- Mme D...et M. E...ne justifient pas de l'antériorité de leur relation ni d'une quelconque communauté de vie avant et après la naissance de l'enfant et alors que M. E... est marié ;
- un lien a été établi entre l'intéressée et un individu identifié comme l'organisateur de reconnaissances frauduleuses ;
- les déclarations de Mme D...et de M. E...apparaissent préalablement élaborées et ne sont pas toujours concordantes en particulier sur la date de conception de l'enfant, conçu selon le CHU de Grenoble entre fin octobre et début novembre alors qu'ils ont déclaré une conception en décembre, ainsi que sur la réaction de M. E...à l'annonce de la grossesse de MmeD... ;
- les procès-verbaux d'audition révèlent qu'ils semblent très peu se connaître ;
- elle n'a pas donné suite à la demande de prélèvement salivaire de son enfant ;
- le délai entre la naissance de l'enfant et la demande de titre de séjour était bref ;
- il n'y a pas de vie commune entre l'enfant et M.E.cependant cohérentes entre elles pour l'essentiel
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2019 Mme D...représentée par Me B... conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais de litige.
Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de l'Isère ne sont pas fondés.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,
- et les observations de Me B...représentant MmeD... ;
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante Nigériane née en 1993, a déclaré être entrée en France en 2012. Elle a accouché à la Tronche (Isère) d'une fille prénommée Favour le 1er août 2014, qui a été reconnue le 24 mai 2014 par M.E..., ressortissant français, qui en a déclaré la naissance à la mairie de la Tronche. La demande de titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français formée par Mme D...en décembre 2014 a été rejetée par un arrêté du préfet de l'Isère du 29 septembre 2016 l'obligeant également à quitter le territoire français. Le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté par un jugement n° 1606244 du 17 janvier 2017 et le préfet de l'Isère a déféré à l'injonction qui lui était faite de délivrer un titre de séjour à MmeD.cependant cohérentes entre elles pour l'essentiel Par un arrêté du 16 février 2018 le préfet de l'Isère a toutefois rejeté la demande de renouvellement de ce titre de séjour et a obligé Mme D...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 juillet 2018 qui a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à Mme D.cependant cohérentes entre elles pour l'essentiel
2. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose à son article L. 313-11 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " et à son article L. 623-1 : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). / Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. / Elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée ".
3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil et s'impose donc, en principe, à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
4. Pour fonder le refus attaqué, le préfet se réfère à l'enquête menée par les services de police et, notamment, sur le résultat de l'interrogation des données du téléphone portable de Mme D...faisant apparaître des contacts entre son numéro personnel et celui d'une personne connue, selon l'officier de police judiciaire qui l'a interrogée, comme un organisateur de reconnaissances frauduleuses d'enfants, deux jours seulement avant le dépôt des demandes de carte nationale d'identité et de passeport pour son fils Favour.
5. A la date à laquelle ces constats ont été opérés, M. E...avait toutefois déjà reconnu plusieurs mois auparavant sa paternité de Favour et celle-ci était née depuis plus d'un mois. Le préfet ne fait état d'aucune condamnation prononcée contre M.E..., alors qu'il ressort des pièces du dossier que le procureur de la République a procédé au classement sans suite l'enquête menée par les services de police à la demande du préfet de l'Isère pour le motif " autres poursuites ou sanctions de nature non pénale " dont il n'est ni établi, ni même soutenu, qu'elles auraient été engagées.
6. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier et, notamment, des déclarations faites par Mme D... et M. E...aux services de police, qu'ils ont entretenu une relation épisodique sans avoir de vie commune, débutée alors que Mme D...se livrait à la prostitution, M. E...étant par ailleurs marié et père de trois enfants adultes. Si leurs déclarations respectives sur cette relation comportent quelques divergences concernant la date à laquelle l'enfant a été conçu, elles demeurent.cependant cohérentes entre elles pour l'essentiel
7. Dans ces conditions les circonstances que Mme D...et M. E...n'ont pas eu de vie commune, qu'ils paraissent connaître assez peu leur vie respectives et que la trace d'un contact d'une personne connue comme organisateur de reconnaissances frauduleuses d'enfants a été retrouvée sur le téléphone de MmeD..., ne permettent pas d'établir que la reconnaissance de paternité par M. E...de l'enfant Favour avait pour objet de permettre à Mme D...de tromper l'administration dans le but d'obtenir un droit à séjourner régulièrement sur le territoire français.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 16 février 2018 par lequel il a rejeté la demande de renouvellement du titre de séjour de Mme D...en l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par Mme D...au titre de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Mme D...relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, et à Mme A...D.cependant cohérentes entre elles pour l'essentiel
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2019 à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
M. Pierre Thierry premier conseiller,
Mme G...F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 21 mai 2019.
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N° 18LY03240