Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 2 août 2021, Mme A..., représentée par l'AARPI Ad'vocare, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, en lui délivrant, dans l'attente, dans un délai de deux jours, une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme A... soutient que :
- sa requête d'appel, présentée dans le délai d'appel, est recevable ;
- le jugement, qui a été rendu par un magistrat statuant seul, en lieu et place d'une formation collégiale du tribunal, qui a refusé d'examiner des pièces rédigées en langue étrangère, est irrégulier ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour le préfet a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant le titre de séjour et de l'illégalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire.
Le préfet du Puy-de-Dôme auquel la requête a été communiquée n'a pas produit d'observations.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante kosovare née le 1er mars 1982, est entrée en France le 7 août 2019. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 4 décembre 2020. Elle avait déposé le 5 mars 2020 une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de son état de santé. Mme A... relève appel du jugement du 24 juin 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2021 du préfet du Puy-de-Dôme portant refus de lui délivrer un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, avant comme après leur modification par la loi du 10 septembre 2018, les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle, dans l'hypothèse où un étranger à qui a été refusée la reconnaissance de la qualité de réfugié ou la protection subsidiaire, a également présenté une demande tendant à la délivrance ou au renouvellement d'un titre de séjour, à ce que l'autorité administrative assortisse le refus qu'elle est susceptible d'opposer à cette demande d'une obligation de quitter le territoire français fondée à la fois sur le 3° et sur le 6° du I de cet article. En outre, il résulte des dispositions du I et du I bis de cet article que, lorsqu'une décision relative au séjour est intervenue concomitamment et a fait l'objet d'une contestation à l'occasion d'un recours dirigé contre une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1, cette contestation suit le régime contentieux applicable à l'obligation de quitter le territoire, alors même qu'elle a pu être prise également sur le fondement du 3° du I de cet article. Dès lors, les dispositions du I bis de l'article L. 512-1 ainsi, notamment, que celles de l'article R. 776-26 du code de justice administrative sont applicables à l'ensemble des conclusions présentées devant le juge administratif dans le cadre de ce litige, y compris celles tendant à l'annulation de la décision relative au séjour.
3. En l'espèce, l'obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de Mme A... est notamment fondée sur le 6°) de l'article L. 511-1 du code précité et est concomitante à un refus de séjour. Par suite, le jugement de l'affaire relevait en principe de la compétence du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et non, comme le soutient Mme A..., d'une formation collégiale du tribunal.
4. En deuxième lieu, si le magistrat désigné du tribunal a indiqué que certaines des pièces produites par Mme A... étaient rédigées en langue albanaise ou anglaise sans être traduites, il ne les a pas écartées des débats pour ce motif mais les a au contraire prises en considération pour porter une appréciation sur le bien-fondé de la demande de Mme A.... Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le magistrat aurait dû se procurer leur traduction avant de les écarter.
Sur la légalité des décisions :
5. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".
6. Par avis du 16 juin 2020, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé mais, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ajoute que l'intéressée peut voyager sans risque vers son pays d'origine.
7. Il ressort des pièces du dossier que lorsque la maladie de Hodgkin dont Mme A... est atteinte a été diagnostiquée, elle a dû se rendre en Turquie pour y être soignée et que son traitement a été financé pour partie par l'Etat kosovar et pour partie grâce à des fonds que sa famille a réunis. Toutefois, si ces éléments démontrent que les soins dont elle avait alors besoin ont dû lui être prodigués en dehors du Kosovo, son état de santé a évolué depuis. Le certificat médical établi par un médecin hématologue du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand le 25 janvier 2021 mentionne ainsi qu'elle fait l'objet d'un suivi pour le lymphome Hodgkin " actuellement en rémission " et précise qu'elle ne pourra être considérée comme guérie que cinq ans après la fin du traitement. Toutefois, ce certificat, qui ne comporte aucune mention sur la nature du traitement dont elle a actuellement besoin, ne permet pas d'infirmer l'avis du collège des médecins de l'OFII selon lequel elle peut désormais effectivement bénéficier du traitement approprié à sa pathologie au Kosovo. Aucune autre pièce du dossier ne permet d'infirmer l'appréciation portée sur l'accès effectif au traitement approprié à la pathologie de la requérante dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur.
8. Il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
9. Mme A... n'est pas plus fondée à exciper de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour et de celle l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, se requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Bourg. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 10 février 2022, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, présidente assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2022.
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N° 21LY02691