Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 octobre 2017 et 27 février 2018, M. E..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 octobre 2017 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2017 du préfet du Puy-de-Dôme ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 2 de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette même décision méconnaît la liberté d'aller et de venir sur le territoire des Etats de l'espace Schengen au sens de l'article 2 du protocole 4 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. ;
- l'assignation à résidence prise à son encontre est illégale dès lors que l'obligation de quitter le territoire français qui en constitue le fondement est elle-même illégale ;
- cette décision est disproportionnée et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision l'assignant à résidence est illégale en raison de l'illégalité des autres décisions.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n°2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur ;
1. Considérant que M.E..., ressortissant albanais, relève appel du jugement du 18 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2017 du préfet du Puy-de-Dôme portant obligation à quitter le territoire français, interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et assignation à résidence ;
2.Considérant qu'aux termes du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ; " ; qu'aux termes de l'article 11 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 : " Apposition de cachets sur les documents de voyage. / 1. Un cachet est systématiquement apposé sur les documents de voyage des ressortissants de pays tiers à l'entrée et à la sortie. Il est notamment apposé un cachet d'entrée et de sortie (...) " ; qu'aux termes de l'article 12 du même texte : " Présomption concernant les conditions de durée du séjour / 1. Si le document de voyage d'un ressortissant de pays tiers n'est pas revêtu du cachet d'entrée, les autorités nationales compétentes peuvent présumer que son titulaire ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions relatives à la durée du séjour applicables dans l'État membre concerné. (...) / 4. Les dispositions pertinentes des paragraphes 1 et 2 s'appliquent mutatis mutandis en l'absence d'un cachet de sortie. " ; que la présomption de séjour irrégulier instituée par ces dernières dispositions, qui ne présente pas de caractère irréfragable, peut être contestée par tout moyen ;
3. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la décision portant obligation de quitter le territoire que le préfet, qui a estimé que M. E...se maintenait irrégulièrement depuis le 14 février 2017, soit au delà du délai de trois mois durant lequel il était autorisé à séjourner sous couvert de son passeport biométrique, n'a fondé cette décision que sur le seul non-respect par l'intéressé de la condition tenant à la durée de séjour ;
4. Considérant que s'il est constant que son passeport ne mentionne qu'une date d'entrée le 15 novembre 2016, M. E...a produit en appel plusieurs pièces nouvelles, et notamment un bulletin d'hospitalisation en Albanie portant sur la période du 26 juillet au 10 août 2017 ; qu'ainsi, en l'absence de toute contestation de la part de l'administration qui n'a pas présenté de mémoire en défense, M. E...doit être regardé comme établissant, contrairement à ce qu'a retenu le préfet et, après lui, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, qu'il ne s'est pas maintenu irrégulièrement en France sans interruption depuis le 14 février 2017 et qu'ayant séjourné en Albanie au moins du 26 juillet au 10 août 2017, date de la fin de son hospitalisation, il n'était pas présent en France depuis plus de 90 jours à la date à laquelle a été prise l'obligation de quitter le territoire litigieuse ; qu'il est, dès lors, fondé à soutenir que le préfet du Puy-de Dôme ne pouvait présumer qu'il se maintenait en France de façon irrégulière depuis plus de 90 jours du seul fait que son passeport ne comportait pas de cachet établissant une date d'entrée antérieure de moins de 90 jours à la date à laquelle il a été contrôlé ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. E...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire ainsi que, par voie de conséquence, de celles portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et assignation à résidence ;
6. Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. E...de la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1701912-1701913 du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon du 17 octobre 2017 et l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 15 octobre 2017 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. E...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. A...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,
Mme D...C..., première conseillère.
Lu en audience publique le 27 novembre 2018.
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N° 17LY03705