Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2017, Mme B..., représentée par la SELARL BS2A, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er juin 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 5 janvier 2017 ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle avant de lui opposer un refus de titre de séjour ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et celle fixant le pays de destination sont illégales car fondées sur une décision de refus de séjour elle-même illégale ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît en outre l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- en sa qualité de compagne d'un ressortissant communautaire, dont elle est enceinte, elle bénéficie d'un droit au séjour sur le fondement de l'article 3.2, b) de la directive 2004/38/CE ;
- la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2017, le préfet du Rhône, qui s'en rapporte à ses écritures de première instance, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens, d'ailleurs déjà invoqués en première instance, n'est fondé et que la requête est abusive.
Par une décision du 18 juillet 2017, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une ordonnance du 21 septembre 2017, l'instruction a été close au 23 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lesieux ;
1. Considérant que Mme B..., née le 7 octobre 1979, de nationalité chilienne, relève appel du jugement du 1er juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 5 janvier 2017 du préfet du Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi en cas d'exécution d'office ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée une première fois en France, le 12 mai 2010, à l'âge de 31 ans, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour valant titre de séjour portant la mention " étudiant " ; que son titre de séjour a été renouvelé jusqu'en octobre 2013, date à laquelle l'autorité préfectorale a refusé de faire droit à sa demande de changement de statut en lien avec le pacte civil de solidarité conclu avec un ressortissant français et fondée sur les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que pendant son séjour en France, elle a validé plusieurs diplômes et occupé plusieurs emplois en qualité de technicienne de laboratoire ; qu'elle est entrée une nouvelle fois en France le 28 juin 2014 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de long séjour valant titre de séjour portant la mention " étudiant " ; que le renouvellement de son titre de séjour lui a été refusé, par la décision contestée, dès lors qu'inscrite pour l'année 2015/2016 en 2ème année de licence des sciences de la vie, elle ne s'est pas présentée aux examens du 3ème trimestre et n'a produit aucun relevé de notes pour le 4ème trimestre ; que Mme B... soutient justifier, d'une part, d'une présence en France depuis 2010, n'ayant quitté le territoire que quelques mois en 2013, et d'autre part, d'une insertion professionnelle ; qu'elle fait valoir également sa relation amoureuse, depuis janvier 2016, avec un ressortissant de nationalité portugaise dont elle était enceinte à la date de la décision attaquée ; que toutefois, son précédent séjour en France n'avait été autorisé que pour lui permettre la poursuite de ses études supérieures ; qu'en outre, sa relation avec un ressortissant portugais avec qui elle n'a emménagé qu'en février 2017, soit postérieurement à la date de la décision contestée, et de qui elle était enceinte de quelques semaines, est récente ; qu'enfin, elle est entrée pour la deuxième fois en France, à l'âge de 35 ans, depuis moins de trois ans à la date de la décision contestée sans justifier avoir suivi les études pour lesquelles elle avait sollicité un droit au séjour et qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents, son frère et ses deux soeurs ; qu'il s'ensuit que la décision du préfet rejetant sa demande de titre de séjour, intervenue à l'issue d'un examen particulier de sa situation personnelle au vu des éléments portés à sa connaissance, n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que cette décision, qui ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... ne peut se prévaloir de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 2 ;
5. Considérant, en dernier lieu, que Mme B... invoque la méconnaissance de l'article 3.2 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 aux termes duquel " Sans préjudice d'un droit personnel à la libre circulation et au séjour de l'intéressé, l'État membre d'accueil favorise, conformément à sa législation nationale, l'entrée et le séjour des personnes suivantes: (...) b) le partenaire avec lequel le citoyen de l'Union a une relation durable, dûment attestée. / L'État membre d'accueil entreprend un examen approfondi de la situation personnelle et motive tout refus d'entrée ou de séjour visant ces personnes. " ; que cependant, outre que ces dispositions ont été transposées en droit interne aux articles L. 121-1 et suivants et R. 121-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'appelante n'établit, en tout état de cause, pas le caractère durable de sa relation avec un ressortissant de nationalité portugaise ;
En ce qui concerne le délai de départ volontaire :
6. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. (...) " ;
7. Considérant que si Mme B... soutient qu'elle était enceinte à la date de la décision contestée et qu'elle devait disposer du temps nécessaire pour trouver un remplaçant au poste d'auxiliaire de vie qu'elle occupe auprès de particuliers, elle n'établit pas que le préfet du Rhône aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en lui accordant le délai légal de trente jours ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi en cas d'exécution d'office serait illégale en raison de l'illégalité des décisions sur laquelle elle se fonde ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les autres conclusions :
10. Considérant en premier lieu, que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions attaquées, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par Mme B... doivent être rejetées ;
11. Considérant, en second lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées par Mme B... tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par suite, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
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N° 17LY02535