Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 mai 2017, la société Babylone Avenue Architectes, représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes ;
2°) de condamner la commune de Challes-les-Eaux à lui verser la somme de 83 746,62 euros TTC, assorties des intérêts moratoires et de la capitalisation ;
3°) d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre de 58 436,04 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Challes-les-Eaux la somme de 5 000 euros au titre des frais du litige.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car il a déclaré irrévocable le décompte de résiliation sans tenir compte du délai anormalement long d'acheminement de la réclamation postée en temps utile ;
- à l'occasion de l'établissement du décompte, la commune a, de manière injustifiée, remis en cause le volume des prestations qu'elle avait réalisées et réduit le montant de la rémunération qui lui était due qui s'élève à ce titre à 134 817,16 euros TTC ;
- le calcul de l'indemnité de résiliation est erroné compte tenu de ce qui précède et de l'intégration du montant des honoraires réglés au titre de la mission de conseil ;
- les réfactions opérées au titre de divers travaux sont infondées ;
- en conséquence de ce qui précède, le solde du décompte de résiliation s'élève à 70 022,26 euros ;
- l'indication des bases de la liquidation sur le titre exécutoire contesté est insuffisante et en tout cas de nature à induire en erreur, dès lors que le montant de la TVA n'est pas indiqué dans la rubrique prévue à cet effet et qu'il n'est pas précisé sous la rubrique " somme due " si le montant est réclamé TTC ou HT ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ce vice n'est pas pallié par le renvoi à des courriers et pièces antérieurement adressés ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que le titre de perception ne constituant qu'une ampliation, il n'avait pas à indiquer la qualité de la personne qui l'a émis, en méconnaissance du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;
- la créance de la commune est infondée compte tenu de ce qui précède.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 septembre 2018, la commune de Challes les Eaux, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Babylone Avenue Architectes au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Babylone Avenue Architectes ne sont pas fondés.
Un mémoire enregistré le 25 septembre 2019 présenté pour la société Babylone Avenue Architectes n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... ;
- les conclusions de Mme E... ;
- les observations de Me D..., représentant la société Babylone Avenue Architectes et celles de Me B..., représentant la commune de Challes-les-Eaux.
Considérant ce qui suit :
1. Au mois de janvier 2006, la commune de Challes-les-Eaux (Savoie) a confié à un groupement constitué de la société Babylone Avenue Architectes, mandataire, et de la société Séchaud et Bossuyt, aux droits de laquelle est venue en dernier lieu la société Grontmij, la maîtrise d'oeuvre des travaux d'aménagement des espaces extérieurs de son centre-ville et de la traverse de la RN 6. Ce marché de maîtrise d'oeuvre a été résilié par la commune au mois de juillet 2013. Elle a alors établi un décompte de résiliation dégageant un solde débiteur de 48 859,57 euros HT pour la société Babylone Avenue Architectes et de 5 807,37 euros HT pour la société Grontmij. Le 11 juin 2014, le maire a émis à leur encontre les titres exécutoires correspondant. Par une requête commune, les deux sociétés ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune à leur verser respectivement 83 746,62 euros TTC et 79 878,87 euros TTC en règlement du solde de leur marché et par requêtes distinctes, elles ont demandé chacune en ce qui la concerne l'annulation des titres exécutoires et la décharge de l'obligation de payer. La société Babylone Avenue Architectes relève appel du jugement du 14 mars 2017 en tant qu'il a rejeté ses conclusions.
