Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 décembre 2020, M. A..., représenté par Me Gungor, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou, à défaut et dans le même délai, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre des frais du litige.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne les moyens, fondés, tirés du défaut de motivation de l'arrêté contesté et d'examen complet de sa situation et cette motivation insuffisante du jugement révèle que les premiers juges n'ont pas porté une appréciation sur les faits de l'espèce ;
- le préfet s'est fondé pour lui refuser un titre de séjour sur des motifs entachés d'inexactitudes matérielles puisqu'il n'a plus aucune relation avec son père depuis septembre 2019 et a toutes ses attaches personnelles et sociales en France ;
- il a méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Michel ;
- et les observations de Me Gungor pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... relève appel du jugement du 26 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juillet 2020 du préfet de l'Isère portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi.
2. Aux termes des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur qui ont été reprises à l'article L. 423-23 de ce code, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, " À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est né en France le 5 août 2001 de parents turcs. Il a bénéficié de 2007 à 2020 d'un document de circulation pour étranger mineur lui permettant de quitter le France et d'y revenir. Il a vécu en Turquie avec ses parents dont il est le fils unique jusqu'à leur divorce prononcé le 14 novembre 2016 par un jugement du tribunal de famille C...) qui a fixé la résidence de l'enfant chez sa mère, qui est retournée vivre en France où elle avait passé son enfance avec ses parents et son frère et étudié, le père de M. A... bénéficiant d'un droit de visite et d'hébergement. Il ressort des attestations circonstanciées versées au dossier, que si ce droit de visite et d'hébergement a permis le maintien des liens entre le père et le fils en dépit d'une relation conflictuelle, ils les ont rompus après une violente dispute au mois de septembre 2019. Comme l'a relevé le tribunal administratif de Grenoble dans le jugement attaqué, M. A..., depuis son retour en France en 2016, a rapidement maîtrisé la langue française et a suivi un parcours scolaire sérieux et assidu qui lui a permis d'obtenir en juillet 2019 un brevet d'études professionnelles puis en juin 2020 un baccalauréat professionnel avec une mention assez bien avant d'être admis dans une école de commerce. Par ailleurs, sa mère ainsi que ses grands-parents maternels sont titulaires de cartes de résident de dix ans et sa tante maternelle, son époux et leurs enfants dont il est proche ont la nationalité française. Dans les circonstances de l'espèce, et alors même que M. A... a vécu jusqu'à l'âge de quinze ans en Turquie, celui-ci est fondé à soutenir que le rejet de sa demande de titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels le préfet de l'Isère a pris cette décision et que le préfet a, par suite, méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision doit pour ce motif être annulée, ensemble par voie de conséquence l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
5. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de l'Isère délivre à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt au ministre de l'intérieur.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2004703 du tribunal administratif de Grenoble du 26 novembre 2020 et l'arrêté du 20 juillet 2020 du préfet de l'Isère sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, présidente rapporteure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.
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N° 20LY03840