Procédure devant la cour
I°) Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 15 mars 2018 sous le n° 18LY00857, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 février 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du l'Isère du 20 septembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre la décision implicite lui refusant un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré du défaut d'examen de sa demande et celui tiré de l'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit ; les premiers juges n'ont pas répondu à l'ensemble des moyens soulevés et ont entaché leur jugement d'une irrégularité ;
- le préfet a également méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 17 mai 2018, l'instruction a été close au 18 juin 2018.
Un mémoire, enregistré le 9 janvier 2019, présenté pour Mme A...n'a pas été communiqué.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 avril 2018.
II°) Par une requête, enregistrée le 15 mars 2018 sous le n° 18LY01016, Mme A..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1706241 du 16 février 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de l'arrêt de la cour sur sa requête n° 18LY00857, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et que les moyens qu'elle invoque, développés dans sa requête d'appel enregistrée sous le n° 18LY00857 sont de nature à en justifier l'annulation.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 17 mai 2018, l'instruction a été close au 18 juin 2018.
Un mémoire, enregistré le 9 janvier 2019, présenté pour Mme A...n'a pas été communiqué.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 17 avril 2018.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lesieux ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité nigériane, née le 1er octobre 1997, est entrée en France à la date déclarée du 15 mars 2014, alors qu'elle était âgée d'un peu plus de 16 ans. Elle a été prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Isère. A sa majorité, elle a obtenu un titre de séjour portant la mention " étudiant " valable du 12 avril 2016 au 11 avril 2017. Par un arrêté du 20 septembre 2017, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un nouveau titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé. Par sa requête n° 18LY00857, Mme A...relève appel du jugement du 16 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté préfectoral du 20 septembre 2017. Par sa requête n° 18LY01016, elle demande le sursis à exécution de ce jugement.
2. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes dirigées contre le même jugement pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 18LY00857 :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
3. En premier lieu, Mme A...invoquait, à l'appui de sa demande, une erreur de fait, une erreur de droit " par suite de la violation de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " et une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de l'Isère dans l'application de ces dispositions. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu à ces moyens aux points 5 à 8 de leur jugement.
4. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que Mme A...aurait invoqué un moyen tiré du défaut de recueil par le préfet de l'Isère de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de l'intéressée dans la société française avant de rejeter sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une irrégularité en omettant de statuer sur ce moyen.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
S'agissant des conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
5. Mme A...soutient, sans être contestée, qu'elle a sollicité en 2016, du préfet de l'Isère, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de l'Isère, exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui permet de régulariser la situation d'un étranger compte tenu de sa situation personnelle, a décidé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant ". En lui accordant le bénéfice d'un tel titre de séjour, le préfet de l'Isère a nécessairement, ainsi que le fait valoir MmeA..., rejeté implicitement sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance que le préfet lui a néanmoins délivré un titre de séjour ne rend pas sans objet la demande de Mme A...qui fait grief au préfet de ne pas lui avoir délivré le titre de séjour sur le fondement des dispositions légales dont elle se prévalait. Toutefois, l'intéressée n'assortit ses conclusions d'aucun moyen. Elle ne démontre pas plus en appel qu'en première instance, ni d'ailleurs même n'allègue qu'elle remplissait les conditions posées par les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour pouvoir prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement.
S'agissant des conclusions dirigées contre l'arrêté du 20 septembre 2017 :
6. En premier lieu, Mme A...reproche aux premiers juges d'avoir écarté comme inopérants les moyens qu'elle invoquait sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'elle avait sollicité du préfet de l'Isère le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiante. Toutefois, et ainsi que l'a jugé le tribunal, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la fiche de renseignement produite par le préfet, que l'intéressée s'était prévalue, en février 2017, de son statut de mineure prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance pour demander la délivrance d'un nouveau titre de séjour. Il en résulte que MmeA..., dès lors que le préfet n'était pas tenu d'examiner d'office sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut utilement soutenir que ce dernier n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation au regard de ces dispositions et de sa qualité d'étudiante ni que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance de ces mêmes dispositions.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".
8. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige MmeA..., qui n'avait pas obtenu le certificat d'aptitude professionnelle (CAP) en coiffure et était inscrite à la mission locale depuis le mois d'août 2017, ne justifiait plus suivre une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle depuis au moins six mois. Par ailleurs, et ainsi que l'a relevé le tribunal, elle ne justifiait pas du caractère réel et sérieux du suivi de la formation dans laquelle elle s'était engagée jusqu'en juin 2017 au regard de ses résultats et de ses absences, justifiées seulement en partie. Enfin, et en tout état de cause, à la date de la décision attaquée, Mme A...ne se trouvait plus dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire. Le préfet de l'Isère ne pouvait, dès lors, pas légalement lui accorder un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En troisième lieu, Mme A...soutient qu'elle a suivi une formation scolaire et professionnelle en France depuis son arrivée dans le cadre de laquelle elle a effectué divers stages, qu'à la date de la décision contestée, elle était inscrite à la mission locale en attente d'une formation dans le cadre d'un contrat d'aide et de retour à l'emploi durable (CARED) et qu'elle a noué des liens amicaux. Toutefois, l'intéressée qui séjournait en France depuis un peu plus de trois ans, n'établit pas qu'elle serait dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 16 ans. Elle n'établit pas davantage qu'elle aurait établi en France des liens d'une intensité telle que l'arrêté en litige aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, cet arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. En conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la requête n° 18LY01016 :
11. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 1706241 du 16 février 2018 du tribunal administratif de Grenoble, les conclusions de la requête n° 18LY01016 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution et qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
12. MmeA..., partie perdante, n'est pas fondée à demander qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au profit de son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18LY01016.
Article 2 : La requête n° 18LY00857 est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 28 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mars 2019.
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Nos 18LY00857 - 18LY01016