3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros qui sera versée à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en se fondant sur des éléments qu'il a cherchés lui-même et s'est substitué au préfet du Rhône sur qui reposait la charge de la preuve de la disponibilité des médicaments. La fiabilité des sources utilisée par le tribunal administratif de Lyon n'est au surplus pas démontrée ;
- le jugement est insuffisamment motivé sur la réponse apportée aux moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur le refus de titre de séjour :
- l'état de santé de ses deux enfants nécessite un traitement dont l'interruption peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et dont ils ne pourront bénéficier dans leur pays d'origine. Pour écarter l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet du Rhône se fonde sur des éléments généraux qui ne peuvent concerner leur cas particulier ;
- le certificat du docteur Lachaux sur lequel s'est fondé le tribunal était obsolète au moment de la décision et n'a pas tenu compte de celui du docteur David du 22 avril 2016 ;
- le tribunal a inexactement apprécié l'atteinte à sa vie privée et familiale ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de l'état de santé des enfants et du fait qu'elle réside en France depuis près de quatre ans avec ses deux enfants à la date de la décision attaquée ; ses enfants y sont scolarisés ; elle est séparée de son époux depuis son arrivée en France dont elle a été victime des violences et avec qui elle a été mariée de force ;
- le tribunal a inexactement apprécié l'atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, au sens de l'article 3-1 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant de continuer de vivre en France au regard de leur parcours scolaire et de leur état de santé et des difficultés psychologiques de son enfantF....
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- Elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.
- Elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- Elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant Mme C... épouseB....
Considérant ce qui suit :
1. MmeE... C..., ressortissante tunisienne née en 1984, mariée avec M. B... en 2004 dont elle a eu deux enfants, F...né en 2006 et Roua née en 2011, expose qu'elle est entrée régulièrement en France le 6 juillet 2013 pour y faire soigner son fils malade qui a subi une transplantation hépatique le 4 septembre 2013 à l'hôpital de Bron. Elle a bénéficié à ce titre d'une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 25 décembre 2013. Sa fille, atteinte de la même maladie que son frère, l'a rejointe à la fin du mois de septembre 2013. A la suite d'un premier rejet, par un arrêté du 7 mai 2015, de la demande de titre de séjour qu'elle avait présentée sur le fondement des articles L. 311-11 (11°) et L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme C... a sollicité, le 18 août 2015, le réexamen de sa situation en demandant la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 novembre 2017 qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 9 mars 2017 par lequel le préfet du Rhône a réitéré son refus de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Sur la régularité du jugement :
2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. Le cas échéant, il lui revient, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toute mesure propre à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente qu'elle lui fasse connaître, alors même qu'elle ne serait soumise par aucun texte à une obligation de motivation, les raisons de fait et de droit qui l'ont conduite à prendre la décision attaquée.
3. En revanche, en dehors des cas où il lui apparaît que la réponse au moyen soulevé doit être fondée sur une décision ou un acte législatif ou réglementaire régulièrement publié, le juge ne peut fonder sa décision sur des éléments d'information nécessaires à l'appréciation de la situation des parties qui ne lui ont pas été soumis par celles-ci et qu'il a recherchés par lui-même, fût-ce en consultant des sources documentaires librement accessibles à tous.
4. Il ressort des termes du jugement attaqué que pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-12 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal s'est fondé sur des éléments d'information librement accessibles au public et, notamment, des indications fournies par le site Internet "santé-tunisie.com" qui ne figuraient pas au dossier, qu'il a recherchées de lui-même, qu'il n'a pas soumis aux parties et dont la fiabilité n'est, au demeurant, pas garantie. Ce faisant, les premiers juges ont, en excédant les limites de leur office, entaché leur jugement d'irrégularité.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Lyon par Mme C....
Sur les conclusions à fin d'annulation :
6. Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ". L'article L. 313-11 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) ". L'article L. 311-12 du même code prévoit que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l'un des parents étranger de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, sous réserve qu'il justifie résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. (...) ".
7. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.
8. Ainsi l'étranger qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé indiquant que son état de santé réclame des soins qui ne sont pas disponibles dans son pays d'origine et dont l'absence pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, doit être regardé comme apportant des éléments de fait laissant présumer l'existence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autorité chargée de délivrer le titre de séjour prévu par l'article L. 313-11, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier si, compte tenu de l'état de santé de l'étranger, un traitement approprié à celui-ci est disponible dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires et des éventuelles mesures d'instruction qu'il peut toujours ordonner.
9. Il ressort des pièces du dossier que par les deux avis qu'il a établis le 10 octobre 2016, à la demande du préfet du Rhône, le médecin de l'agence régionale de santé, a estimé que l'état de santé des deux enfants de MmeC..., souffrant tous deux d'une cholestase intrahépatique progressive familiale (PFIC) de type 3, nécessitait une prise en charge médicale pendant vingt-quatre mois dont le défaut pourrait entraîner pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que les traitements requis pour leur santé n'étaient pas disponibles dans leur pays d'origine.
10. Cette maladie héréditaire rare ayant conduit à une dégradation de l'état de santé du jeune F...en 2013, a nécessité une transplantation hépatique le 4 septembre 2013 qui le contraint à un suivi médical et un traitement par immunosuppresseur à vie. Bien qu'une telle intervention ne soit pas programmée dans l'immédiat, il ressort des pièces du dossier que sa soeur cadette Roua devra également subir une transplantation hépatique et qu'elle bénéficie d'un suivi médical régulier. Par un certificat établi le 22 avril 2016, le docteur David expose que cette enfant suit, en raison de son affection, un traitement comportant les spécialités pharmaceutiques Delursan, Rifadine, vitamines Adec et Atarax et qu'elle a dû être hospitalisée à deux reprises, en février et mars 2016, pour la prise en charge de varices oesophagiennes.
11. S'agissant de la disponibilité des soins et traitements médicamenteux requis par Roua, le préfet du Rhône produit un mail du 19 novembre 2013 du médecin conseil du consulat de France en Tunisie. Ce document par lequel ce médecin se borne à dresser un tableau général des structures d'accueil médicales en Tunisie qui précise que " la plupart des affections sont traitées localement. Certaines affections nécessitant des traitements particuliers et des services hautement spécialisés doivent être prises en charges à l'étrangers et en particulier en France ", ne permet pas d'établir que les traitements spécifiques nécessités par l'état de santé de la fille de Mme C...sont disponibles dans son pays d'origine. Par suite Mme C...est fondée à soutenir que la décision du préfet du Rhône refusant de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d'enfant malade, est entachée d'une erreur d'appréciation en ce qui concerne la disponibilité des soins dans son pays d'origine, et à en demander pour ce motif l'annulation.
12. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont, en l'espèce, intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence. Il suit de là que Mme C...est également fondée à demander l'annulation des décisions par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " Eu égard aux motifs du présent arrêt et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un changement dans les circonstances de fait ou de droit y fasse obstacle, l'annulation des décisions contestées implique nécessairement que le préfet du Rhône délivre à Mme C...l'autorisation provisoire de séjour prévue par les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prescrire cette mesure dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais du litige :
14. Mme C...ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocate, MeA..., peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au profit du conseil de la requérante.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1705102 du tribunal administratif de Lyon du 21 novembre 2017 et la décision du 9 mars 2017 du préfet du Rhône sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme C... l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à Me A...en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...C..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.
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N° 18LY00964
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