat ; le centre hospitalier avait accepté, en faisant appel au concours d'un médecin expert agréé et en consultant la commission de réforme, de reconnaître l'origine professionnelle de la pathologie de son agent, ce qui relevait de sa compétence et non de celle de son assureur ; la décision du 14 octobre 2008 reconnaissant une maladie professionnelle était définitive, créatrice de droit et ne pouvait être remise en cause par l'assureur, qui a méconnu ses obligations contractuelles ; le jugement du 29 mars 2012 a été rendu dans le cadre d'une demande indemnitaire dirigée contre l'Etat au titre de la responsabilité sans faute, sans lien avec la reconnaissance d'une maladie professionnelle, et qui ne pouvait remettre en cause cette décision ; les conditions particulières du contrat ne prévoient pas la possibilité pour Axa de revenir sur l'acceptation d'une prise en charge d'un agent à la suite d'une décision judiciaire rendue dans un litige étranger à la problématique de maladie professionnelle ;
- en refusant d'honorer ses engagements contractuels, la société Axa a causé un préjudice au centre hospitalier, qui a dû couvrir lui-même les soins, à hauteur de 46 811,61 euros, et arrêts de travail, pour 25 872,71 euros, en rapport avec cette pathologie, soit un préjudice total de 72 684,32 euros pour la période allant de l'arrêt de la prise en charge jusqu'au 10 avril 2015.
Par un mémoire, enregistré le 23 septembre 2015, la société Axa France Vie, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge du centre hospitalier de Mâcon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucune irrégularité du jugement n'est établie ; la circonstance qu'un défendeur de première instance a été considéré comme ayant acquiescé aux faits ne lui interdit pas de contester en appel leur matérialité ; le juge n'est pas, en dépit de l'acquiescement aux faits, lié par l'argumentation du demandeur ; le tribunal pouvait se fonder sur son précédent jugement ;
- le moyen tiré de la violation de l'article R. 741-2 du code de justice administrative est irrecevable car les conclusions dirigées contre des mentions contenues dans les visas d'un jugement ne sont pas recevables ; le principe du contradictoire n'est pas méconnu car le centre hospitalier ne pouvait ignorer le contenu du jugement du 29 mars 2012 qui lui a été notifié et l'absence de lien entre ce jugement et la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. C...constitue le moyen essentiel développé par le centre hospitalier en première instance ;
- sa responsabilité contractuelle n'est pas engagée ; le marché public d'assurance qui avait été conclu porte sur les assurances du personnel relatives aux accidents du travail et maladies professionnelles, s'agissant d'accidents ou maladies imputables au service ; en l'espèce, la maladie de M. C...n'est pas imputable au service ; l'assureur ne s'est pas approprié le pouvoir décisionnel de l'administration en matière de maladie professionnelle mais s'est fondé sur une décision juridictionnelle définitive s'imposant aux parties qui a écarté le lien de causalité entre sa maladie et sa vaccination contre l'hépatite B, les conditions contractuelles d'indemnisation ne sont de ce fait plus satisfaites ; c'est le même lien de causalité qui est concerné dans les deux procédures, la maladie ne peut plus être légalement reconnue comme imputable au service ; une personne publique peut à tout moment revenir sur une décision administrative si son destinataire cesse de remplir les conditions pour en bénéficier ; en tout état de cause, l'assureur n'a pas abrogé ou retiré la décision du centre hospitalier reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie ; la décision du centre hospitalier avait été prise dans des circonstances démontrant le sentiment mitigé ayant alors prévalu lors de la reconnaissance du lien de causalité entre la maladie et le service, au regard des conditions d'adoption des deux avis successifs de la commission de réforme ;
- aucune somme n'est due au centre hospitalier dès lors qu'elle n'a pas méconnu ses obligations contractuelles ; en tout état de cause, elle ne saurait être condamnée à verser l'intégralité des sommes demandées ; elle a déjà versé, au titre des absences, des sommes pour la période du 4 janvier au 2 mai 2012 ; le centre hospitalier ne démontre pas que les frais dont il demande l'indemnisation sont directement liés à l'affection dont souffre M.C....
Vu les autres pièces du dossier.;
Vu :
- le code civil ;
- le code des assurances ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
- les observations de MeA..., représentant le centre hospitalier de Mâcon, et de Me D..., représentant la société Axa France Vie.
Une note en délibéré présentée pour la société Axa France Vie a été enregistrée le 22 février 2016.
