Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 11 avril 2016, le préfet du Cantal demande à la cour d'annuler ce jugement du 24 mars 2016 du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon.
Il soutient que :
- les obligations de quitter le territoire français sans délai dont faisaient l'objet les intéressés n'ont pas été contestées dans le délai de recours ;
- c'est en raison d'un motif de force majeure que l'éloignement prévu le 23 mars 2016 a été annulé ;
- si le premier juge indique que la nécessité de garder les intéressés à proximité du lieu d'embarquement constitue une pure commodité administrative, la distance entre Aurillac et Lyon rend obligatoire le placement en rétention de l'étranger au moins la veille, afin que les intéressés puissent être présentés à temps pour l'embarquement ;
- si M. et Mme C...ont respecté les obligations résultant de leurs assignations à résidence, ils ont manifesté la volonté de se maintenir sur le territoire national sans engager de démarche pour quitter la France.
Par un mémoire enregistré le 19 juillet 2016, M. D...C...et Mme B...C..., représentés par MeA..., concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à leur conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils font valoir que :
- les circonstances que les mesures d'éloignement n'avaient pas été contestées et qu'il n'a pas pu être procédé à l'éloignement effectif sont sans incidence sur la légalité des décisions de placement en rétention ;
- les autres moyens ne sont pas fondés.
M. et Mme C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que le préfet du Cantal relève appel du jugement par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 21 mars 2016 plaçant M. et Mme C...en rétention administrative ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant que le premier juge a annulé les décisions plaçant M. et Mme C...en rétention administrative en retenant, d'une part, que le motif tiré du caractère imminent de la mise à exécution de la mesure d'éloignement et de la nécessité d'un placement à proximité du lieu d'embarquement était impropre à justifier l'adoption d'une mesure de rétention administrative, qui n'est légale que si elle est effectivement nécessaire, justifiée et proportionnée et, d'autre part, que les intéressés justifiaient de garanties de représentation ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ;
4. Considérant qu'au sens et pour l'application des dispositions précitées des articles L. 551-1 et L. 561-2 précités du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notion de " garanties de représentation effectives " propres à prévenir un risque de fuite doit être appréciée au regard, notamment, des conditions de résidence et de logement de l'étranger, de la possession ou non de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, mais également du respect ou non, par l'étranger, des obligations lui incombant en matière de police des étrangers ou des mesures administratives prises au titre de ces mêmes dispositions ;
5. Considérant que la circonstance que les éloignements prévus le 23 mars 2016 ont été reportés en raison des attentats commis la veille à Bruxelles est sans incidence sur la légalité des décisions préfectorales litigieuses ; qu'il en va de même s'agissant de la circonstance que les obligations de quitter le territoire sans délai édictées à l'encontre de M. et Mme C...le 16 mars 2016 n'avaient pas été contestées dans le délai de recours contentieux ;
6. Considérant que la distance séparant Aurillac et Lyon et les contingences qu'elle induit pour l'organisation pratique des éloignements ne permettent pas davantage d'établir que les intéressés ne justifiaient pas de garanties de représentation effectives alors qu'une telle circonstance est seule de nature à fonder le placement en rétention administrative d'un étranger ;
7. Considérant qu'il n'est pas contesté que M. et Mme C...disposent de documents d'identité en cours de validité, sont hébergés par la communauté Emmaüs d'Aurillac, qui les emploie, et auprès de laquelle ils sont domiciliés depuis le 12 septembre 2014 ; qu'ils ont fait l'objet de précédentes mesures d'assignation à résidence dont ils ont respecté les termes ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient opposé, à l'occasion de précédentes tentatives d'éloignement, des refus d'embarquer ; que, dans ces conditions, ils justifient de garanties de représentation, alors même qu'ils se sont abstenus de quitter le territoire français en dépit des mesures d'éloignement dont ils ont fait l'objet ; que, dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que leur placement en rétention administrative était illégal ; que le préfet du Cantal n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 21 mars 2016 ;
Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :
8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par M. et MmeC..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Cantal est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. et Mme C...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D...C...et à Mme B...C.... Copie en sera adressée au préfet du Cantal.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.
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N° 16LY01319