Par une requête enregistrée le 22 février 2019 la garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal.
Elle déclare s'en remettre aux écritures produites en première instance et soutient en outre que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'est signé ni par le président, ni par le rapporteur ;
- le placement à l'isolement n'était plus le seul moyen d'assurer la sécurité et l'intégrité physique de M. A... dont l'état psychique était indépendant des conditions de détention.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2019, M. C... A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est tardive ;
- les moyens soulevés par la garde des sceaux, ministre de la justice, ne sont pas fondés.
Un mémoire enregistré le 9 octobre 2020 présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas été communiqué.
M. C... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 23 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... ;
- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., condamné à une peine de huit années de réclusions criminelle et en détention depuis le 18 mars 2016, a été placé à l'isolement, à sa demande, du 4 avril au 17 août 2016 puis du 26 août 2016 au 13 janvier 2017, en raison de risques pour sa sécurité liés au motif de sa condamnation et à son état suicidaire. Le 13 janvier 2017, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Centre-Est a décidé la mainlevée de la mise à l'isolement. Le garde des sceaux, ministre de la justice, relève appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision et a enjoint à l'administration pénitentiaire de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) ". Il résulte de l'article R. 751-4-1 du même code que lorsque la décision est notifiée par la voie de l'application informatique Télérecours aux parties qui sont inscrites dans cette application, ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai.
3. Il ressort du dossier de première instance que le jugement attaqué a été mis à la disposition du ministre de la justice dans l'application Télérecours le 21 décembre 2018. S'il ressort de l'accusé de réception électronique que le ministre de la justice l'a consulté le 27 décembre 2018, il est réputé en avoir reçu notification régulière au plus tard le 23 décembre 2018, en application de l'article R. 751-4-1 du code de justice administrative. La requête d'appel reçue par Télérecours le 22 février 2019 n'est pas tardive.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue. ". Aux termes de l'article 726-1 du code de procédure pénale : " Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d'office. Cette mesure ne peut être renouvelée pour la même durée qu'après un débat contradictoire, au cours duquel la personne concernée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. L'isolement ne peut être prolongé au-delà d'un an qu'après avis de l'autorité judiciaire. (...). ". Aux termes de l'article R. 57-7-73 de ce code : " Tant pour la décision initiale que pour les décisions ultérieures de prolongation, il est tenu compte de la personnalité de la personne détenue, de sa dangerosité ou de sa vulnérabilité particulière, et de son état de santé (...). ".
5. Compte tenu des risques que comportent pour le détenu la mise à l'isolement, de la limitation de la durée de la mise à l'isolement qui résulte des dispositions citées au point 4, de la nécessité d'assurer à l'intéressé une détention moins contraignante lui permettant de participer à des activités de formation ou de travail dans une perspective de réinsertion et de la possibilité d'aménager le régime de détention ordinaire en prévoyant notamment des modalités de surveillance adaptées à sa situation, le directeur interrégional des services pénitentiaires n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que le maintien à l'isolement de M. A... ne se justifiait plus pour assurer sa protection, malgré sa fragilité psychologique et ses craintes pour son intégrité physique liées au motif de sa condamnation, qui n'étaient plus fondées à la date de la décision litigieuse, ou à sa prétendue orientation sexuelle ou à sa confession. C'est dès lors à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé pour ce motif la décision du 13 janvier 2017.
6. Toutefois il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'avocat de M. A... devant le tribunal administratif de Lyon.
7. Aux termes de l'article R. 57-7-64, du code de procédure pénale, applicable à la procédure de placement à l'isolement sur demande de la personne détenue en vertu de l'article R. 57-7-72 du même code : " (...) Le chef d'établissement, après avoir recueilli préalablement à sa proposition de prolongation l'avis écrit du médecin intervenant à l'établissement, transmet le dossier de la procédure accompagné de ses observations au directeur interrégional des services pénitentiaires lorsque la décision relève de la compétence de celui-ci ou du ministre de la justice. / La décision est motivée. Elle est notifiée sans délai à la personne détenue par le chef d'établissement. ".
8. Ni les dispositions citées au point 7, ni aucun autre texte, ne prescrivent à peine d'irrégularité de la procédure la communication à la personne détenue de l'avis écrit du médecin.
9. La décision du 13 janvier 2017 énonce de manière suffisamment circonstanciée les motifs qui ont conduit le directeur interrégional des services pénitentiaires à lever la mesure d'isolement de M. A... à compter du 13 janvier 2017. Elle satisfait ainsi à l'obligation de motivation. Les conditions de sa notification n'ont pas porté atteinte à son droit au recours effectif garanti par les articles 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 13 janvier 2017 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Centre-Est et a enjoint à l'administration pénitentiaire de réexaminer sa situation.
Sur les frais du litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°s 1700238, 1700462 du tribunal administratif de Lyon du 20 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, et à M. C... A....
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, président,
M. D..., premier conseiller,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.
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N° 19LY00735