Procédure devant la cour
I. Par une requête enregistrée le 5 juillet 2019 sous le n° 19LY02604, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'annuler le jugement et de rejeter la demande de M. C....
Il soutient que son arrêté ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu du sens de l'avis du collège de médecins de l'OFII et de ce que le médicament prescrit à M. C... n'est pas commercialisé en France.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 septembre 2019, M. C..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au profit de son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- le préfet qui n'a pas examiné sa demande de titre de séjour et s'est estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII, a commis une double erreur de droit ;
- son arrêté n'est pas motivé en droit et en fait ;
- il a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une décision du 25 septembre 2019, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
II. Par une requête enregistrée le 5 juillet 2019 sous le n° 19LY02606, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'ordonner, sur le fondement des articles R. 811-15, R. 811-16 et R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1903738 du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 2 juillet 2019.
Il soutient que :
- le moyen qu'il soulève dans la requête au fond est sérieux ;
- la délivrance d'un titre de séjour en exécution du jugement attaqué serait en contradiction avec l'avis du collège de médecins de l'OFII ;
- l'exécution du jugement attaqué expose l'Etat à la perte définitive de la somme mise à sa charge au titre des frais du litige.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 septembre 2019, M. C..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au profit de son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que :
- le moyen soulevé par le préfet dans la requête au fond n'est pas sérieux ;
- surseoir à l'exécution du jugement attaqué aurait des conséquences difficilement réparables à son égard ;
- il n'y a pas de risque de perte définitive de l'indemnité allouée à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par une décision du 25 septembre 2019, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Il y a lieu de joindre, pour qu'il y soit statué par un même arrêt, les requêtes visées ci-dessus qui sont dirigées contre le même jugement.
2. M. C..., ressortissant kosovare, est entré irrégulièrement en France le 15 septembre 2015 et a demandé l'asile qui lui a définitivement refusé par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 1er décembre 2017. Par un arrêté du 25 avril 2019, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 2 juillet 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble. Le préfet de la Haute-Savoie demande l'annulation de ce jugement par sa requête 19LY02604 et qu'il soit sursis à son exécution par sa requête 19LY02606.
Sur la requête n° 19LY02604 :
3. En vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public à : " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". En vertu du 10° de l'article L. 511-4 de ce code, ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement : " L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". L'article R. 511-1 du même code prévoit que l'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
4. Il ressort des mentions de l'arrêté litigieux, de l'avis émis le 15 mars 2019 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et de la requête de première instance de M. C..., que celui-ci a invoqué le bénéfice des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Selon l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale et si le défaut de prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays de renvoi, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
5. Si M. C... souffre d'une maladie génétique affectant plus particulièrement les muscles et le fonctionnement de la chaîne respiratoire, l'ensemble des documents médicaux qu'il produit n'est pas de nature à établir qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié au Kosovo et à remettre en cause l'appréciation du préfet quant à la possibilité qu'il puisse bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, contrairement à ce qu'a jugé le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble.
6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que ce magistrat s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté litigieux.
7. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Grenoble.
8. Ainsi qu'il a été dit au point 4, M. C... s'est borné à invoquer le bénéfice des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le rejet définitif de sa demande d'asile. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet, en n'examinant pas s'il remplissait les conditions requises pour bénéficier d'une carte de séjour temporaire pour raison de santé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait commis une erreur de droit. Pour le même motif, il n'est pas davantage fondé à soutenir que l'arrêté litigieux, en ce qu'il lui refuse un titre de séjour en raison de son état de santé, ne serait pas motivé en droit et en fait.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par l'avis émis le 15 mars 2019 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour décider de refuser de délivrer un titre de séjour à l'intéressé.
10. Il résulte également de ce qui a été dit au point 4 que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme non fondé.
11. Eu égard à la durée de la présence de M. C... sur le territoire français, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris son arrêté.
12. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que le préfet de la Haute-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le magistrat désigné a annulé son arrêté. Le jugement doit par suite être annulé et la demande de M. C... devant le tribunal administratif de Grenoble doit être rejetée.
Sur la requête 19LY02606 :
13. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 1903738 du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble, les conclusions de la requête n° 19LY02606 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont ainsi privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur les frais du litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du l'Etat, qui n'est pas la partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 19LY02606.
Article 2 : Le jugement n° 1903738 du 2 juillet 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme B..., président assesseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 14 novembre 2019.
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Nos 19LY02604, 19LY02606