2. En premier lieu, aux termes du 4 de l'article 35 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles approuvé par le décret du 26 décembre 1978, auquel se réfère le cahier des clauses administratives particulières du marché : " La résiliation fait l'objet d'un décompte qui est arrêté par la personne publique et notifié au titulaire. Les stipulations du 32 de l'article 12 sont applicables à ce décompte ". Selon le 32 de l'article 12 : " Toute réclamation sur un décompte doit être présentée par le titulaire à la personne publique dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte. / Passé ce délai, le titulaire est réputé avoir accepté le décompte. ". Le 3 de l'article 2 précise que : " Sauf stipulation différente, tout délai imparti dans le marché commence à courir le lendemain du jour où s'est produit le fait qui sert de point de départ à ce délai. / Lorsque le délai est fixé en jours, il s'entend en jours de calendrier et il expire à la fin du dernier jour de la durée prévue. / (...) Lorsque le dernier jour d'un délai est un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé, le délai est prolongé jusqu'à la fin du premier jour ouvrable qui suit. ". Le 42 de cet article 2 ajoute que : " Les communications du titulaire avec la personne publique auxquelles le titulaire entend donner date certaine sont soit adressées par lettre recommandée, ou télégramme, avec demande d'avis de réception postal, soit remises contre récépissé à la personne responsable du marché. " et le 43 que : " L'avis de réception, le reçu ou l'émargement donné par le destinataire font foi de la notification. La date de l'avis de réception postal ou du récépissé est retenue comme date de notification de la décision ou de remise de la communication. ".
3. Il résulte de ces stipulations que le prestataire dispose d'un délai de quarante-cinq jours à compter de la date à laquelle il a reçu notification du décompte de résiliation pour faire parvenir à la personne publique un mémoire en réclamation. Si, avant l'expiration de ce délai, la personne publique n'a pas reçu le mémoire contestant le décompte de résiliation, celui-ci devient définitif et ne peut plus être contesté. Il en irait autrement dans l'hypothèse où le titulaire établit qu'il a remis son mémoire en réclamation aux services postaux en temps utile afin qu'il parvienne avant l'expiration du délai applicable compte tenu du délai d'acheminement normal du courrier.
4. Il résulte de l'instruction que la commune de Challes-les-Eaux a notifié le 7 octobre 2013 à la société Babylone Avenue Architectes le décompte de résiliation. La société a adressé le 18 novembre 2013 son mémoire en réclamation à la personne publique qui l'a réceptionné le 25 suivant alors qu'il devait lui parvenir au plus tard le 21 novembre 2013. Si le délai d'acheminement du mémoire en réclamation a été anormalement long, la société Babylone Avenue Architectes ne peut néanmoins être regardée comme ayant accompli les diligences utiles pour permettre la réception de son mémoire avant l'expiration du délai de quarante-cinq jours. Il s'ensuit que sa réclamation était tardive, de sorte que le décompte de résiliation notifié le 7 octobre 2013 a acquis un caractère définitif et ne pouvait plus être contesté devant le tribunal administratif qui a donc justement rejeté pour ce motif ses conclusions indemnitaires, alors même qu'il a estimé, à tort, qu'elle ne pouvait utilement se prévaloir du délai anormalement long d'acheminement du courrier.
5. En second lieu, aux termes du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " Une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable sous pli simple (...). / En application de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis (...) ".
6. Le titre exécutoire contesté par la société Babylone Avenue Architectes, s'il indique le nom et le prénom de l'ordonnateur, ne comporte pas la mention de sa qualité, qui ne peut se déduire du tampon de la mairie apposé sur sa signature. Il ne résulte pas de l'instruction que le titre exécutoire était accompagné d'une lettre de notification qui comportait cette information. Il est par conséquent irrégulier.
7. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Le caractère irrévocable du décompte fait obstacle à la demande de décharge de l'obligation de payer de la société Babylone Avenue Architectes la somme 58 436,04 euros.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que la société Babylone Avenue Architectes est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin d'annulation du titre exécutoire émis à son encontre. Le jugement doit dès lors être annulé dans cette mesure, ainsi que le titre exécutoire.
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des frais du litige.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°s 1404525, 1405578, 1405580 du tribunal administratif de Grenoble du 14 mars 2017 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de la société Babylone Avenue Architectes tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 190.
Article 2 : Le titre exécutoire visé ci-dessus est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Babylone Avenue Architectes et à la commune de Challes-les-Eaux.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme A..., président assesseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 octobre 2019.
A...
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N° 17LY02069