Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 août 2015, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'annuler ce jugement, en tant qu'il annule la décision fixant le pays de destination et met à la charge de l'Etat une somme à verser à Me D...au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le premier juge a statué ultra petita dès lors que l'intéressé n'avait jamais demandé l'annulation du pays de renvoi lors de son recours devant le tribunal et que la contestation du pays de renvoi ne constitue pas un moyen d'ordre public ;
- c'est à tort que le premier juge a annulé la décision désignant le Brésil comme pays de renvoi car, contrairement à ce qu'a retenu le magistrat, il n'était pas tenu de prendre une décision de réadmission ;
- la décision fixant le pays de destination n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation car cette décision ne vise pas uniquement le Brésil, mais aussi tout pays où l'intéressé établirait être légalement admissible et, par voie de conséquence, l'Italie dans l'hypothèse où M. B...C...obtiendrait un droit au séjour dans ce pays ; il n'y a en toute hypothèse aucune atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé, qui n'apporte aucun élément sérieux pouvant attester de la réalité de ses allégations sur l'authenticité et l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec son fils majeur et sa belle-fille résidant en Italie, où il est en situation irrégulière et où il ne justifie pas avoir effectivement sa résidence, alors qu'il est reparti au Brésil de 2013 à avril 2014, et de l'absence de liens dans son pays d'origine ; le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision fixant le pays de destination.
Par un mémoire enregistré le 19 novembre 2015, M. G...B...C..., représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge de renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé la décision fixant le pays de renvoi, dès lors que :
- le premier juge n'a pas statué ultra petita, car il a présenté à l'audience, avant la clôture de l'instruction, des moyens contre la décision fixant le pays de renvoi, ainsi que le lui permettait le dernier alinéa de l'article R. 776-5 du code de justice administrative, le tribunal avait été régulièrement saisi de conclusions contre la décision portant fixation du pays de destination ;
- la décision querellée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation puisqu'elle implique un renvoi vers son pays d'origine où il n'a plus de raison de vivre puisque toute sa famille réside en Italie.
Il soutient par ailleurs que :
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur la décision refusant un délai de départ volontaire, dès lors qu'il ne présente pas de risque de soustraction à la mesure d'éloignement, qu'il n'a pas contestée, et qu'il manifestait ainsi sa volonté d'exécuter cette mesure ; il justifiait de garanties de représentation suffisantes, n'ayant pas dissimulé son identité, ayant immédiatement remis son passeport et ayant mentionné dès son audition par les services de police un hébergement en France, il s'agissait de la première mesure d'éloignement prise à son encontre ; le jugement, qui est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, doit être réformé ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande en tant qu'elle contestait son placement en centre de rétention administrative, dans la mesure où cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses garanties de représentation, justifiant une assignation à résidence ; le jugement doit être réformé.
M. B...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Samson-Dye.
1. Considérant que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 30 juin 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a fixé comme pays de renvoi de M. B...C...E...et a mis à la charge de l'Etat une somme à verser au conseil de ce dernier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que le préfet de la Haute-Savoie relève appel du jugement sur ces deux aspects ; que, par ailleurs, ce même jugement a rejeté le surplus des conclusions de M. B...C... ; que ce dernier le conteste, par la voie de l'appel incident, en ce qu'il rejette ses conclusions dirigées contre les décisions du préfet de la Haute-Savoie du 30 juin 2015 portant refus de délai de départ volontaire et placement en rétention administrative ;
Sur l'appel principal :
2. Considérant que le premier juge a annulé la décision fixant le Brésil comme pays de renvoi de M. B...C...pour erreur manifeste d'appréciation, en retenant que celui-ci n'avait plus de raison d'y vivre, dès lors qu'il avait construit son existence en Italie où il pouvait aisément être régularisé ;
3. Considérant cependant que M. B...C..., ressortissant brésilien né le 15 février 1966 au Brésil, ne justifie pas être en situation régulière en Italie, les autorités italiennes ayant mis en oeuvre à son encontre une procédure de réadmission le 30 juin 2015 ; qu'il ne fait état d'aucun risque pour lui-même ou pour ses proches dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions et alors même qu'il aurait vécu pendant plusieurs années en Italie, où résident légalement son fils et sa belle-fille, et où il allègue exercer une activité professionnelle, la décision le renvoyant dans le pays dont il a la nationalité, et où il n'est en toute hypothèse pas établi qu'il n'aurait plus d'attache, n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a retenu ce moyen pour annuler la décision fixant le pays de renvoi ;
4. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...C...tant en première instance qu'en appel ;
5. Considérant, en premier lieu, que la décision fixant le pays de renvoi comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision n'aurait pas été précédée de l'examen de la situation personnelle de l'intéressé ;
6. Considérant, en second lieu, que la décision a été signée par Mme A...F..., directrice du cabinet du préfet de la Haute-Savoie, qui bénéficiait d'une délégation de signature à cet effet consentie par un arrêté du préfet de la Haute-Savoie en date du 1er octobre 2014, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du même jour ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence doit être écarté ;
7. Considérant qu'il suit de là que M. B...C...n'était pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi ; que le préfet est, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, fondé à soutenir que c'est à tort que sa décision fixant le pays de renvoi a été annulée et qu'a été mise à sa charge une somme au titre des frais non compris dans les dépens ;
Sur l'appel incident :
8. Considérant, d'une part, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...)3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...)f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. " ;
9. Considérant qu'il n'est pas établi que M. B...C...justifiait d'un document d'identité ou de voyage en cours de validité à la date de la décision en litige, le passeport figurant au dossier étant au contraire expiré depuis le 9 juin 2015, ses allégations sur le fait qu'il devait récupérer un nouveau document au consulat brésilien en Italie n'étant corroborées par aucun élément suffisamment probant et présentant des garanties d'authenticité suffisantes ; que cette circonstance suffit à caractériser un risque de fuite ; que, par ailleurs, les éléments invoqués, tirés de ce qu'il n'a pas dissimulé son identité, a immédiatement remis son passeport et a mentionné dès son audition par les services de police un hébergement en France et de ce qu'il s'agissait de la première mesure d'éloignement prise à son encontre, ne sauraient, dans les circonstances de l'espèce, être regardés comme constituant des circonstances particulières au sens des dispositions précitées ; que, dès lors, M. B...C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ;
10. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ;
11. Considérant que M. B...C..., qui n'est pas titulaire d'un passeport en cours de validité et qui se borne à faire état d'une promesse d'hébergement par un tiers pour une période d'un mois, alors qu'il ressort de ses propres allégations sur son séjour en Italie qu'il n'a pas de résidence stable en France, ne justifie pas, dans ces conditions, de garanties de représentation suffisantes ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté ordonnant son placement en rétention administrative ;
12. Considérant qu'il suit de là que les conclusions d'appel incident de M. B...C...et par voie de conséquence ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1505836 du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon du 2 juillet 2015 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de première instance et d'appel de M. G...B...C...sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...B...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2016, où siégeaient :
- Mme Verley-Cheynel, président de chambre,
- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
- Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 février 2016.
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N° 14LY00768
N° 15LY02763 2