Procédure devant la cour
Par une requête et trois mémoires enregistrés respectivement les 28 janvier, 18 mai, 23 septembre et 28 octobre 2015, M. A... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'annuler la décision du 21 novembre 2013 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Est a refusé la prise en charge de la consultation médicale du 12 août 2013, des médicaments et des bas de contention prescrits au titre des séquelles des accidents de service dont il a été victime les 4 octobre 1983, 5 décembre 1990 et 23 août 2002 ;
3°) d'enjoindre à l'administration de prendre en charge, outre les dépenses médicales et pharmaceutiques liées à ces accidents de service, les frais qu'il a été contraint de supporter qui s'élèvent désormais à 2 004,41 euros.
M. A... soutient que :
- les différentes prescriptions médicales sont en rapport direct avec les accidents reconnus imputables au service dont il a été victime ;
- les fonctionnaires victimes d'un accident imputable au service ont droit au remboursement des frais médicaux même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite ;
- les frais engagés ont évolué depuis l'enregistrement de sa demande au tribunal administratif, ils doivent donc être réactualisés.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 juillet 2015, le ministre de l'intérieur conclut à la confirmation du jugement attaqué et au rejet de la requête de M.A....
Le ministre fait valoir que :
- les accidents reconnus comme imputables au service ont été déclarés consolidés le 2 juin 1986 et le 25 février 1991 pour les deux premiers ;
- le rapport d'expertise déposé en février 2002 ne peut suffire à déterminer, en 2013, le lien direct avec les conséquences des accidents survenus en 1983 et 1990 ; les conclusions du médecin datant de janvier 2014 n'apportent aucun élément nouveau relatif à l'état de santé du requérant ; l'expertise médicale prescrite par le juge des référés à la demande de M. A... n'apporte rien de nouveau.
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées le 7 novembre 2016, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. A...tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de prendre en charge les frais médicaux postérieurs à la décision contestée, aucune demande préalable de prise en charge de ces frais exposés en 2014 n'ayant été présentée à l'administration.
Un mémoire, enregistré le 7 novembre 2016, a été présenté par M. A...en réponse à la communication de ce moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gondouin,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;
- les observations de M.A....
1. Considérant que M. A..., fonctionnaire retraité de la police nationale, a été victime de trois accidents reconnus imputables au service les 4 octobre 1983, 5 décembre 1990 et 23 août 2002 ; qu'il a sollicité la prise en charge au titre de ces accidents de la consultation médicale du 12 août 2013, des médicaments et des bas de contention qui lui ont alors été prescrits ; que, par un arrêté du 21 novembre 2013, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Est a refusé cette prise en charge ; que M. A... a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à l'annulation de cette décision, à ce qu'il soit enjoint à l'État de prendre en charge les frais médicaux et pharmaceutiques précités ainsi que les dépenses d'ordre médical qu'il serait amené à exposer du fait de ces accidents et à ce que soit mise à sa charge la somme de 351,70 euros en remboursement des frais qu'il a dû supporter ; que M. A... relève appel du jugement du 18 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 21 novembre 2013 :
2. Considérant que le 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État visée ci-dessus prévoit que le fonctionnaire en activité a droit : " À des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit en outre au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident " ;
3. Considérant que les agents radiés des cadres peuvent prétendre à la prise en charge des honoraires médicaux et frais directement exposés à la suite d'une maladie professionnelle ou d'un accident reconnu imputable au service ; que, lorsque l'état d'un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice de ces dispositions est subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de sa pathologie, mais à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain avec l'accident de service ;
4. Considérant que les trois accidents subis par M. A... les 4 octobre 1983, 5 décembre 1990 et 23 août 2002 ont été reconnus imputables au service ; qu'en se fondant sur l'avis émis par la commission de réforme le 18 novembre 2013, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Est a relevé, par l'arrêté contesté du 21 novembre 2013, que les médicaments et bas de contention prescrits par le médecin de M. A..." sont sans lien direct et certain avec les séquelles de l'accident de service susvisé " et refusé que ceux-ci ainsi que la consultation médicale soient pris en charge au titre des accidents de service ;
5. Considérant, toutefois, qu'en 2002 le médecin rhumatologue qui suivait M. A... a fait la liste des séquelles responsables de petites incapacités permanentes partielles et noté que " les pathologies du genou gauche et de l'épaule gauche, séquellaires des accidents de service, peuvent parfaitement justifier des traitements antalgiques et anti-inflammatoires intermittents " pour conclure que les soins sollicités sont en rapport direct avec les conséquences des accidents de service ; qu'en 2014, un médecin, expert près la cour d'appel de Riom, a lui aussi dressé une liste de séquelles au nombre desquelles est signalé un syndrome post-phlébitique du membre inférieur droit et relevé qu'à ce jour il n'était pas survenu de modification de " l'état séquellaire " de M. A..., permettant de remettre en cause les conclusions de l'expertise du 4 février 2002 ; qu'il en a conclu que les soins et traitements en relation avec les accidents de service devaient être maintenus et pris en charge ; qu'un autre certificat médical établi par un rhumatologue le 30 mai 2014 dresse le même bilan ; que les prescriptions que la commission de réforme a, en 2013, refusé de reconnaître comme liées directement aux accidents de service, ne sont cependant pas étrangères aux constatations de ces médecins ; que ces prescriptions ne sont en outre pas nouvelles puisque des soins identiques avaient déjà été pris en charge au moins en 1996 et 2007 ; qu'il ne ressort nullement des autres pièces du dossier que les troubles pour lesquels M. A... est traité sont sans lien direct et certain avec les accidents imputables au service, en particulier les deux plus graves survenus en 1983 et en 1990 ; que, par suite, en refusant de prendre en charge la consultation médicale, les médicaments ainsi que les bas de contention prescrits au requérant, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Est a méconnu les dispositions du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté préfectoral du 21 novembre 2013 ;
Sur les autres conclusions :
7. Considérant, en premier lieu, que l'annulation de la décision contestée implique qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur, comme le demande M. A..., de prendre en charge, au titre des honoraires et frais exposés à la suite des accidents imputables au service la consultation médicale du 12 août 2013 ainsi que les médicaments et les bas de contention prescrits à cette occasion ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que M. A... présente des conclusions tendant à ce qu'il soit également enjoint au ministre de l'intérieur de prendre en charge les autres frais médicaux qu'il a été contraint de supporter ; qu'il joint à sa demande un état des frais exposés faisant apparaître des honoraires de médecins ainsi que des frais médicaux et pharmaceutiques postérieurs à la décision attaquée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait adressé à l'administration une demande préalable de prise en charge de ces frais exposés en 2014 ; que, dans son mémoire, le ministre ne répond pas à ces conclusions ; que ces conclusions de M. A... qui ne sont dirigées contre aucune décision sont, par suite, irrecevables ;
9. Considérant, en dernier lieu, que M. A... demande également que soit mise à la charge de l'État une somme correspondant aux frais qu'il a dû engager pour la défense de ses intérêts ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1400744 du 18 décembre 2014 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Est du 21 novembre 2013 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de prendre en charge la consultation médicale du 12 août 2013 ainsi que les médicaments et les bas de contention prescrits au requérant lors de cette consultation.
Article 4 : L'État versera à M. A...la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Est
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016 où siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.
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N° 15LY00354