2°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de procéder à l'enregistrement de sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travail, dans un délai de 48 heures à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2000573 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision préfectorale précitée du 7 janvier 2020, a enjoint au préfet de Saône-et-Loire de réexaminer le dossier de M. A... dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et de prendre une nouvelle décision sur la demande d'enregistrement de son dossier, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 5 février 2021, le préfet de Saône-et-Loire demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement susmentionné du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que c'est à tort que le jugement contesté a considéré que sa décision du 7 janvier 2020 était entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il pouvait refuser d'enregistrer la demande de titre de séjour en raison de son caractère incomplet, qu'il n'était pas tenu de procéder à l'enregistrement de cette demande pour se prononcer sur l'authenticité des actes d'état civil, que le jugement supplétif et l'acte de naissance présentés par M. A... ne comportaient pas la mention de la date et du lieu de naissance des parents de l'intéressé, mention obligatoire selon l'article 175 du code civil guinéen, et n'ont pas été légalisés par le consul de Guinée en France et qu'il n'est pas démontré que Mme B..., attachée, dispose de la compétence pour légaliser un acte d'état civil guinéen, et qu'ainsi ces actes ne pouvant être considérés comme authentiques et légalisés, ils étaient donc irrecevables au regard de l'article 47 du code civil ; l'identité de l'intéressé ne pouvant être établie, en méconnaissance de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il pouvait être procédé au refus d'enregistrement de la demande de titre de séjour de M. A....
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2021, M. A..., représenté par Me Grenier, conclut à titre principal au non-lieu à statuer sur la requête, à titre subsidiaire, au rejet de la requête, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat au profit de son conseil la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- il n'y a plus lieu de statuer sur la légalité de la décision contestée portant refus d'enregistrement dès lors que par une décision du 20 août 2020, le préfet de Saône et Loire a finalement décidé d'enregistrer sa demande de titre de séjour en refusant de l'admettre au séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français,
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés,
- il justifie de son identité et de sa nationalité.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2007-1205 du 10 août 2007 ;
- l'arrêté du 3 septembre 2007 relatif aux conditions d'application du décret n° 2007-1205 du 10 août 2007 relatif aux attributions du ministre des affaires étrangères, des ambassadeurs et des chefs de poste consulaire en matière de légalisation d'actes ;
- le code de justice administrative ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 et le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivière ;
- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 7 janvier 2020, le préfet de Saône-et-Loire a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour au titre de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, présentée par M. A... qui indiquait vouloir terminer son apprentissage en Bac Pro " commercialisation et service en restauration " au sein de la société Expresso-T. A la demande de ce dernier, ressortissant guinéen se disant né le 22 mars 2001, entré en France le 21 août 2017 et confié aux services de l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité, le tribunal administratif de Dijon par jugement n° 2000573 du 17 décembre 2020 a annulé cette décision. Le préfet de Saône-et-Loire relève appel de ce jugement.
Sur l'exception de non-lieu :
2. Eu égard à la portée de la décision du 7 janvier 2020 qui refuse de fait la délivrance d'un titre de séjour, la circonstance que, par un arrêté du 20 août 2020, le préfet de Saône-et-Loire a de nouveau refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., après avoir réexaminé l'ensemble de sa situation, ne prive pas d'objet les conclusions d'appel relative à la légalité de ce premier refus
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable: " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
4. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de "salarié" ou "travailleur temporaire", présentée sur le fondement des dispositions précitées, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance (ASE) entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
5. Aux termes de l'article R. 311-2-2 alors applicable du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ". Aux termes de l'article L. 111-6 alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ", lequel dispose que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
7. Le juge doit alors se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
8. La formalité de la légalisation des actes de l'état civil établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France demeure, selon la coutume internationale et sauf convention internationale contraire, obligatoire pour y recevoir effet. Cette formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu, est obligatoire notamment pour les Etats qui, comme la Guinée, ne sont pas signataires de la convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers ou d'autres accords internationaux. Elle peut être effectuée, en France, par le consul du pays où l'acte a été établi ou par le consul de France dans le pays d'origine de l'étranger. Il suffit, pour qu'un acte de l'état civil étranger soit légalisé et puisse être produit en France, que la signature de la personne ayant dressé l'acte ou délivré copie de cet acte soit légalisée par le chef de la chancellerie du ministère des affaires étrangères du pays où l'acte a été établi, et que le consul du pays où l'acte a été établi légalise lui-même en France la signature du chef de la chancellerie.
9. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée a été prise sur le fondement des dispositions précitées au point 5 de l'article R. 311-2-2 aux motifs que M. A..., qui a produit une carte d'identité consulaire, un jugement supplétif, sa transcription et une attestation en date du 31 mai 2019 de fin d'enrôlement des passeports biométriques par l'ambassade de la République de Guinée en France, qui ne sont pas recevables au regard de l'article 47 du code civil, ne peut justifier de sa véritable identité. A l'appui de sa demande de titre de séjour, l'intéressé a en effet produit une carte d'identité consulaire, simple document à usage interne pour les services de l'administration guinéenne ayant pour vocation d'attester de la résidence à l'étranger d'un ressortissant et ne constituant pas un document d'identité valable sur le territoire français. En outre, M. A... a produit un jugement supplétif du 18 février 2019 du tribunal de première instance de Macenta, tenant lieu d'acte de naissance, comportant une légalisation de la signature du juge ayant rendu ce jugement en date du 26 mars 2019 émanant de la directrice des affaires juridiques et consulaires du ministère des affaires étrangères de la République de Guinée et comportant comme signature de cette légalisation, celle de " Mama Aïssata D..., juriste ", une légalisation de la signature du greffier en chef en date du 16 avril 2019 émanant de Mme C... B..., attachée, ainsi qu'une transcription en marge des registres de l'état-civil de ce jugement, intervenue le 4 mars 2019 par un officier de l'état-civil de la commune de Macenta, comportant la légalisation de sa signature émanant successivement de Mme D..., le 26 mars 2019 et de Mme B..., le 16 avril 2019.
10. Toutefois, il n'est pas démontré, notamment par la production d'une attestation du 9 juin 2020 de l'ambassadeur de la République de Guinée en France, dénuée de valeur probante, que signataires étaient compétentes pour procéder à une telle légalisation. En outre, l'intéressé n'a apporté aucune justification sur les raisons pour lesquelles il a été contraint de solliciter un jugement supplétif pour justifier de son identité. Enfin, M. A... produit une attestation en date du 31 mai 2019 du consulat de l'ambassade de la République de Guinée en France, qui ne saurait établir son identité, et un certificat de nationalité en date du 21 janvier 2020, postérieur à la décision contestée et qui, en tout état de cause, a été établi au vu notamment du jugement supplétif précité. Dès lors, c'est à bon droit que le préfet de Saône-et-Loire, qui a opposé tant en première instance qu'en appel le défaut de légalisation régulière du jugement supplétif précité et de sa transcription en marge des registres de l'état-civil, a estimé que M. A... ne pouvait pas légalement attester de son identité dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment de sa minorité lors de son entrée en France. Par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision en litige, le tribunal administratif de Dijon a retenu que le préfet avait à cette occasion commis une erreur de droit.
11. Il résulte de tout ce qui précède, en l'absence de moyens dont la cour pourrait être saisie par l'effet dévolutif de l'appel, que le préfet de Saône-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé sa décision du 7 janvier 2020 et par suite à demander l'annulation de ce jugement. Dans ces conditions, les conclusions présentées en appel par M. A... au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 2000573 du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Dijon sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Dijon et ses conclusions en appel, dont celles au titre des frais du litige, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... A.... Copie sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, présidente-assesseure,
M. Rivière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.
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N° 21LY00371