Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 26 décembre 2018 et des mémoires enregistrés le 2 mai et le 31 juillet 2019, la SCI Laubilie, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 octobre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du maire de la commune de Loire-sur-Rhône refusant de rétablir le double sens de circulation sur l'avenue de la Gare du 3 avril 2017, qui s'est substituée à sa décision implicite ;
3°) de condamner la commune de Loire-sur-Rhône à lui verser une indemnité d'un montant de 978 936 euros, à parfaire, outre intérêts et capitalisation de ces intérêts en réparation du préjudice subi ;
4°) d'enjoindre au maire de la commune de Loire-sur-Rhône de rechercher sous quinze jours une solution pour rétablir son droit d'accès à la voie publique ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Loire-sur-Rhône une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune n'établit pas que la modification du sens de circulation de l'avenue de la Gare était justifiée par des motifs de protection du domaine ou des considérations liées à l'ordre public ;
- les véhicules d'un gabarit important doivent effectuer des manoeuvres dangereuses et l'accès des poids-lourds à son établissement n'est pas possible ;
- les bâtiments implantés sur sa propriété sont à usage d'activités des secteurs secondaire ou tertiaire et impliquent que des poids-lourds puissent y accéder ;
- elle ne dispose d'aucun autre accès et d'autres mesures moins contraignantes auraient pu être envisagées ;
- elle subit un préjudice anormal et spécial qui doit être évalué à la somme de 978 936 euros dès lors qu'elle n'a pu louer ses locaux depuis le départ du dernier locataire le 30 avril 2011.
Par des mémoires enregistrés le 18 avril et le 9 juillet 2019 et le 3 février 2020, ce dernier non communiqué, la commune de Loire-sur-Rhône, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre une somme de 2 500 euros à la charge de la SCI Laubilie en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 9 janvier 2020, l'instruction a été close au 3 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme D...,
- et les observations de Me A..., représentant la SCI Laubilie et celles de Me C..., représentant la commune de Loire-sur-Rhône ;
Considérant ce qui suit :
1. La S.C.I. Laubilie est propriétaire d'un terrain situé au droit de la route nationale 86, devenue RD 386, dénommée route de Beaucaire, sur le territoire de la commune de LoiresurRhône, sur lequel sont édifiés des locaux à usage d'activités des secteurs secondaire ou tertiaire. Par un courrier du 23 janvier 2017, la SCI Laubilie a demandé au maire de la commune de Loire-sur-Rhône de rétablir la circulation à double sens sur l'avenue de la Gare qui dessert sa propriété et de l'indemniser du préjudice correspondant aux pertes de loyers qu'elle dit subir depuis 2002, année d'instauration d'un sens unique de circulation sur l'avenue de la Gare. La SCI Laubilie relève appel du jugement du 24 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, d'une part, rejeté sa demande d'annulation de la décision du 3 avril 2017 du maire, substituée au refus implicite initial, rejetant cette demande, et d'autre part, ses conclusions indemnitaires.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il ressort des pièces du dossier qu'en 2002 la commune de Loire-sur-Rhône et les services de l'Etat ont réalisé des aménagements sur la RN 86 qui se sont accompagnés de l'instauration d'un sens unique de circulation sur la voie qui permet d'accéder à la gare et à la propriété de la SCI requérante depuis la RN 86. Ces aménagements avaient pour objet d'améliorer la sécurité publique, notamment en évitant le croisement de véhicules et le débouché de deux accès très proches sur la RN. Ils ont également permis d'interdire aux automobilistes souhaitant se rendre place de la Gare en venant du nord de couper la voie de circulation en sens inverse de cette route, située dans un secteur densément urbanisé et très fréquentée. La seule circonstance que d'autres aménagements auraient pu alors être envisagés et réalisés ne suffit pas à établir que la solution alors retenue ne serait pas adaptée à la configuration des lieux. Le maintien de cet aménagement apparaît ainsi motivé par un souci de sécurité.
3. S'il ressort des pièces du dossier, et notamment des constats d'huissier produits par la requérante elle-même, que les conditions de circulation et surtout de manoeuvre des véhicules poids-lourds, notamment ceux articulés, sont devenus plus délicates compte tenu de la configuration des lieux et des règles de circulation, la SCI Laubilie n'a cependant pas été privée du droit d'accéder à sa propriété, dès lors que seul l'accès des poids-lourds d'un grand gabarit est rendu plus difficile. La circonstance que la propriété de la société requérante ne disposerait ni en fait ni en droit d'un accès alternatif est ainsi sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Si l'accès à ce tènement est par ailleurs rendu plus difficile du fait de la présence de véhicules stationnés à proximité de la gare, en dehors des emplacements prévus à cet effet, il est cependant loisible à la société de solliciter du maire qu'il fasse usage de ses pouvoirs de police administrative en matière de stationnement.
4. Il résulte de ce qui précède que la SCI Laubilie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande à fin d'annulation de la décision contestée.
Sur les conclusions indemnitaires :
5. Si, en principe, les modifications apportées à la circulation générale et résultant de changements effectués dans la direction ou l'aménagement des voies publiques ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité, il en va autrement dans le cas où ces modifications ont pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des riverains à la voie publique. Il appartient, dans cette hypothèse, aux intéressés d'établir qu'ils subissent, dans les circonstances de l'espèce, un préjudice grave et spécial.
6. Il résulte de l'instruction, et notamment du constat d'huissier dressé le 8 novembre 2017 à la demande de la société requérante et des photographies produites, que si l'accès aux locaux de la SCI Laubilie, qui ne peut s'effectuer qu'en provenance du sud de l'avenue de la Gare, est difficile pour certains véhicules poids-lourds articulés, ainsi que précisé au point 3, il ne l'est pas pour des véhicules utilitaires de moindre gabarit qui peuvent y accéder, le cas échéant en marche arrière sans difficultés particulières. Contrairement à ce que soutient la société requérante il n'est pas davantage établi que l'accès de ces poids-lourds en marche avant serait exigé par la configuration des lieux. Il n'est en outre pas établi que les locaux de la société requérante ne pourraient pas abriter les activités d'opérateurs qui ne nécessitent pas de recourir à de tels attelages. Dans ces conditions, ces modifications apportées au sens de circulation il y a plus de quinze ans, ne peuvent être regardées comme ayant eu pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des entreprises locataires, ou désirant le devenir, de la SCI Laubilie.
7. Il résulte de ce qui précède que la SCI Laubilie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Compte tenu de ses motifs, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution spécifique. Les conclusions à fin d'injonction présentées par la société requérante doivent dès lors être rejetées.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Laubilie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Loire-sur-Rhône, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse à la SCI Laubilie une somme au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à ce titre une somme à la charge de la SCI Laubilie.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Laubilie est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Loire-sur-Rhône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Laubilie et à la commune de Loire-sur-Rhône.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. B..., président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
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N° 18LY04668