Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 mars 2018 et le 31 août 2018, Mme D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision de la CRRV ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délirer un visa de long séjour dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à venir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d' enjoindre au ministre de 1'intérieur de réexaminer sa situation, sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de visa n'est pas motivée, en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne alors que l'obligation de motivation constitue un corollaire du respect du principe des droits de la défense, selon la CJUE ;
- la décision attaquée méconnait la directive 2004/114 CE du Conseil européen du 13 décembre 2004 relative aux conditions d'admission des ressortissants de pays tiers à des fins d'études notamment au regard de l'arrêt de la Cour de justice de l'union européenne du 10 septembre 2014 C-491/13 Mohamed Ali Ben Alaya/Allemagne, les Etats membres étant tenus d'admettre sur leur territoire les ressortissants de pays tiers qui souhaitent séjourner plus de trois mois à des fins d'études, dès lors que ceux-ci remplissent les conditions d'admission prévues de manière exhaustive par les articles 6 et 7 de cette directive, sans que des conditions supplémentaires puissent lui être opposées ;
- elle est titulaire d'un passeport valide, justifie d'une assurance, ne présente pas de menace pour l'ordre public, est inscrite dans un établissement d'enseignement supérieur français, et obtient de bons résultats ; l'absence de cohérence de son parcours ne peut lui être opposée ;
- elle justifie de ressources suffisantes, son logement et ses besoins financiers étant pris en charge par des proches ; sa soeur est en mesure de la prendre en charge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- Mme D...étant entrée irrégulièrement en France, l'examen de sa situation ne relève plus des autorités consulaires françaises, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la directive n° 2004/114/CE du Conseil du 13 décembre 2004 relative aux conditions d'admission des ressortissants de pays tiers à des fins d'études, d'échange d'élèves, de formation non rémunérée et de volontariat ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Degommier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante camerounaise née le 12 janvier 1995, a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour en qualité d'étudiant afin de préparer un diplôme universitaire technologique (DUT) de " gestion logistique et transports " au sein de l'unité délocalisée à Montluçon de l'université de Clermont-Ferrand. Par une décision du 18 août 2015, les autorités consulaires françaises à Rome ont rejeté sa demande de visa. Mme D...a exercé un recours contre cette décision de refus de visa devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Elle fait appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a implicitement refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'étudiante.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. La circonstance que Mme D...est entrée irrégulièrement sur le territoire français sans visa ne prive pas d'objet la requête de l'intéressée dirigée contre la décision de refus de visa de la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France.. L'exception de non-lieu à statuer soulevée en défense ne peut être accueillie.
Sur la légalité de la décision de la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France :
3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée de la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France .
4. En deuxième lieu, le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union ; il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Lorsqu'il présente une demande de visa puis sollicite le réexamen de sa demande de visa devant la commission de recours, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche volontaire, ne saurait ignorer que cette demande est susceptible de faire l'objet d'un refus sans avoir été préalablement convoqué à un entretien. Mme D...ne peut dès lors utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
5. En troisième lieu, Mme D...se prévaut de la méconnaissance, par le refus de visa en litige, de la directive 2004/114 CE du Conseil européen du 13 décembre 2004 relative aux conditions d'admission des ressortissants de pays tiers à des fins d'études, qui devrait selon elle être interprétée, au vu de l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union européenne C-491/13 du 10 septembre 2014, comme interdisant d'opposer aux ressortissants de pays tiers désireux de venir étudier dans un Etat de l'Union européenne d'autres conditions d'admission que celles qui figurent expressément aux articles 6 et 7 de cette directive, soit une inscription dans un établissement d'études supérieures, la disposition de ressources suffisantes et la détention d'une couverture maladie.
6. Toutefois si, par le point 36 de l'arrêt invoqué du 10 septembre 2014, la Cour de Justice de l'Union européenne a jugé que l'article 12 de la directive 2004/114 devait être interprété " en ce sens que l'État membre concerné est tenu d'admettre sur son territoire un ressortissant de pays tiers qui souhaite séjourner plus de trois mois sur ce territoire à des fins d'études, dès lors que ce ressortissant remplit les conditions d'admission prévues de manière exhaustive aux articles 6 et 7 de cette directive et que cet État membre n'invoque pas à son égard l'un des motifs explicitement énumérés par ladite directive et justifiant le refus d'un titre de séjour ", c'est après avoir rappelé au point 34 de la même décision que " dans le cadre de l'examen des conditions d'admission sur le fondement de la directive 2004/114, rien n'empêche, conformément au considérant 15 de cette directive, les États membres d'exiger toutes les preuves nécessaires pour évaluer la cohérence de la demande d'admission, afin d'éviter toute utilisation abusive ou frauduleuse de la procédure établie par ladite directive ". Mme D...n'est dès lors pas fondée à soutenir que les autorités françaises à l'étranger ne pourraient se fonder, lorsqu'elles sont saisies d'une demande de visa de long séjour " étudiant ", sur le caractère sérieux et cohérent du projet d'étude envisagé, qu'il leur revient d'apprécier.
7. En quatrième lieu, il ressort du mémoire en défense du ministre de l'intérieur devant les premiers juges que, pour rejeter la demande de visa de MmeD..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'absence de cohérence de son projet d'études et l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa.
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme D...a produit, d'une part, un engagement d'hébergement à titre gratuit par Mme A...et, d'autre part, une attestation de prise en charge de l'ensemble de ses besoins par MmeC..., laquelle occupe un emploi à durée indéterminée à temps partiel en qualité d'assistante d'agence pour un salaire qui, au cours du 3ème trimestre 2015, a été compris entre 909 et 915 euros mensuels, soit des ressources insuffisantes pour assumer la charge d'une jeune adulte en plus de ses charges personnelles. Mmle Djoumessi Kana ne peut se prévaloir utilement de l'attestation de prise en charge totale par MmeE..., datée du 8 mars 2017, postérieure à la décision contestée.
9. Par ailleurs, Mme D...fait valoir qu'elle est titulaire d'un passeport valide, justifie d'une assurance, ne présente pas de menace pour l'ordre public, est inscrite dans un établissement d'enseignement supérieur français, et obtient de bons résultats, de sorte que l'absence de cohérence de son parcours ne peut lui être opposée. Toutefois, il n'est pas sérieusement contesté qu'en deux années d'études supérieures en sciences naturelles à l'université de Modène, Mme D...n'a pu valider que trois unités de valeur. Elle n'apporte aucune précision utile sur les motifs de son inscription en DUT " gestion logistique et transports " et sur son projet professionnel et n'établit pas qu'elle n'était pas en mesure de suivre une formation équivalente en Italie, où elle résidait auparavant ou dans son pays d'origine. En revanche, il est constant que deux soeurs et une cousine de la requérante résident à Montluçon. Dans ces conditions, quand bien même Mme D...a réussi depuis lors à valider plusieurs semestres de formation du DUT" gestion logistique et transports ", la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la demande de visa présentée par la requérante au titre des études n'était pas accompagnée de preuves de ressources suffisantes, ne présentait pas un caractère sérieux et cohérent et n'avait été envisagée que dans le but de faciliter son installation en France.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme D...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 mai 2019.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01232