Procédure devant la cour :
I) Par une requête enregistrée le 12 mai 2016 sous le n° 16LY01612, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 avril 2016, en tant qu'il annule son arrêté pris à l'encontre de M.F....
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision concernant M. F...en raison de l'annulation de la décision concernant son épouse, dès lors que le caractère indispensable de sa présence aux côtés de son épouse n'est pas démontré et que c'est par une inexacte application de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les premiers juges ont estimé que sa compagne avait droit à un titre en qualité de parent d'un enfant malade, eu égard à la disponibilité de soins appropriés au Kosovo.
Par un mémoire enregistré le 17 août 2016, M. D...F..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que le moyen invoqué n'est pas fondé.
Il reprend en outre ses moyens de première instance et soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre et de l'illégalité du classement de la procédure en régime prioritaire ;
- l'illégalité du refus de titre prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même entachée de méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'erreur manifeste d'appréciation.
II) Par une requête enregistrée le 12 mai 2016 sous le n° 16LY01613, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 avril 2016, en tant qu'il annule son arrêté pris à l'encontre de MmeF....
Il soutient que c'est par une inexacte application de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les premiers juges ont estimé que Mme F... avait droit à un titre en qualité de parent d'un enfant malade, eu égard à la disponibilité de soins appropriés au Kosovo.
Par un mémoire enregistré le 17 août 2016, Mme B...F..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que le moyen invoqué n'est pas fondé.
Elle reprend en outre ses moyens de première instance et soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre et de l'illégalité du classement de la procédure en régime prioritaire ;
- l'illégalité du refus de titre prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même entachée de méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et d'erreur manifeste d'appréciation.
M. et Mme F...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du 28 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre les requêtes nos 16LY01612 et 16LY01613, dirigées contre le même jugement, pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt ;
2. Considérant que par deux arrêtés du 12 août 2015 le préfet de la Haute-Savoie a refusé de délivrer un titre de séjour à M. et MmeF..., de nationalité kosovare, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sous trente jours et a fixé le pays de destination ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a, notamment, annulé ces arrêtés ; que le préfet demande l'annulation de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant que, pour annuler le refus de titre de séjour opposé à M.F..., après avoir annulé l'arrêté pris à l'encontre de son épouse au motif que le refus de séjour méconnaissait l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les premiers juges ont relevé que " le maintien en France de Mme F...et d'A... pour une période que les soins médicaux ne permettent pas de déterminer entraînerait une séparation durable d'avec M. F... et l'autre enfant mineur du foyer ; que, dans les circonstances très particulières de l'espèce, le refus de régulariser le séjour de M. F...a porté une atteinte excessive à son droit de mener une vie privée et familiale normale, et doit être annulé " ; que, ce faisant, et contrairement à ce que soutient le préfet, ils ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point ;
Sur la recevabilité des demandes :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) " ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 pris pour l'application de cette loi : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, (...) l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. " et qu'aux termes de l'article 40 : " Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle est adressée à un bureau par voie postale, sa date est celle de l'expédition de la lettre. La date de l'expédition est celle qui figure sur le cachet du bureau de poste d'émission " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme F...ont sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle dès le 19 août 2015, soit dans le délai de recours ; que le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé aux intéressés le 18 novembre 2015 ; que le délai de recours contentieux avait vocation à recommencer à courir le jour où ces décisions sont devenues définitives, soit le 18 janvier 2016 ; qu'il suit de là que les recours pour excès de pouvoir formés par leur conseil, enregistrés au greffe du tribunal le 11 janvier 2016, ne sont pas tardifs ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par le préfet en première instance ne peut être accueillie ;
Sur la légalité des décisions préfectorales :
7. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l'un des parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, sous réserve qu'il justifie résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger (...) dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...) " ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le jeuneA..., né le 17 avril 2012 à Metz-Tessy, est atteint d'une maladie grave et rare, qui associe notamment des troubles pulmonaires et cutanés, avec un risque d'évolution vers d'autres complications ; que le médecin de l'agence régionale de santé a estimé qu'une privation de soins pourrait exposer l'enfant à des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne pourrait recevoir de traitement adapté au Kosovo ; que, dans les circonstances très particulières de l'espèce, et compte tenu des spécificités de la pathologie en cause, les documents produits par le préfet de la Haute-Savoie ne sont pas suffisamment probants pour démontrer l'existence d'une prise en charge appropriée dans le pays d'origine ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé le refus de séjour opposé à MmeF..., qui avait sollicité une autorisation provisoire sur ce fondement, au motif qu'il méconnaissait les dispositions précitées ;
9. Considérant, d'autre part, qu'aucun élément du dossier ne met en cause l'existence d'une vie commune entre M. et Mme F...; que ces derniers sont les parents, outre du jeuneA..., d'un autre enfant, né en 2010 ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et alors que les soins nécessaires à A...présentent un caractère de longue durée d'après l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, non contredit à cet égard, c'est par une exacte appréciation que le tribunal a estimé que le refus de régularisation opposé à M. F...portait une atteinte excessive à son droit de mener une vie privée et familiale normale ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé ses deux arrêtés ; que sa requête ne peut, dès lors, qu'être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demandent M. et MmeF..., dans les deux instances, au titre des frais non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes du préfet de la Haute-Savoie sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de M. et Mme F...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. et MmeF....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.
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Nos 16LY01612 - 16LY01613