Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 juin 2015, M. D... représenté par la SCP C...-Zouine, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 février 2015 ;
2°) d'annuler les décisions préfectorales du 30 juin 2014 ainsi que les décisions de rejet de son recours gracieux et de sa demande d'abrogation dirigés contre ces dernières décisions ;
3°) en cas d'annulation du refus de titre de séjour, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le mois suivant l'arrêt à intervenir ;
4°) en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français de lui enjoindre de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans le mois suivant l'arrêt jusqu'à nouvelle instruction de sa demande ;
5°) en cas d'annulation de la décision fixant le pays de destination, de l'assigner à résidence avec droit au travail dans le mois suivant l'arrêt ;
6°) subsidiairement, de surseoir à statuer jusqu'à la détermination de sa nationalité par le tribunal de grande instance de Lyon ;
7°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. D... soutient que :
- la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour est insuffisamment motivée, en particulier au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle méconnaît les dispositions de cet article, les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention précitée et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité des décisions précédentes ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que peu importait sa nationalité puisque la décision attaquée ne désigne pas un pays en particulier alors qu'il est de nationalité indéterminée et a demandé la reconnaissance du statut d'apatride auprès de l'OFPRA ; la décision est donc également entachée d'un défaut d'examen particulier, de motivation, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 novembre 2015, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête et fait valoir, en s'en rapportant à ses écritures de première instance, qu'aucun moyen n'est fondé.
Par une décision du 22 avril 2015, le président de section du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. D....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 18 février 2016 :
- le rapport de Mme Gondouin, rapporteur,
- et les observations de MeC..., représentant M.D....
1. Considérant que M.D..., né en 1990 à Moscou, est entré irrégulièrement en France en mai 2011, selon ses déclarations ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 septembre 2012 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 15 mai 2013 ; qu'il s'est vu opposer un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 25 juin 2013 ; que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre ces décisions par un jugement du 25 juin 2013, confirmé par la cour administrative d'appel le 8 janvier 2015 ; que, le 21 novembre 2013, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par des décisions du 30 juin 2014, le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre, assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination du pays dont il déclare avoir la nationalité ou de tout autre pays pour lequel il établit être légalement admissible ; que M. D...relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 février 2015 qui a rejeté sa demande dirigée contre ces décisions ;
Sur le refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de refus de titre de séjour, M. D...soulève les moyens tirés de l'insuffisante motivation de cette décision au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance des dispositions de cet article, de celle des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences de sa décision sur sa situation ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
3. Considérant, en premier lieu, que les moyens soulevés à l'encontre du refus de titre de séjour ayant été écartés, M. D...n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre ;
4. Considérant, en second lieu, que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention précitée et de l'erreur manifeste d'appréciation que le préfet aurait commise doivent être écartés de la même façon que pour le refus de titre de séjour ;
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
5. Considérant qu'à l'encontre de cette décision, M. D...se borne à invoquer l'illégalité des décisions refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire ; que ce moyen doit être écarté compte tenu de ce qui précède ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° À destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;
7. Considérant que la décision préfectorale contestée après avoir mentionné que M. D..., né le 19/09/1990 à Moscou (Russie) est de nationalité indéterminée et relevé qu'il " n'établit pas que sa vie ou sa liberté est menacée ou qu'il est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le cadre de l'exécution de la présente décision " énonce qu'à l'expiration du délai de trente jours précédemment fixé, il " pourra être reconduit d'office dans le pays dont il déclare avoir la nationalité ou dans tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible " ; qu'en statuant de la sorte, alors qu'il a lui-même reconnu que la nationalité du requérant n'était pas déterminée et alors que ce dernier n'établit pas être légalement admissible dans quelconque pays, le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 précité ; que, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête la décision fixant le pays de destination doit être annulée ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre la décision désignant le pays à destination duquel il pourra être renvoyé ; que l'annulation de cette décision n'implique pas qu'il soit fait droit aux conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à celles qu'il a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 30 juin 2014 par laquelle le préfet du Rhône a prescrit l'éloignement de M. D...à destination du pays dont il déclare avoir la nationalité ou de tout autre dans lequel il établit être légalement admissible est annulée.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 3 février 2015 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...ainsi qu'au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 18 février 2016 où siégeaient :
- Mme Verley-Cheynel, président de chambre,
- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
- Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mars 2016.
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