Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 7 juillet 2015, ainsi que par un mémoire enregistré le 2 novembre 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 mai 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2012 du ministre de l'éducation nationale ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, à titre principal, de le réintégrer dans son emploi de proviseur adjoint au lycée Gabriel Fauré à Annecy et de reconstituer sa carrière, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire et dans les mêmes conditions d'astreinte, de statuer à nouveau sur son affectation en tenant compte de ses attaches géographiques familiales et de sa situation personnelle ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de garantir, selon ses droits acquis, le traitement de sa demande de participation au mouvement de mutation des personnels de direction à compter de la notification de l'arrêt à intervenir pour l'année en cours ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté litigieux ne relevait pas d'une sanction déguisée, qui ne pouvait intervenir qu'après mise en oeuvre de la procédure prévue en matière disciplinaire, qui prévoit la consultation du conseil de discipline ; le dossier qu'il a pu consulter n'était pas complet, en absence de la note du 3 juillet 2012 ;
- à titre subsidiaire, la décision litigieuse constituait, à tout le moins, une mesure prise en considération de la personne, ce qui imposait qu'il puisse avoir communication de son dossier ;
- la mesure est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales .
Par un mémoire enregistré le 18 juillet 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.
Le ministre s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi de finances du 22 avril 1905 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Samson-Dye, rapporteur,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
- les observations de M.B....
1. Considérant que M. B..., membre du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2012 par lequel le ministre de l'éducation nationale, après avoir mis fin à la suspension de ses fonctions de proviseur adjoint au lycée général et technologique Gabriel Fauré à Annecy, lui a retiré cet emploi à compter du 21 décembre 2012 et l'a affecté, à compter du 1er janvier 2013, à l'emploi de proviseur adjoint au lycée du Dauphiné à Romans-sur-Isère ;
Sur la légalité de l'arrêté litigieux :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
2. Considérant que M. B... soutient que la mutation d'office dont il a fait l'objet constitue, en réalité, une sanction déguisée ;
3. Considérant qu'une mutation d'office revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent ;
4. Considérant, d'une part, que la mesure litigieuse, qui éloigne M. B...de près de 200 kilomètres de son domicile, alors que le requérant allègue, sans être contredit, qu'il existait d'autres postes disponibles plus proches, pour l'affecter sur un poste pour l'exercice duquel il allègue, sans être efficacement contredit, n'avoir reçu pendant plusieurs mois aucune attribution concrète, a pour effet d'entraîner une dégradation objective de sa situation professionnelle ;
5. Considérant, d'autre part, qu'il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que les faits qui ont justifié la mesure tiennent au comportement discourtois et conflictuel de l'intéressé vis à vis des autres personnels de direction et des élèves, et à ce que cette attitude ne peut être regardée comme celle attendue d'un personnel de direction ; que l'intention poursuivie par l'administration dans ce contexte révèle une volonté de sanctionner M.B... ;
6. Considérant qu'il suit de là que la mesure n'a pas été prise uniquement dans l'intérêt du service mais constitue en réalité une sanction, qui devait être précédée de la réunion du conseil de discipline ; qu'il est constant que cette exigence procédurale, qui constitue une garantie pour l'intéressé, n'a pas été respectée ; que, dans ces conditions, cette irrégularité, qui a effectivement privé M. B...d'une garantie, entache d'illégalité l'arrêté litigieux ; que, par suite, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Considérant que l'annulation de l'arrêté litigieux implique nécessairement que l'administration replace M. B...sur le poste même dont il a été illégalement privé ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de rétablir M. B... dans ses fonctions de proviseur adjoint du lycée général et technologique Gabriel Fauré à Annecy, dans un délai de quatre mois suivant la notification du présent arrêt, sous réserve d'une modification, en droit ou en fait, des circonstances qui serait de nature à faire obstacle à cette mesure ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, une somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1300945 du 6 mai 2015 du tribunal administratif de Grenoble et l'arrêté du ministre de l'éducation nationale du 20 décembre 2012 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la ministre de l'éducation nationale de rétablir M. A... B...dans ses fonctions de proviseur adjoint du lycée général et technologique Gabriel Fauré à Annecy, dans un délai de quatre mois suivant la notification du présent arrêt, sous réserve d'une modification, en droit ou en fait, des circonstances qui serait de nature à faire obstacle à cette mesure.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- M. d'Hervé, président,
- Mme Michel, président-assesseur,
- Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 avril 2017.
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N° 15LY02280