Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 26 avril 2016, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me A..., demande à la Cour d'annuler ce jugement du 22 mars 2016.
Il soutient que :
- le tribunal a pris en considération des éléments relatifs aux conditions d'accès effectif à la greffe rénale en Arménie ;
- la dialyse constitue un traitement approprié en cas d'insuffisance rénale terminale, dès lors qu'il n'est pas établi qu'un défaut de greffe de rein engagerait le pronostic vital à court terme ; il ne ressortait pas des pièces médicales versées en première instance que le pronostic vital de M. C...se trouvait engagé à court terme faute d'une telle intervention qui n'a été envisagée qu'en raison de son jeune âge ;
- l'hémodialyse et la greffe rénale sont pratiquées en Arménie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2016, M. D... C..., représenté par MeB..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me B... au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- le préfet s'est cru à tort lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et a ainsi méconnu l'étendue de sa propre compétence ;
- le préfet confond insuffisance rénale chronique et insuffisance rénale terminale, dont il était atteint à la date de l'arrêté annulé ; la greffe de rein ne peut être réalisée en Arménie qu'à partir d'un donneur vivant membre de la famille du patient ; les conditions d'hémodialyse dans ce pays ne sont pas satisfaisantes ; les médicaments qui lui étaient prescrits avant sa greffe n'y sont pas disponibles ;
- son état de santé nécessite qu'il demeure en France après sa greffe qui a été réalisée le 27 octobre 2015.
Par ordonnance du 19 août 2016, l'instruction a été close au 15 septembre 2016.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Michel a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.C..., ressortissant arménien, est entré en France le 27 juin 2012, selon ses déclarations ; que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par un arrêt du 28 janvier 2014 de la cour nationale du droit d'asile ; qu'il a sollicité le 15 juillet 2013 la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ; qu'une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 22 août 2014 lui a été délivrée à ce titre ; que, par un arrêté du 10 juillet 2015, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi ; que cet arrêté a été annulé par un jugement du 22 mars 2016 du tribunal administratif de Dijon qui a enjoint au préfet de la Côte-d'Or de procéder à un nouvel examen de la demande présentée par M. C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ; que le préfet de la Côte-d'Or relève appel de ce jugement ; que, par la voie de l'appel incident, M.C..., qui a bénéficié d'une greffe rénale le 27 octobre 2015, demande à la cour d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
2. Considérant que l'arrêté du 10 juillet 2015 litigieux a été pris au vu de l'avis rendu le 19 décembre 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé de Bourgogne, qui a estimé que l'état de santé de M. C...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il existait un traitement approprié à son état dans son pays d'origine ; qu'il ressort d'un certificat médical établi le 23 juillet 2015 par un médecin néphrologue du service de néphrologie du centre hospitalier universitaire de Dijon que M. C... était atteint d'une insuffisance rénale chronique au stade terminal nécessitant une épuration extra-rénale d'une durée de quatre heures trois fois par semaine dont l'interruption aurait engagé son pronostic vital à court terme et qu'en raison de son âge, la transplantation rénale était primordiale pour augmenter son espérance de vie ; que l'agence de la biomédecine a confirmé le 21 février 2015 à M. C... son inscription sur la liste nationale des malades en attente de greffe gérée par cette agence ; que l'intéressé a également produit en première instance un document daté du 7 octobre 2014 émanant de l'institut de la santé publique des enfants et des adolescents ainsi qu'une lettre du 27 avril 2015 du ministre de la santé de la République d'Arménie, dont il ressort que dans ce pays les transplantations rénales sont effectuées exclusivement au centre médical d'Arakbir à Erevan, à partir de donneurs vivants membres de la famille du malade ; que ces documents ne sont toutefois pas de nature à établir l'impossibilité pour M. C...de bénéficier d'une greffe en Arménie, notamment à partir d'un donneur vivant membre de sa famille ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté du 10 juillet 2015 du préfet de la Côte-d'Or au motif qu'il avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de M. C...de son refus de renouveler le titre de séjour qu'il avait obtenu sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
3. Considérant qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.C... ;
4. Considérant qu'en vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : " À l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médical dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ;
5. Considérant, en premier lieu, que si le préfet de la Côte-d'Or a considéré, au vu de l'avis régulièrement émis le 19 décembre 2014 par le médecin inspecteur de l'agence régionale de santé, que M. C...ne remplissait plus les conditions posées par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de l'arrêté contesté que le préfet se serait cru lié par cet avis et, en conséquence, n'aurait pas lui-même apprécié la situation de M.C... ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa propre compétence doit être écarté comme non fondé ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que l'affirmation dans le certificat médical du 23 juillet 2015 mentionné au point 2 de ce que les " conditions d'hémodialyse en Arménie en termes d'hygiène et de qualité ne sont pas satisfaisantes et présentent un haut risque d'infection " ne suffit pas à établir pas qu'un défaut de prise en charge médicale aurait entrainé pour M. C...des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
7. Considérant, en troisième lieu, que les moyens soulevés à l'encontre du refus de renouvellement du titre de séjour ayant été écartés, il y a lieu d'écarter celui tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de ce refus ;
8. Considérant, en dernier lieu, que pour le motif énoncé au point 2, M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision désignant l'Arménie comme pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Côte-d'Or est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé son arrêté du 10 juillet 2015 et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la demande présentée par M. C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ; que les conclusions à fin d'injonction de M.C..., présentées par la voie de l'appel incident, ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1502307, rendu le 22 mars 2016 par le tribunal administratif de Dijon, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Dijon et ses conclusions présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...C.... Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2017, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 avril 2017.
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N° 16LY01426