Par une requête enregistrée le 29 juin 2017, le préfet de la Loire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er juin 2017 ;
2°) de rejeter les conclusions de Mme B....
Le préfet soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision implicite de refus de titre de séjour en raison de l'absence de communication des motifs du rejet implicite dans le délai d'un mois ; le tribunal aurait dû déclarer irrecevables les conclusions, enregistrées le 1er février 2017, tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née le 5 septembre 2015.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2017, Mme B..., représentée par Me Prudhon, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de la Loire et de confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme B... fait valoir que sa demande d'annulation de la décision implicite de refus de titre de séjour n'est pas tardive puisque la demande de motifs a été formée le 27 janvier 2017, demande à laquelle le préfet n'a jamais répondu ; le délai d'un an visé dans la décision du Conseil d'État du 13 juillet 2016 à laquelle le préfet fait référence ne pouvait commencer à courir qu'à compter du 27 février 2017.
Par une décision du 10 octobre 2017, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Gondouin ;
1. Considérant que MmeB..., née en 1989 et originaire de la République démocratique du Congo, est entrée irrégulièrement en France en mai 2013 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 septembre 2015 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 20 juin 2016 ; qu'en mai 2015, Mme B...avait présenté à la préfecture de la Loire une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de la Loire a implicitement rejetée ; qu'en outre, à la suite de l'arrêt de la CNDA du 20 juin 2016, le préfet de la Loire, par des décisions du 18 octobre 2016, a fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désigné le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office ; que, par un jugement du 1er juin 2017, le tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé la décision préfectorale refusant implicitement de délivrer un titre de séjour à Mme B... et, d'autre part, rejeté sa demande dirigée contre les décisions du 18 octobre 2016 ; que le préfet de la Loire relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé sa décision implicite de refus de titre de séjour ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception " ; que le premier alinéa de l'article L. 112-6 du même code précise que " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation " ; et qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ; que, toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu'en une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a déposé le 5 mai 2015, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de titre de séjour dont il n'a pas été accusé de réception dans les conditions prévues par les dispositions citées au point 2 ; qu'en application de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision implicite de rejet de sa demande est née quatre mois plus tard, le 5 septembre 2015 ; que la circonstance, relevée par le préfet de la Loire, que Mme B...se rendait régulièrement à la préfecture en vue du renouvellement de son récépissé de demande d'asile et pouvait ainsi se renseigner sur les conséquences du silence gardé sur sa demande de titre ne permet pas d'établir que Mme B... avait eu connaissance de la décision implicite de rejet avant que, par lettre du 27 janvier 2017, elle demande au préfet de la Loire, sur le fondement de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, de lui communiquer les motifs de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour ; que Mme B... a ensuite saisi le tribunal administratif de Lyon de conclusions tendant à l'annulation de cette décision le 1er février 2017 ; que, dans les circonstances de l'espèce et contrairement à ce que soutient le préfet de la Loire, la demande d'annulation de la décision implicite de rejet du 5 septembre 2015 n'a pas été présentée au-delà d'un délai raisonnable ; que le préfet n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Lyon aurait dû déclarer irrecevables les conclusions de Mm B... dirigées contre la décision implicite de rejet du 5 septembre 2015 ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation./ Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués " ;
5. Considérant qu'alors que Mme B... lui en avait fait la demande par lettre du 27 janvier 2017, le préfet de la Loire ne lui a pas communiqué les motifs de la décision par laquelle il a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'une telle décision est au nombre de celles devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; que, dès lors, et comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, la décision de refus de titre est illégale pour ne pas avoir été motivée ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision implicite par laquelle il a rejeté la demande de titre de séjour de MmeB... ;
7. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser au conseil de Mme B... sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve, pour Me Prudhon, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Loire est rejetée.
Article 2 : L'État versera à Me Prudhon, avocat de Mme B..., la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Prudhon renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'État, ministre de l'intérieur, à Mme C... B...et Me A...Prudhon.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2018 où siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mai 2018.
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N° 17LY02538