1. Considérant que le centre hospitalier de Mâcon relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande indemnitaire tendant à la condamnation de son assureur, la société Axa France Vie, à lui verser une somme, au titre de sa responsabilité contractuelle ;
Sur le bien-fondé du jugement :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ;
En ce qui concerne les obligations contractuelles de l'assureur :
2. Considérant que le centre hospitalier de Mâcon a signé, le 17 février 2005, un contrat d'assurance relatif au risque " accidents du travail et maladies professionnelles " avec la compagnie d'assurance Axa France Vie SA ; que, le 14 avril 2009, la société Axa a confirmé la prise en charge des conséquences de la maladie contractée le 8 mai 2007 par M. C..., agent titulaire de ce centre hospitalier ; que l'établissement avait reconnu l'imputabilité au service de sa pathologie, rattachée à la vaccination contre l'hépatite B subie dans le cadre du service, par décision du 14 octobre 2008, après expertise et avis de la commission de réforme ; que, par jugement du 29 mars 2012, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande indemnitaire que M. C...avait, par ailleurs, formée à l'encontre de l'Etat, au titre de sa responsabilité sans faute pour accident dû à une vaccination obligatoire, au motif qu'eu égard au long délai ayant séparé la dernière injection du vaccin reçue par l'intéressé et le développement des premiers symptômes avérés de sa pathologie, le lien de causalité entre la vaccination et l'affection ne pouvait être regardé comme établi ; que, par courrier du 27 avril 2012, la société Axa a indiqué au centre hospitalier de Mâcon que le lien de causalité entre la vaccination et l'affection n'ayant pas été retenue par ce jugement, elle revenait sur sa décision du 14 avril 2009 et cessait le versement des prestations à compter du 2 mai 2012 ;
3. Considérant que le centre hospitalier estime que, ce faisant, son assureur a méconnu ses obligations contractuelles et demande à être indemnisé du préjudice en découlant ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande, en retenant que la société Axa assurances pouvait suspendre la prise en charge des conséquences pécuniaires de l'affection de M. C...qui n'entraient pas dans le cadre de la garantie prévue par le contrat laquelle comprend les accidents ou maladies imputables au service ;
4. Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction que le cahier des clauses particulières de ce contrat prévoit que " l'assureur garantit le remboursement de l'ensemble des indemnités mises à la charge de l'assuré, en application des textes législatifs et réglementaires " et vise notamment la garantie " accident du travail-maladie professionnelle " ; que la référence, dans le document intitulé " conditions particulières de votre contrat ", et visant à décrire les garanties souscrites, aux " accidents et maladies imputables au service, sans franchise ", et plus généralement aucune autre stipulation contractuelle, ne saurait être regardée comme permettant à l'assureur de refuser d'indemniser le centre hospitalier d'un paiement que ce dernier a réellement effectué, sur le fondement d'une décision reconnaissant l'imputabilité d'une pathologie au service, au seul motif que cette imputabilité ne serait, en réalité, pas caractérisée ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision du 14 octobre 2008 reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie de M. C...n'a été ni retirée, ni abrogée, ni annulée ;
6. Considérant, en outre, que le jugement du 29 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Dijon s'est prononcé sur une demande de M. C...tendant à l'indemnisation par un tiers, sur un autre fondement juridique, des préjudices qui résultent de son affection n'a pas, dans la présente instance, l'autorité de la chose jugée, faute d'identité de parties, de cause et d'objet ;
7. Considérant qu'il suit de là que la société Axa a commis une faute contractuelle en refusant, à compter du 2 mai 2012, d'indemniser le centre hospitalier ;
En ce qui concerne le préjudice du centre hospitalier :
8. Considérant que le contrat prévoit que " l'assureur garantit le remboursement de l'ensemble des indemnités mises à la charge de l'assuré, en application des textes législatifs et réglementaires " et vise notamment la garantie " accident du travail-maladie professionnelle ", pour laquelle sont remboursés les émoluments pendant l'arrêt de travail du 1er jour jusqu'à la reprise ou la retraite et les frais médicaux, pharmaceutiques ou d'hospitalisation entraînés par un évènement garanti, sur la base du tarif prévu par la législation des accidents du travail et après fourniture de tous les justificatifs ;
9. Considérant que le centre hospitalier demande, dans ses conclusions, le paiement d'une somme de 25 872,71 euros, au titre des remboursements des arrêts de travail ; que le requérant justifie des sommes versées à M. C...au titre de ses arrêts de travail ; qu'il ne conteste pas toutefois que les sommes dont il demande le remboursement incluent, ainsi que le soutient l'assureur, des dépenses qui lui ont déjà été remboursées, pour la période comprise du 1er janvier 2012 au 2 mai 2012 ; que, dans ces conditions, il a seulement droit à ce titre à un montant de 22 196,45 euros ;
10. Considérant par ailleurs que si le décompte de frais produit initialement par le centre hospitalier était insuffisant pour tenir pour établi le lien entre ces frais et la pathologie imputable au service, ainsi que le relève la société Axa, le centre hospitalier a produit, à la demande de la cour, les pièces justifiant de manière détaillée les montants demandés et la nature des prestations correspondantes ; qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs plus sérieusement contesté, que ces frais sont en lien avec la pathologie imputable au service ; que le centre hospitalier a donc droit, à ce titre, à la somme de 46 811,61 euros qu'il demande ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Axa France Vie doit être condamnée à verser au centre hospitalier de Mâcon la somme de 69 008,06 euros ;
Sur les intérêts et leur capitalisation :
12. Considérant qu'en vertu de l'article 1153 du code civil, les intérêts au taux légal courront sur la somme mentionnée au point 11 à compter du 8 octobre 2012, date d'enregistrement de la demande de première instance au greffe du tribunal administratif de Dijon, valant notification de la première demande de paiement ; qu'en vertu de l'article 1154 du même code, lesdits intérêts seront capitalisés à compter du 10 avril 2015, date à laquelle la capitalisation a été demandée pour la première fois, puis à chaque échéance anniversaire pour produire eux-mêmes intérêts ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
14. Considérant, en premier lieu, que la société Axa France Vie, partie perdante, n'est pas fondée à demander le remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ;
15. Considérant, en deuxième lieu, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le centre hospitalier de Mâcon et de mettre à la charge de la société Axa France Vie une somme de 2 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1202611 du tribunal administratif de Dijon du 18 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : La société Axa France Vie versera au centre hospitalier de Mâcon la somme de 69 008,06 euros. Cette somme portera intérêt à compter du 8 octobre 2012. Ces intérêts produiront eux-mêmes intérêt à compter du 10 avril 2015 et à chaque date anniversaire.
Article 3 : La société Axa France Vie versera au centre hospitalier de Mâcon la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Mâcon et à la société Axa France Vie.
Délibéré après l'audience du 18 février 2016, où siégeaient :
- Mme Verley-Cheynel, président de chambre,
- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
- Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mars 2016.
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N° 14LY00768
N° 15LY01266 2